MAVIS (Médiation. Aide. Vieux. Immigrés. Seuls) s’engage depuis deux ans aux côtés des vieux immigrés de la région nancéenne en France. Elle multiplie les actions pour venir en aide à cette population en détresse, dont les ressources sont souvent inférieures à 500 euros par mois. Reportage.
Ils sont là, invisibles. Avec le temps, l’âge de la retraite est arrivé, et ils sont restés. Par choix pour certains, la France est devenue leur pays d’adoption. Par obligation, pour d’autres, afin de continuer à percevoir la maigre pension qui les fait vivre. Près de 800 d’entre eux ont été recencés par l’association sur la seule région nancéenne. Dans les chambres qu’ils occupent, dans les foyers Sonacotra, dans les vieux quartiers ou encore dans les maisons de retraites.
Une vérité s’est imposée, celle d’hommes vieillissants, seuls et parfois trop fiers, noyés dans leur silence ou brisés par la douleur du souvenir.
Un récit poignant.
L’un d’eux nous raconte : « Je suis en France depuis 1952. Marié, ma femme a toujours vécu là bas avec nos six enfants et malheureusement quatre d’entre eux sont décédés de maladie (…) Il y’a quelques temps déjà, ma femme aussi est morte d’un cancer de la gorge. Je l’avais fait hospitaliser en France mais elle n’a pas survécu à la maladie. Cela fait maintenant vingt ans. Je lui tire mon chapeau, elle était responsable des enfants pour nous deux, je rentrais au pays quand je pouvais, il est vrai que j’envoyais de l’argent, mais l’argent ne fait pas tout. »
Les immigrants vieillissants constituent, d’une certaine manière, la tranche la plus précaire des classes populaires. Cumulant un ensemble de handicaps liés au traitement dont ils ont fait l’objet tout au long de leur vies. Réduits à une simple force de travail pour laquelle la notion de participation sociale n’avait ni sens ni légitimité.
MAVIS s’est donné comme objectif de réparer ce qui est encore réparable et de redonner toute sa légitimité à cette population oubliée.
Les ambitions de MAVIS.
AbdelKader Benadjila membre actif de l’association et ses acolytes ont réussi leur pari, celui de sortir ces personnes âgées de l’isolement des foyers et des maisons de retraites.
Il faut savoir qu’il existe encore 8000 chambres de foyers Sonacotra de 4,5 m2 en France, certaines sont encore habités par de vieux immigrés. L’association a également réussi à les aider à recouvrir des droits qu’ils n’avaient jamais sollicités, à leur donner un accès aux soins, à leur offrir de la compagnie et de grandes bouffées d’air à travers diverses activités : cinéma, promenades, concerts…
Parmi les activités de l’association, on compte aussi les cours d’alphabétisation, des cours gratuits de remise à niveau (arabe et français). Du jardinage, 300 m2 de terrains ont été mis à leur disposition pour cultiver des légumes bios qui sont redistribués sous forme de panier, et qui servent également aux journées « cuisines du monde » organisées une fois par mois par l’association. Autre corde à l’arc de MAVIS : les opérations de parrainage, le principe étant d’inviter une personne seule et âgée à venir partager un repas dans une famille, à participer à des sorties, à des loisirs.
L’association répond également à des appels d’urgences. « Un jour, un vieil homme de 72 ans a reçu une menace d’expulsion pour retard de loyer, à la suite de quoi, on lui a couper la lumière. Il est tombé dans les escaliers, s’est fracturé la jambe et ne s’est jamais remis de sa chute. Heureusement, nous étions là pour le soutenir, la machine de la solidarité MAVIS s’est immédiatement mise en place », nous explique Abdelkader qui se félicite des nombreux soutiens qu’a reçu l’entreprise, notamment ceux des pouvoir locaux. « Les élus voient d’un bon œil nos actions pour cette population qui a été longtemps délaissée.» Ainsi, Mohamed Benchaabane membre du service des personnes âgées du conseil général de Meurthe et Moselle est même devenu Président d’honneur de l’association.
Le retour aux sources… 40 ans après.
L’association veut donner cette année à ces vieux immigrés une dernière chance de revoir leur terre natale. C’est ainsi que MAVIS envisage d’accompagner 15 personnes, seules en France depuis plus de 40 ans, coupées de tous liens familiaux, au printemps 2008 pour 15 jours en Algérie. Les pouvoirs locaux de la région nancéenne en accord avec les ministères algériens de l’Emploi et de la Solidarité et des Transports ont déjà donné leur feu vert. L’idée d’un échange avec l’Algérie, qui enverrait des personnes âgées vivants dans des foyers algériens est lancée. Cela devrait se faire en France, à la rentrée 2008. Cet été, AbdelKader Benadjila a été enquêter sur les familles de ces personnes âgées en Algérie, afin de préparer le terrain.