Le portrait de Norbert Zongo trône au fond de la pièce, bien en vue sur le mur blanc autrefois impeccable. Symbole d’une génération, le journaliste mort en décembre 1998 veille sur la rédaction de » L’Indépendant « . Lorsqu’il a fondé le journal au début des années 90, il était le premier à s’opposer au régime de l’actuel président Blaise Compaoré. Une décennie plus tard, l’Indépendant a été rejoint par de nouveaux titres qui ont également osé écrire tout haut ce que certains pensent tout bas.
La presse libre commence à s’organiser à Ouagadougou, dans le sillage de Zongo. « Dans les faits, rien ne semble avoir bougé, analyse Serge Omondji, rédacteur en chef de l’hebdomadaire satirique » 24 Heures « , mais les mentalités ont considérablement évolué. Les gens osent désormais prendre la parole « . Le contenu des colonnes locales a pourtant de quoi surprendre l’Occidental, tant les articles balancent entre investigation limitée et analyse politico-politicienne. Conscient de ce travers, qu’il déplore, Serge Tomondji garde espoir.
» Même si rien n’est définitivement acquis, la liberté d’expression n’est plus un voeu pieux pour les journalistes, confie-t-il. Cela dit, l’autocensure reste notre fléau et nous devons mener un gros travail » d’évangélisation « , même dans une publication satirique comme la nôtre « . La présence sur son bureau d’un ordinateur Apple G4 flambant neuf pourrait choquer, tant la rareté du matériel se fait criante dans d’autres rédactions. En fait, cette machine symbolise la volonté de l’homme, de son journal et, plus généralement, celle de l’ensemble de la presse burkinabé.
Armée d’une simple feuille et d’un stylo
« C’est vrai que nous travaillons avec peu, reconnaît Abu Kodjo, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire San Finna. Du reste, nous ne possédons même pas de matériel informatique à la rédaction. Mais le journal sort quand même, et c’est l’essentiel, car la population lit attentivement la presse. Du coup, notre devoir dépasse largement le simple cadre de l’exercice de notre métier « .
Feuille de papier et stylo à bille à la main, Abu s’en retourne à sa tâche. Dans la rédaction, sept autres journalistes écrivent ou attendent patiemment leur tour auprès de l’unique téléphone. La porte reste ouverte sur une rédaction sans ordinateur. Pour combien de temps ?
Grégory GENDRE travaille pour Baobab News une association de jeunes journalistes français qui équipe les rédactions du Burkina Faso d’ordinateurs et veut développer les nouvelles technologies à Ouagadougou.
Gregory Gendre