Guillaume Soro, le secrétaire général des Forces Nouvelles, sera le prochain Premier ministre ivoirien. L’annonce faite ce lundi par l’ancienne rébellion devrait être confirmée dans les prochains jours par un décret présidentiel. Que pensent les Ivoiriens, natifs ou d’adoption, de cette nomination ? En général, du bien, si elle peut mener à la paix.
La désignation du secrétaire des Forces Nouvelles, Guillaume Soro, comme Premier ministre marque le début de la mise en oeuvre de l’accord de paix qui, selon les responsables politiques ivoiriens, mettra fin à la crise que connaît leur pays depuis 2002. Il a été signé, le 4 mars dernier, à Ouagadougou, grâce à la médiation du président burkinabé, Blaise Compaoré.
Olivia, 26 ans, étudiante et secrétaire (Côte d’Ivoire )
Je trouve cela injuste après tout ce que les rebelles nous ont fait subir. Mais si l’on doit passer par là pour avoir la paix, je suis prête à l’accepter.
Pierre, 45 ans, économiste (Côte d’Ivoire)
Notre seul objectif : c’est la paix ! Quoique cela nous coûte. Il faut choisir entre deux maux, le moindre mal. Guillaume Soro, Premier ministre, c’est un moindre mal si cela peut nous conduire à la paix. De toutes les manières, son gouvernement ne durera que jusqu’aux élections et Guillaume Soro a indiqué qu’il n’était pas intéressé par la magistrature suprême parce qu’il n était intervenu que pour rétablir la justice. S’il demeure dans sa logique, l’essentiel est donc que le peuple vive dans la paix. Une logique dans laquelle Gbagbo semble s’être également inscrit. Le plus important est d’arriver au désarmement. Certaines personnes ne sont pas contentes parce qu’elles estiment ne pas avoir été associées aux négociations. C’est normal, puisqu’elles ne sont pas les protagonistes du conflit. Je pense notamment au MFA (Mouvement des forces de l’avenir) qui est né après la rébellion et qui a pris de plus en plus d’importance au sein du G7 (regroupement des principaux partis de l’opposition ivoirienne, ndlr) alors qu’il n’avait rien à voir avec le conflit. Sa résolution est devenue une affaire d’intérêts pour beaucoup. C’est d’ailleurs pourquoi Laurent Gbagbo a choisi de négocier directement avec les rebelles en précisant que si certains se considéraient comme tels, qu’ils rejoignaient leur camp. Les partis de l’opposition se sont rangés derrière les rebelles parce qu’il ne pouvait en être autrement, car cela aurait été s’opposer à la paix. Je suis content qu’il y ait eu un accord de paix, nous attendons avec impatience la paix véritable.
Agnès, 52, ans, commerçante, Béninoise, vit en Côte d’Ivoire depuis plus de 25 ans
Si Guillaume Soro et Gbagbo sont prêts à cohabiter, cela veut peut-être dire que la paix est revenue. Ils se connaissent bien, ils devraient pouvoir collaborer. Le problème, c’est qu’on se demande s’il n’y a pas anguille sous roche. Une chose est certaine, Soro est désormais le chef de l’opposition ivoirienne.
Tania, 30 ans, comptable (France)
Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai été catastrophée. Les Ivoiriens que je connais ici l’ont été également. Tout comme moi, la seule chose qui les rassure, c’est de savoir que les gens qui sont sur place ont l’air de bien prendre la chose. Guillaume Soro n’a pas les compétences nécessaires pour assumer la charge de Premier Ministre. Qu’est-ce qu’il sera alors capable de faire ? Quand il était ministre, quelles décisions a-t-il prises ? A-t-il des idées, un programme à faire valoir ? Je pense que ce sera le pantin de Gbagbo, il ne sera pas autonome. Sa nomination, c’est histoire dire que les rebelles n’ont pas perdu la face et elle devrait avoir deux types de conséquences selon moi. Soit elle calme tout le monde soit ses alliés et les gens qui le soutiennent risquent de s’énerver parce qu’ils auront l’impression que c’est lui qui récolte les fruits de leur action. Cependant, cette désignation semble être un gage de paix. Aussi, lui ou un autre, peu importe car le plus important, c’est la paix.
Désiré, 40 ans, ingénieur-informaticien (Côte d’Ivoire)
Si ça peut nous apporter la paix, je ne suis pas contre. Nous ne suivons plus les informations parce que nous sommes fatigués de suivre leur danse de sorcières. Il a déjà été ministre de l’Information, et il n’a rien fait, on ne s’attend donc à rien de sa part si ce n’est avoir la paix.
Maimouna, 30 ans, cadre financier et marketing (Etats-Unis)
Je viens d’apprendre la nouvelle. Elle est un peu choquante, mais c’est de bon augure pour le retour de la paix. Et puis avait-on vraiment le choix ? A quel responsable politique ivoirien peut-on aujourd’hui se fier, Guillaume Soro inclus ? Espérons qu’il ne sera pas notre prochain Alassane en voulant, lui aussi, s’engager dans la course à la présidence.
Ousmane, 52 ans, journaliste (Côte d’Ivoire)
Pour nous, c’est une bonne chose. Il fallait mettre en place un équilibre des forces. Cela aurait dû être fait depuis Marcoussis. Guillaume Soro en tant que Premier ministre apportera sa contribution à l’instauration de la paix parce qu’il a des griefs à faire valoir. Mais ce qui m’inquiète, c’est la précipitation avec laquelle il a été nommé. De qui Guillaume Soro sera le Premier ministre ? Si c’est de Laurent Gbagbo, cela reviendra à reconnaître la Constitution contre laquelle il s’est insurgé en prenant les armes. Comme Charles Konan Banny et Seydou Diarra, avant lui, sa nomination doit bénéficier de l’onction de la communauté internationale afin qu’il ait le pouvoir d’agir. Sa sécurité est aussi pour moi un autre sujet d’inquiétude. En tant que Premier ministre, il sera en permanence à Abidjan, exposé aux milices, que l’on aurait dû dissoudre depuis longtemps, présentes dans l’entourage de Laurent Gbagbo. Il y a donc du bon et du mauvais dans cette nomination. Mais en dépit de tout cela, je suis optimiste. Guillaume Soro est un garçon intelligent, il a cerainement pris la mesure du bourbier dans lequel il vient de mettre le pied. Tout le monde doit aider ce petit, aussi bien la société civile que les partis politiques, à mener à bien sa mission en faveur de la paix.