A quelques mois de l’élection législative ivoirienne et après le conclave des Forces Nouvelles, les 10 et 11 septembre dernier, tous les observateurs de la vie politique ivoirienne et africaine s’interrogent sur ce que fera Soro Guillaume après la Primature.
A quelques mois de l’élection législative ivoirienne et après le conclave des Forces Nouvelles, les 10 et 11 septembre dernier, tous les observateurs de la vie politique ivoirienne et africaine s’interrogent sur ce que fera Soro Guillaume après la Primature. On le sait, il ne devrait plus être reconduit à cette fonction. Voilà pourquoi ce conclave des Forces Nouvelles à Bouaké était tant attendu, dans l’espoir d’avoir des éléments de réponses sur l’avenir politique de l’actuel premier ministre ivoirien. En habile tacticien et fin stratège il a su créer le suspens et laisser entretenir davantage les frustrations en ne dévoilant pas ouvertement ses intentions politiques lors de ce conclave. En lisant entre les lignes du discours du secrétaire général des Forces Nouvelles, on pouvait y voir des intentions très ambitieuses longuement réfléchies et soigneusement planifiées.
De manière très subtile, Soro a su manœuvrer pour imposer à ses compagnons de lutte, l’idée du maintient des Forces Nouvelles en « mouvement politique », en dépit de la volonté de certains de ses cadres et des militants qui espéraient transformer ce mouvement en « parti politique ». Cette décision politique, après avoir suscitée la surprise générale, ouvre de vastes champs d’interprétations et d’analyses des enjeux stratégiques des Forces Nouvelles. La question que se posent désormais les médias, les observateurs politiques ainsi que la population ivoirienne est : « pourquoi se maintenir dans une logique de « Mouvement » au lieu de « Parti » politique » ? Pour Guillaume Soro, « il y a déjà trop de partis politiques en Côte d’Ivoire, pour en rajouter un de plus ». Cet argument fait doucement sourire et éveille de fait la curiosité et la suspicion. Il est indéniable, les Forces Nouvelles, même constituées en « Mouvement » politique sont une force inéluctable de la vie politique ivoirienne et cela depuis près de dix ans maintenant. De ce fait, elles sont considérées comme un « Parti » politique de premier plan, impliqué dans toutes les négociations et résolutions de sortie de crise de ces dix dernières années en Côte d’Ivoire. Alors pourquoi ne pas assumer ouvertement cela et se positionner comme un parti politique ? Peut être que la réponse se trouve ailleurs, dans les choix stratégiques de l’actuel premier ministre, pour préparer ses ambitions politiques légitimes.
Soro Guillaume le sait, s’il veut satisfaire ses ambitions présidentielles, il a tout intérêt à élargir sa base électorale. Mais aussi avoir des élus sur l’ensemble du territoire pour devenir une force politique nationale crédible. Aujourd’hui, son mouvement politique reste « enclavé » dans le Nord du pays et à Bouaké, mais largement dominé par le RDR du président Ouattara. Il sait qu’il doit trouver le moyen de ne plus être considéré comme le chef d’un mouvement politique du « Nord » ou de « Musulmans » ou encore « d’ex-rebelles ». Il sait aussi que pour succéder au président Ouattara à la présidence de la République, il lui faut aussi avoir des cadres puissants et des militants dévoués dans toutes les régions de la Côte d’Ivoire. Surtout, être à la tête d’un « mouvement » ou « parti » politique de dimension nationale avec des élus et des militants sur l’ensemble du territoire. Même si son image commence à être mieux perçue dans la population, notamment en dehors du Nord du pays et surtout au sein des militants du RHDP, il sait aussi qu’il doit encore et encore séduire toutes les autres régions pour qui, pendant longtemps, il était l’ennemi à combattre ; le chef des rebelles du Nord.
En habile politicien, il a de fait vite compris qu’il a de sérieux handicaps auxquels il doit apporter des « Solutions » afin de préparer les conditions de sa candidature à l’élection présidentielle future. Et pour cela, il sait qu’il lui faut se rapprocher du RHDP en essayant de prendre le contrôle du RDR dans lequel il compte de nombreuses forces et réseaux sur lesquels il peut s’appuyer. Mais, pour cela, il sait aussi qu’il doit demeurer très fidèle à l’actuel locataire du palais présidentiel ivoirien et surtout ne rien faire qui puisse le gêner pendant sa mandature. Cela peut lui permettre de bénéficier de ses énormes carnets d’adresses et réseaux dans le monde, mais surtout ne pas l’avoir contre lui dans son « éventuelle » décision de se présenter à la présidence du RDR. Répondant à une stratégie bien préparée, des cadres des Forces Nouvelles se déclarent ouvertement candidat aux prochaines législatives sous les « couleurs » du RDR, le parti du président Ouattara. C’est le cas par exemple du ministre Konaté Sidiki et de l’ex tête pesante de Soro, Louis Dacoury-Tabley qui se présente à Gagnoa. Selon des indiscrétions, les semaines à venir devraient voir de nouvelles candidatures des cadres des Forces Nouvelles sous la bannière du RDR afn de répondre à la stratégie mise en place par Soro pour s’emparer de ce parti et se positionner pour l’après ADO.
Mais, dans cinq ou dix ans, tout reste encore possible et des surprises peuvent émerger de part et d’autre afin de bouleverser les différentes stratégies des uns et des autres. En attendant, Soro sait aussi qu’il doit compter avec la légitimité d’Amadou Gon Coulibaly au sein du RDR et les ambitions politiques d’Hamed Bakayoko, qui pour l’instant se construit politiquement au niveau national et international avec de nombreux soutiens et réseaux au sein de la jeunesse ivoirienne.
Macaire Dagry
Chroniqueur Politique à Fraternité Matin