La percussion traditionnelle de la Guadeloupe est au cœur de la musique de Sonny Troupé Quartet. Un héritage que l’artiste perpétue et confronte au jazz. Sonny Troupé présente en live son premier album « Voyages et Rêves » sorti en avril 2013, aau cours de cette 8ème édition du Gwoka Jazz Festival.
Entretien
Baignant dans la musique dès son plus jeune âge, il écoute, sous l’influence de son père saxophoniste, divers styles musicaux. A l’âge de six ans, il intègre Kimbol, groupe de gwoka moderne, en tant que tambour ka soliste. Au fil des années, il acquiert une expérience dans le métier de par ses études et ses rencontres. C’est ainsi qu’en 2010, il crée le projet Sonny Troupé Quartet dont le premier album, « Voyages et Rêves », est sorti en avril dernier.
Afrik.com : Qu’est ce qui vous a poussé à faire carrière dans la musique ?
Sonny Troupé: Je suis un passionné de musique. J’ai commencé à en faire depuis tout petit. Au moment de faire un choix, il y avait deux choses qui m’intéressaient : la psychologie et la musique. J’ai fait les deux en même temps. Au bout de ma quatrième année d’études, j’ai dû faire un choix, j’ai donc opté pour la musique. D’autant plus que mon père est musicien, j’ai donc baigné dans la musique depuis mon plus jeune âge.
Afrik.com : Vous êtes à la fois chanteur et batteur, comment parvenez-vous à concilier les deux ?
Sonny Troupé : Je ne suis pas chanteur. Au sein du groupe, on a quelques chœurs à faire par-ci par-là, mais ça reste de la musique instrumentale avant tout. Dans la musique traditionnelle, on chante très souvent, donc être percussionniste, instrumentiste et chanteur, du moins choriste pour ce que je fais, ne me pose aucun souci.
Afrik.com : Le tambour ka est au cœur de votre musique, mais vous y ajoutez la soul, l’électro, la jungle et le métal. Comment arrivez-vous à conjuguer tous ces styles ?
Sonny Troupé : Cela vient de ma manière de composer, de ce que j’ai envie de partager. C’est vrai que la musique qui me plaît et dont j’ai envie de faire connaître les richesses, c’est le gwoka, la musique de la Guadeloupe qui se joue avec le tambour. Dans toutes mes compositions, il y a cette base-là qui reste. Ça peut être dans le rythme, ça peut aussi être dans les mélodies qui sont proches de la musique traditionnelle. De par mes rencontres et mes études, j’ai pu découvrir d’autres musiques qui avaient des richesses complètement différentes. Et mon but, c’est de faire partager cela et d’intégrer cette expérience dans tout ce que je propose. A partir de là, j’ai trouvé des musiciens qui étaient ouverts et qui avaient une culture suffisamment large pour pouvoir à la fois connaître tout ce qui est électro, jazz, et puis ouvert à la découverte d’autre types de musique comme le gwoka. C’est déjà un travail personnel pour faire comprendre ce que je veux, pour élaborer le style lui-même et puis après, c’est l’échange avec les autres qui arrive à faire mûrir ce projet. Mais la base reste le tambour ka, quel que soit le morceau, les compositions ont été construites autour du tambour et du gwoka.
Afrik.com : Le gwoka occupe une place fondamentale dans votre musique, pouvez-vous nous dire ce que c’est ?
Sonny Troupé : Le gwoka est l’instrument traditionnel de la Guadeloupe. Durant la période coloniale, il était construit avec un tonneau de morue sur lequel on mettait de la peau de chèvre. C’était l’instrument avec lequel les Guadeloupéens s’exprimaient. Aujourd’hui, le gwoka a bien évidemment évolué. Il est fabriqué expressément pour la musique , les tonneaux sont maintenant faits pour ça. Mais ça reste l’instrument le plus ancien avec la voix de la Guadeloupe.
Afrik.com : Parlez-nous de la formation du Sonny Troupé Quartet
Sonny Troupé : Le groupe s’est formé en 2010. A l’époque, j’avais déjà acquis beaucoup d’expérience. J’ai eu une forte commande, on m’a demandé à l’époque de proposer quelque chose pour un gros festival de batterie qui s’appelait le « Drums addict festival ». On m’a demandé certaines choses et en fait j’ai répondu en fonction des idées que j’avais et de ce que j’entrevoyais ». Il était question pour moi d’avoir un tambour, d’être accompagné de Grégory Privat avec lequel je travaille toujours au piano et de Mike Armoogum qui est un bassiste avec qui j’avais déjà travaillé. Mon but était d’avoir ces instruments-là, j’avais déjà à l’idée de faire des samples (extrait de musique ou un son réutilisé dans une nouvelle composition musicale, ndlr). A partir de là, j’ai commencé à composer quelques morceaux. Au fur et à mesure les compositions sont arrivées. On a tourné pendant deux ans jusqu’à faire l’album qui est sorti cette année. On a commencé à enregistrer l’année dernière. Cette demande a été le moment pour moi de réaliser ce que j’avais envie de faire, j’en ai profité pour concrétiser mon rêve de former un groupe.
Afrik.com : Avec votre groupe, vous avez fait un album intitulé « Voyages et Rêves », pourquoi ce titre ?
Sonny Troupé : Il s’agit de mes voyages et de mes rêves. Mon but dans la musique est de faire partager ce que j’aime, donc les richesses de toutes les musiques. Je voulais réellement raconter une histoire, et cette histoire ça peut être l’histoire de chacun d’entre nous, nos propres voyages, nos propres rêves; ça peut être l’histoire de l’humanité en général. C’est pour ça que avec les samples, je me sers beaucoup de Bob Marley, de Martin Luther King, de Neil Amstrong qui va sur la Lune, tout ce que cela a de plus vaste. Et bien sûr, le voyage vers soi. L’album est vraiment construit comme un départ avec des moments tristes, des moments beaucoup plus durs. L’album retrace mon parcours.
Afrik.com : Vous participez à la 8ème édition du Gwoka Jazz Festival, que pensez-vous de cet événement ?
Sonny Troupé : J’ai déjà participé à deux reprises à ce festival. La première fois avec Grégory Privat, qui avait sorti son album en 2011. La seconde fois, j’y avais participé avec le groupe Kimbol, avec lequel j’évolue depuis l’âge de 8 ans. Pour moi, c’est un festival très important. Déjà l’intitulé festival de Gwoka Jazz allie les deux musiques qui me tiennent le plus à cœur. Ce festival est une vitrine pour nous, le gwoka n’est pas encore la musique que l’on entend le plus, du coup, ça nous permet d’avoir un lieu d’expression afin de toucher le plus grand nombre et pas seulement la communauté qui connait déjà cette musique. Ce festival met l’accent sur une musique traditionnel, mais aussi sur le jazz qui est la musique par excellence où les musiciens s’expriment beaucoup, car il y a énormément d’improvisations.
Afrik.com : Que représente ce festival dans votre carrière ?
Sonny Troupé : C’est la rencontre avec l’autre. Faire découvrir mon travail, le gwoka. Ce festival m’apporte une visibilité vers plus de gens, vers un public plus large que j’aurais peut-être eu plus de mal à toucher.
Afrik.com : Quel message souhaitez-vous véhiculer à travers votre album ?
Sonny Troupé : La richesse que peuvent avoir les peuples noirs et plus particulièrement mon peuple, la Guadeloupe. L’autre message qui est beaucoup plus général, c’est de montrer la capacité de l’homme à créer, à imaginer des choses. Un message est sous-entendu tout au long de l’album, à travers des voix et ce qu’elles racontent, des illustrations sonores; en somme, tout ce qui représente l’homme.