Réunis à Dakar, au Sénégal, dans le cadre de le « Semaine de la mobilité et du climat », les acteurs africains ont saisi l’opportunité du 4ème Sommet Climate Chance pour annoncer une feuille de route.
Nous, représentants des collectivités territoriales et des acteurs non étatiques d’Afrique, réunis lors du 4ème sommet Climate Chance Afrique, du 4 au 6 octobre 2022, dans le cadre de la Semaine de la mobilité durable et du climat de Dakar :
Soulignons que cette rencontre est le dernier évènement majeur sur les défis du changement climatique en Afrique organisé en amont de la 27ème conférence des parties (COP 27), en Égypte, où le financement de l’adaptation et des pertes et dommages seront au cœur des négociations et où l’importance de développer des actions d’ampleur sur le continent africain sera fortement rappelée.
Rappelons donc l’importance d’une prise en compte par les États-Parties des propositions et demandes des acteurs des territoires, dont l’expérience et la capacité de mettre en œuvre des solutions concrètes sont au cœur des réponses à apporter face aux défis du changement climatique.
Inscrivons ces priorités dans la suite des messages développés lors des précédents sommets Climate Chance africains (Agadir 2017, Abidjan 2018, Accra 2019), véritables “pré-COP” non étatiques et en cohérence et synergie avec les déclarations spécifiques d’autres grands évènements de rassemblement des acteurs territoriaux, en particulier le Sommet Africités de mai 2022 à Kisumu au Kenya et la déclaration des collectivités et organisations de la société civile africaine réunies à Saly au Sénégal en juillet 2022.
Nous réaffirmons donc en complément de la déclaration “chapeau” de la Semaine de la Mobilité Durable et du Climat de Dakar :
1 – L’urgence absolue de la lutte contre le changement climatique, après une année 2022 particulièrement difficile, où les catastrophes liées à ce dérèglement auront été nombreuses, frappant d’abord les pays et les populations les plus vulnérables. Nul ne peut aujourd’hui contester les diagnostics posés par la communauté scientifique internationale, rassemblées dans le GIEC, et leurs préconisations se doivent d’être suivies, notamment l’importance d’une stabilisation des températures au plus proche de 1,5°C.
2 – Dans ce contexte, l’Afrique souffre particulièrement d’un réchauffement dont elle ne porte pas la responsabilité. Aussi le financement, à la hauteur des enjeux, des politiques d’adaptation et des pertes et dommages des pays les plus vulnérables, doit être une priorité de la communauté internationale et des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
3 – Les politiques d’actions climatiques ne peuvent réussir que si elles prennent en compte les questions de justice sociale et d’égalité de genre, en intégrant les besoins des groupes les plus exclus, notamment les peuples autochtones, les femmes et les jeunes, pourtant porteurs de solutions très adaptées aux réalités locales. Alors que l’ONU vient de reconnaitre le droit humain à un environnement propre, sain et durable comme droit humain universel, nous rappelons la nécessité de mettre en cohérence et en synergie les Agendas du climat et des objectifs de développement durable (ODD).
4 – L’année 2022 est celle où se tiennent les COP des trois conventions de RIO, sur la biodiversité, le climat et la désertification. C’est au niveau des territoires que cette convergence peut être le mieux assurée. Nous notons avec intérêt la volonté exprimée par nombre de parties de travailler à une convergence de ces trois conventions. Nous insistons tout particulièrement sur l’importance de prendre en compte et de financer les propositions élaborées lors de la COP désertification à Abidjan, et sur les possibilités offertes par la nature, tant dans les politiques d’adaptation que de captation du carbone. En ce sens, la préservation et le renforcement des ceintures de mangroves et du couvert forestier sont des enjeux majeurs, passant par la mobilisation de tous les acteurs concernés, peuples autochtones et populations locales, élus territoriaux, ONG, filières économiques.
5 – Dans quelques années, une majorité de la population africaine vivra dans les villes, notamment côtières. La planification urbaine durable et la structuration des réseaux des villes dans le cadre d’une politique volontariste d’aménagement du territoire sont donc un enjeu central pour l’adaptation comme pour la réduction des émissions. Nous rejoignons les préconisations de CGLU-Afrique, soulignées dans la déclaration d’Africités à Kisumu : l’importance de renforcer la décentralisation fondée sur des recettes fiscales autonomes et la maîtrise foncière, et d’avoir des politiques de mobilité cohérentes. Le renforcement des capacités des collectivités territoriales est un enjeu majeur, et nous réaffirmons donc l’importance de l’initiative du pacte des maires sur le climat, porté par l’Union européenne qui doit concerner tant les mégalopoles que les villes moyennes qui sont un atout négligé jusqu’ici pour la mise en œuvre des solutions efficientes.
6 – Il ne saurait être question pour autant de nier les enjeux du monde rural. Le développement de filières agricoles durables, l’accès à l’eau et à l’énergie, l’attention portée à la situation des femmes et des jeunes sont des défis essentiels qui passent là aussi par une confiance renforcée envers les acteurs des territoires, le renforcement de leurs capacités d’action, par l’accès aux financements et à la formation.
7 – L’accès au financement pour les actions de terrain reste toujours une difficulté majeure pour le renforcement et le déploiement de l’action climatique. Nous insistons, comme souligné dans la déclaration de Saly, sur l’accréditation par le Fonds Vert d’entités permettant que les ressources financières dudit fonds atteignent le niveau local pour y soutenir l’élaboration et la mise en œuvre des projets climatiques.
8 – Les financements de compensation sont aujourd’hui en fort développement et certains secteurs, comme l’aviation et le transport maritime en font aujourd’hui le socle de leurs actions d’atténuation. Ces financements nouveaux peuvent offrir des perspectives intéressantes pour le renforcement de l’action, mais nous insistons sur la nécessaire vigilance dont nous devons faire preuve. En aucun cas ces financements ne doivent dédouaner les secteurs concernés de leurs efforts de réduction massive de leurs propres émissions. Les projets financés doivent garantir le respect des droits des peuples autochtones et des populations locales, apporter des améliorations en termes de développement humain, notamment en intégrant la dimension genre, la situation des femmes et des jeunes, et préserver la biodiversité des écosystèmes.
9 – Pour renforcer la prise en compte de l’action territoriale, son intégration dans les contributions déterminées au niveau national (CDN) est nécessaire. Nous plaidons donc pour la mise en place de cadres d’échange et de suivi des acteurs non étatiques et des collectivités territoriales pour leur comptabilisation dans les CDN, sur l’atténuation comme l’adaptation. Dans la même logique nous soutenons l’expérimentation de contributions déterminée au niveau local.
10 – Ce renforcement de la capacité d’action des acteurs territoriaux passe par une meilleure connaissance des actions engagées et de leurs impacts tant qualitatifs que quantitatifs. Aussi nous considérons nécessaire la mise en place d’un véritable observatoire africain de l’action climatique non étatique qui éclairera les décideurs nationaux et internationaux sur l’impact des actions menées, leur potentiel de développement, les freins à leur déploiement.
11 – Nous devons aussi renforcer l’échange de bonnes pratiques, le porter à connaissance sur les succès comme sur les difficultés. Les moyens dédiés à l’information et à la formation se doivent d’être renforcés. Les coopérations décentralisées Sud-Sud, Sud-Nord et l’intégration des apports de la diaspora africaine peuvent aussi être un outil précieux de ce renforcement des capacités.
12 – Nous rappelons enfin que la stabilisation du climat et le renforcement des moyens dédiés à l’adaptation n’est possible que dans un monde de régulation où la gouvernance internationale fonctionne. La paix dans le monde, la fin des conflits et le respect par tous de la Charte des Nations Unies sont des conditions nécessaires à la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat et à l’avenir de l’humanité.
Lire : Semaine de la mobilité : Déclaration de Dakar des acteurs non-étatiques