Un migrant et un passeur ont été tués par balle par les autorités yéménites, lundi dernier, au moment où leur embarcation accostait. Depuis le mois de septembre, près de 23 000 clandestins, pour l’essentiel Somaliens et Ethiopiens, ont débarqué au Yémen. Un chiffre qui a explosé depuis l’année passée.
Habituellement, les migrants Somaliens et Ethiopiens qui traversent le Golfe d’Aden vers le Yémen, en 48 heures, sous le soleil, meurent de noyade, de fatigue, de coups portés, de faim ou encore de soif. Lundi, les forces de sécurité yéménites ont tiré et tué un clandestin et un passeur alors que leur embarcation accostait sur la plage. Ni les autorités locales ni le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui rapporte l’information, n’étaient joignables vendredi, jour férié dans le pays musulman.
Mais selon l’organisation onusienne, qui a recueilli le témoignage des passagers dans son centre de May’fa, le bateau, qui transportait environ 120 personnes, était arrivé non loin de la ville de Belhaf lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu pour des raisons encore inconnues. Soixante passagers ont repris la mer pour accoster plus loin, après quoi les passeurs ont regagné l’état semi autonome du Puntland, dans le nord de la Somalie, avec les deux corps à bord et celui d’une troisième personne, décédée plus tôt.
Guerre, pauvreté, sécheresse, inondations…
Depuis le mois de septembre et le début de la saison navigable, qui prend fin au printemps, 23 000 migrants arrivés depuis les côtes somaliennes ont été enregistrés par le HCR. Dans la même période, 360 personnes sont mortes et 150 ont été portées disparues. « C’est très inquiétant de voir un si grand nombre d’arrivées dès le début de la saison de la navigation. Nous avons constaté une augmentation des arrivées de cent pour cent par rapport à l’année dernière à la même période », s’inquiétait dès le mois d’octobre Saado Quol, chargé de protection de l’UNHCR au Yémen. « Malgré nos tentatives pour prévenir les déplacés (…) sur les risques graves encourus et la cruauté des trafiquants, les gens sont si désespérés qu’ils risquent leurs vies en quête de sécurité et de nouvelles opportunités. »
La majorité des migrants sont des Somaliens et, pour une minorité, des Ethiopiens. Les premiers témoignent venir du sud ou du centre de la Somalie. Ils expliquent que leur liberté y est entravée depuis que l’Union des tribunaux islamiques a pris le pouvoir cet été. Le HCR précise que le Yémen, l’un des seuls états signataire de la Convention de 1951 sur les réfugiés dans la région, « accorde systématiquement le statut de réfugié aux ressortissants somaliens qui fuient le conflit dans leur pays » et en font la demande. Le Yémen, qui compte près de 19 millions d’habitants, accueille ainsi près de 88 000 réfugiés sur son sol, dont 84 000 Somaliens.
L’Europe regarde vers la Méditerranée
Un traitement dont ne bénéficient pas les migrants éthiopiens. Ces derniers s’entassent durant des mois sur la côte somalienne, notamment dans la ville de Bossasso, dans le Puntland, avec les Somaliens déplacés, en attendant de réunir les 50 à 70 dollars nécessaires à la traversée du Golfe d’Aden. Selon les autorités, la ville portuaire accueille environ 22 000 déplacés somaliens et plus de 5 000 migrants, essentiellement éthiopiens. Outre la violence, la privation de liberté et la pauvreté, Somaliens et Ethiopiens ont été frappés cette année par une sévère sécheresse et de terribles inondations.
Les pays occidentaux, préoccupés par les flux méditerranéens de l’immigration africaine, sont restés relativement sourds aux appels à l’aide lancés au début de l’année par Antonio Gutterres, le secrétaire général du HCR. Nombre des migrants poursuivent pourtant leur route vers l’Europe. Les autorités du Puntland ont tenté de prendre des mesures contre les passeurs, mais avec des moyens et des résultats insuffisant. Le 25 septembre dernier, le président du Puntland a signé un décret interdisant le trafic d’êtres humains, selon Jennifer Pagonis, porte-parole du HCR, mais des témoignages recueillis au Yémen indiquent que les autorités font peu de différence entre passeurs, migrants ou demandeurs d’asile.
1 300 Ethiopiens ont ainsi été renvoyés de force vers leur pays par les Somaliens en octobre dernier. Pour y remédier, l’organisation onusienne a signé un accord avec l’état semi-autonome, mi-novembre, afin d’assurer la protection des réfugiés et demandeurs d’asile qui pourraient figurer parmi les migrants.