La Corne de l’Afrique connaît l’un des pires sécheresses de son histoire, à tel point que les insurgés somaliens shebab ont fait appel mercredi à l’aide humanitaire internationale. Le groupe, qui se revendique d’Al-Qaida, avait contraint il y a deux ans les humanitaires étrangers à quitter le pays.
La saison sèche sera rude dans les pays de la Corne de l’Afrique. Plus de dix millions de personnes, selon l’Office pour la Coordination des Affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) vont être affectées par la sécheresse, notamment à Djibouti, en Ethiopie, au Kenya et en Somalie. Dans ce dernier pays, 2,6 millions de personnes sont concernées, toujours selon l’ONU. Une situation qui a poussé les insurgés islamistes shebab à demander l’aide de la communauté internationale. « Le mouvement a formé une nouvelle commission pour s’occuper de la sécheresse et répondre aux problèmes de ceux qui en souffrent. La commission va définir des plans et tous ceux qui veulent aider ceux qui souffrent sont les bienvenus », a déclaré à la presse le porte-parole des shebab, Sheik Ali Mohamud Rage. Il ajoute : « Qu’ils soient ou non musulmans, si leur intention est seulement d’aider ceux qui souffrent, ils peuvent prendre contact avec la commission qui leur donnera accès aux zones touchées par la sécheresse ».
Mais pour le député somalien Mohamed Adan Dhere, cet appel des insurgés n’est pas très clair. Selon lui, les Shebab doivent d’abord lever l’interdiction faite en 2009 aux associations humanitaires étrangères d’ œuvrer dans le pays, sous prétexte d’anti-islamisme. Le Programme alimentaire mondial (PAM) avait été contraint en 2010 de quitter la Somalie à la suite d’attaques répétées du mouvement rebelle, laissant plus d’un million de personnes privés d’assistance alimentaire. Les Nations unies ont, quant à elles, déjà salué la décision des insurgés Shebab. L’ ONU a toutefois demandé des garanties sécuritaires pour le personnel qui sera affecté dans le pays.
L’alerte du HCR
La situation en Somalie est préoccupante. Le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) a rendu public mardi un rapport sur la tragédie humanitaire que vivent les réfugiés somaliens. Les combats qui opposent les insurgés shebab aux autorités de transition, au sud et au centre du pays, et la sécheresse ont poussé des milliers de Somaliens à rejoindre les pays voisins. Plus de 135 000 d’entre eux l’ont déjà fait depuis le début de l’année, dont 54 000 vers le Kenya ou l’Ethiopie, affirme le HCR. Toujours selon l’institution onusienne, « un quart de la population somalienne de 7,5 millions de personnes est désormais soit déplacé interne, soit réfugié dans d’autres pays ». Les Somaliens qui arrivent dans des camps pour réfugiés comme celui surpeuplé de Dadaab, au Kenya, le plus grand au monde, souffrent souvent de malnutrition, notamment les enfants. « Plus de 50% des enfants somaliens arrivant en Éthiopie souffrent de malnutrition sévère, avec un taux légèrement inférieur (entre 30 et 40%) mais tout aussi inquiétant pour ceux qui arrivent au Kenya », a indiqué Melissa Fleming, porte-parole du HCR à Genève ce mardi.
Les prix des denrées alimentaires ont considérablement augmenté. Selon l’ONU, le prix du sorgho était en hausse de 240 % dans la ville somalienne de Baidoa (Sud-Ouest) et celui du maïs jaune de 117 % à Jijiga, dans le nord-est de Éthiopie. A Mandera, ville kényane du Nord-Est, le prix du maïs blanc progressait de 60 %, rapporte Radio-Canada. Après avoir marché pendant des jours ou des semaines dans le désert, l’état de santé des réfugiés, affamés, « est déplorable à l’arrivée », déclare la porte-parole du HCR. Ils reçoivent dès leur arrivée des soins d’urgence et de l’alimentation thérapeutique.
Les aides insuffisantes
Mais les aides manquent. « Le HCR va publier un appel de fonds pour couvrir les besoins en matière de protection, d’aide alimentaire, d’abri, de soins de santé et d’autres articles d’aide vitale. Les besoins sont urgents et massifs » lit-on dans son communiqué de l’organisation. La Grande-Bretagne a promis lundi de fournir au Programme alimentaire mondial (PAM) plus de 60 millions de dollars pour lutter contre la famine dans la Corne de l’Afrique. L’aide permettra de nourrir 1,3 millions de personnes et soigner 329 000 femmes et enfants, a déclaré le secrétaire d’Etat britannique pour le Développement international Andrew Mitchell.
Néanmoins, l’appel de fonds 2011 pour Djibouti (39 millions de dollars) n’était financé fin juin que qu’à 30%. Celui pour la Somalie (529 millions de dollars) qu’à 50% et celui pour le Kenya (525 millions) à 54%. En raison de l’urgence de la situation, le HCR invite aussi bien les gouvernements, les donateurs privés et les particuliers à contribuer au financement des opérations d’aide humanitaire d’urgence dans les pays touchés par la sécheresse.