Somalie : la charia pour horizon ?


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Après avoir fait tomber Mogadiscio et Jowhar, les milices islamiques continuent leur progression au Nord de la Somalie, vers la ville de Beledweyne, située à 40 km de la frontière éthiopienne. Avec leur avancée fulgurante et l’instauration de la charia dans les villes occupées, la communauté internationale craint de voir la Somalie sombrer dans le terrorisme et donner le jour à un régime proche de celui des talibans en Afghanistan.

Par Louise Simondet

La Somalie, un nouvel Afghanistan des talibans ? Qui pourra stopper l’avancée des milices islamiques ? Leur objectif est d’étendre leur contrôle sur toute la Somalie et d’y instaurer un régime islamique radical basé sur la charia. Confortés par leurs conquêtes, ils continuent leur marche vers le Nord du pays. Ils ont progressé le long de la route reliant Mogadiscio à la ville de Beledweyne, à environ 300 km au nord de la capitale, près de frontière éthiopienne. « Nous avons pris le contrôle de la ville de Gialalassi », dans la région de Hiraan (centre), à environ 150 km au nord de Mogadiscio, a déclaré à l’AFP Sheikh Mohamed Ali, un commandant des milices islamistes.

Après s’être emparés de Mogadiscio, il y a presque deux semaines, les combattants des tribunaux islamiques ont pris Jowhar mercredi lors d’une offensive éclair. Les milices ont fait le minimum. La ville est tombée sans combattre, car le dernier bastion de l’Alliance pour la restauration de la paix contre le terrorisme (ARPCT), refuge des chefs de guerre Mohammed Afrah Qanyare, Issa Botan Alin et Abdu Nure Saïd, était désert. Ceux-ci avaient fui la veille et le chef de la région, Mohamed Dheere, s’était réfugié en Ethiopie. Mercredi, en prenant le contrôle de Jowhar, à 90 km au Nord de Mogadiscio, les miliciens islamiques ont consolidé leur emprise sur la capitale somalienne et sa région. Attaque stratégique, ils concluent ainsi leur série de combats commencée en février, et visant à anéantir l’Alliance des chefs de guerre soutenue par les Etats-Unis. Ainsi, le plus haut dignitaire musulman en Somalie, Sheikh Nur Barud, a appelé mercredi à « la guerre contre les infidèles », faisant référence au soutien apporté par Washington.

Imposer la loi islamique

Depuis février, les villes tombent les unes après les autres sous l’assaut des milices islamiques. Aussi vite que leur volonté d’imposer la loi coranique se propage dans les villes conquises. « Nous avons l’intention de mettre en place le plus vite possible une nouvelle administration et des tribunaux appliquant la charia », a déclaré Sheikh Hassan Dir, l’un des commandants des milices. Et de rajouter sur RFI en atténuant son propos : « Nous ne voulons pas imposer quoi que ce soit à la population somalienne, mais nous estimons que la charia islamique peut être appliquée ».

Après avoir pris le contrôle de Mogadiscio, les islamistes ont interdit aux habitants de regarder les matchs de football. Regarder la télévision est désormais considéré, par les principaux docteurs locaux de la loi comme une infraction à la charia, qui doit être réprimée. Cette mesure, ils l’avaient déjà prise l’an dernier dans les quartiers placés sous leur contrôle. Les cafés et les cinémas diffusant des films indiens et américains avaient été fermés. A Mogadiscio, la décision des milices a été sans appel. Ceux-ci ont tout bonnement coupé l’électricité des établissements qui avaient programmé les matches du Mondial 2006 et menacés de représailles les particuliers qui oseraient enfreindre cette interdiction. Après Mogadiscio et leur fatwa contre les « écrans sataniques », les chefs des tribunaux qui rencontraient les autorités traditionnelles de Jowhar sont parvenus, vendredi, à un accord sur l’administration de la ville. Il prévoit, entre autres, « la création de tribunaux appliquant la charia », a annoncé Sheikh Ibrahim Farah, l’imam de Jowhar.

Inquiétude de la communauté internationale

La montée en puissance des tribunaux islamiques et leurs intentions suscitent la crainte de la communauté internationale. Le Président américain George W. Bush s’est déclaré « inquiet » face à la situation actuelle en Somalie. Il a affirmé qu’il préparait une réponse américaine pour que ce pays ne devienne pas un repaire d’Al-Qaïda. Les services de renseignements occidentaux soupçonnent, en effet, fortement les tribunaux islamiques somaliens d’abriter des membres du réseau. Les Etats-Unis ont apporté un soutien financier à une alliance de chefs de guerre de Mogadiscio pour contrer la montée en puissance des tribunaux. Quant à l’Union européenne, elle a déjà fait connaître son soutien aux démarches entreprises par le gouvernement somalien. Le Parlement de transition somalien a approuvé, mercredi à Baioda, le déploiement d’une force de maintien de la paix en Somalie, sous la direction de l’autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), qui regroupe sept pays de l’Est et de l’Union Africaine.

Cette résolution, saluée par les Occidentaux, a été catégoriquement rejetée par les chefs des tribunaux islamiques. « Plusieurs milliers de manifestants ont scandé vendredi, à Mogadiscio, leur hostilité aux Etats-Unis et à tout projet d’intervention étrangère en Somalie », note l’AFP. Les dirigeants islamiques ont par ailleurs nié tout soutien au terrorisme. Ils étaient plus de 6 000 manifestants à défiler, vendredi, dans la rue Lénine, dans le sud de Mogadiscio, encerclés de miliciens islamistes. Emplis en colère, ils ont crié leur hostilité à George W. Bush et l’on qualifié de ‘criminel de guerre qui a massacré beaucoup de gens’. ‘Allez en enfer avec votre démocratie’, affirmaient d’autres slogans qui s’en prenaient également au Parlement de transition somalien. Ces manifestants craignent une occupation de la Somalie et accusent les parlementaires d’être manipulés par les pays de la région, notamment par l’Ethiopie. Au même moment, à l’extérieur de la capitale, les islamistes confortaient leur emprise le long de la route qui mène jusque la frontière éthiopienne, à environ 300 km au nord de Mogadiscio.

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