L’Ethiopie annonce, ce mardi, avoir repris six villes jusque-là aux mains de l’Union des tribunaux islamiques de Somalie. Depuis dimanche, les dissidents subissent des frappes aériennes du voisin éthiopien sur leurs positions. Le gouvernement somalien a pour sa part offert l’amnistie à ceux qui déposeraient les armes.
L’Ethiopie annonce, ce mardi, qu’elle a repris six villes à l’Union des tribunaux islamistes (UIC) de Somalie : « Biiradleey, Gelanbuur et Adodo (centre) et des villes de Kalibeer et Beldweyne », ainsi que « Adili et de ses environs », précise un communiqué du ministère éthiopien de l’Information. « Les fondamentalistes en Somalie ont battu en retraite en désordre, lundi, incapables de résister à la contre-offensive lancée par les forces nationales de défense éthiopiennes et du gouvernement de transition somalien (TFG). (…) Les forces nationales de défense avancent actuellement pour contrôler Bulo, Borde et Jowhar », ajoute le communiqué éthiopien. Burhakaba, située près du siège du gouvernement transitoire de Baidoa, serait tombée très tôt ce mardi. Dinsoor aurait également été désertée par les islamistes.
Deux aéroports bombardés
Depuis le 20 décembre, dans le Centre et le Sud, TFG et les islamistes s’affrontent violemment. Les heurts ont commencé au lendemain de l’ultimatum que les dissidents avaient fixé aux troupes éthiopiennes pour qu’elles regagnent leur pays. Ils dénonçaient en effet le soutien que l’Ethiopie apportait au régime de Baidoa. Un soutien qu’Addis-Abeba avait toujours nié, jusqu’à dimanche, où elle a admis pour la première fois que ses soldats étaient en terre somalienne.
Le premier ministre Meles Zenawi avait d’ailleurs, ce même jour, déclaré que l’Ethiopie était « en guerre » contre l’UIC afin de protéger sa souveraineté contre les « terroristes » islamistes. Le lendemain, elle a lancé une offensive aérienne sur les aéroports de Mogadiscio, faisant un blessé, et de Balidogle, tous deux sous contrôle des tribunaux islamiques. « Certains vols non autorisés ont été observés, c’est pourquoi ce bombardement a eu lieu. Il a été également observé que des extrémistes attendaient à Mogadiscio pour être transportés par avions », a justifié le porte-parole du ministère éthiopien des Affaires étrangères, Solomon Abebe. Peu après les attaques, la Somalie a annoncé la fermeture de ses frontières aériennes, maritimes et terrestres.
Eviter une régionalisation du conflit
Il n’y a pas encore de bilan précis des combats des derniers jours. Le gouvernement de transition et les rebelles parlent de plusieurs centaines de morts, mais certains organismes indépendants parlent de plusieurs dizaines de victimes. Il y aurait aussi de nombreux prisonniers. Une chose est sûre, la situation inquiète l’Union africaine, qui a condamné « l’escalade dans la crise », mais a indiqué comprendre les frappes éthiopiennes.
Elle organise une « réunion de concertation » mercredi à Addis-Abeba, à laquelle devraient participer la Ligue arabe et l’Autorité intergouvernementale de développement, qui comprend sept pays d’Afrique de l’Est. Le 15 janvier, à Khartoum (Soudan) une rencontre réunissant les islamistes et le TFG doit également se tenir. L’Ethiopie ne serait pas contre l’initiative, dans l’optique de la création d’un gouvernement mixte. Le gouvernement a par ailleurs offert, mardi, une « amnistie totale » à tous ceux qui déposeraient les armes.
L’objectif est d’éviter une propagation du conflit à toute la Corne de l’Afrique. L’Ethiopie soutient officiellement le TFG pour éviter que la Somalie devienne un pays islamique et que l’UIC, comme elle le craint, n’annexe l’Ogaden. Cette province du Sud-Est éthiopien, où vivent en majorité des Somaliens et revendiquée par la Somalie, a été la cause de deux guerres, en 1964 et 1977-1978, entre Addis-Abeba et Mogadiscio. Les islamistes auraient également fait valoir qu’ils souhaitaient que le Nord-Est du Kenya et Djibouti participent à la création d’une Somalie plus grande. De l’autre côté, les islamistes seraient soutenus par l’Erythrée, grand rival de l’Ethiopie. D’où la crainte que le sol somalien ne serve de terrain de guerre contre entre les deux nations ennemies.
Des milliers d’hommes en présence
Les forces en présence sont difficiles à évaluer. Selon un rapport des Nations Unies publié en novembre, quelque 8 000 Ethiopiens soutiennent le gouvernement de transition, qui dit posséder quelque 6 000 soldats. Toutefois, certains témoins disent avoir vu des convois militaires éthiopiens lourdement armés entrer en Somalie, ce qui laisse certains experts penser que les Ethiopiens seraient plutôt entre 15 000 et 20 000.
Les miliciens, moins bien équipés, seraient quant à eux plusieurs milliers et bénéficieraient de l’aide d’environ 2 000 Erythréens, d’après le rapport onusien. Ils ont fait appel à tous les combattants désireux de mener « une guerre sainte » contre leurs rivaux. L’Ethiopie estime qu’en plus des islamistes et de l’Erythrée, le Front de libération de l’Oganden, le Front de libération national Oromo (Sud de l’Ethiopie) et des moujahidines internationaux sont impliqués dans la bataille.
Ils auraient « subi de lourdes pertes humaines et matérielles », indique le communiqué éthiopien. Toutefois, les islamistes ne semblent pas avoir dit leur dernier mot. Un commandant a expliqué à l’AFP que leur retraite était une « tactique militaire ». Le chef de l’exécutif du Conseil suprême islamique de Somalie, cheikh Sharif Sheik Ahmed, a souligné, mardi, que les islamistes étaient prêts à « mener une guerre de longue haleine avec l’Ethiopie ».
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