La Croix-Rouge française et l’Organisation Panafricaine de Lutte contre le Sida lancent au Burkina Faso, en janvier 2003, deux véhicules-laboratoires pour les patients atteints du sida. Une expérimentation de la médecine de proximité nouvelle en Afrique.
Du nouveau dans la lutte contre le sida en Afrique. Sur l’initiative de la Fondation Jacqueline Beytou, très active sur le continent, la Croix-Rouge française et l’Organisation Panafricaine de Lutte contre le Sida (Opals) lancent deux véhicules-laboratoires pour le suivi des patients atteints du sida au Burkina Faso. Les deux 4×4 Kangoo, rattachés aux Centres de traitement ambulatoires (CTA) basés à Ouagadougou et à Bobo Dioulasso, vont sillonner les villages avoisinants à partir de janvier 2003. A leur bord : un conducteur logisticien et un infirmier ou un assistant sanitaire (qui peut prescrire des médicaments), recrutés localement.
L’Opals, en collaboration avec la Croix-Rouge française, gère 8 CTA dans six pays (Burkina, Gabon, Congo, Côte d’Ivoire, Sénégal, Maroc). Ces structures légères, installées dans les hôpitaux locaux, assurent la prévention et une prise en charge globale des malades. Elles servent également de guichets sécurisés pour la prescription de médicaments. Les véhicules en sont la version ambulante, comme l’explique Stéphane Mantion, conseiller du professeur Marc Gentilini, président de la Croix-Rouge Française et de l’Opals.
Afrik : Quelle est l’idée directrice du projet ?
Stéphane Mantion : Faire sortir l’ambulatoire des murs. C’est quelque chose de basique, de simple, qui nous ramène à certaines formes de médecine militaire ou de médecine de brousse telle qu’elles ont pu être pratiquées au siècle dernier mais adaptées à la lutte contre le sida, ce qui est fondamental. Nous espérons pouvoir créer le véhicule idéal à partir de cette expérimentation. Les deux Kangoo sont très différentes du point de vue mécanique (l’une marche à l’énergie solaire, l’autre pas par exemple) et, après 6 mois, nous prendrons le meilleur de chaque voiture. Le but, c’est que chacun de nos centres de traitement ambulatoires soit équipé de ces voitures.
Afrik : Quel est le résultat recherché ?
Stéphane Mantion : Nous voulons désengorger les files actives des CTA. A Ougadougou, nous comptons actuellement 2100 malades dans la file active alors que le centre a été conçu pour en recevoir entre 600 et 800. Il faut éviter que certains patients viennent trop souvent pour des choses bénignes comme des renouvellements d’ordonnance. A travers les CTA et les voitures, notre but est de faire avancer les tri-thérapies. On a vu l’effet que ces soins ont eu en France : l’activité dans les services des maladies infectieuses a chuté. C’est normal, quand les patients vont mieux, ils ne viennent plus à l’hôpital. Cet effet, nous allons le voir prochainement au sein des CTA mais c’est un challenge que la communauté internationale doit se fixer. La Croix-Rouge couvre 10% des prises en charge des malades du sida en Afrique. J’en ai honte car c’est une pathologie qui touche 30 millions de personnes sur le continent mais, d’un autre côté, j’en suis fier car à nous seuls, nous sommes arrivés à ce résultat.
Afrik : Le lancement des ces » auto-labo » est une première en Afrique. Pourquoi avoir choisi le Burkina ?
Stéphane Mantion : L’idée nous a été donnée par Jacqueline Beytout de la Fondation JB, qui voulait » rendre ambulant l’ambulatoire « . C’est elle qui apporte le financement et elle finance déjà nos CTA au Burkina Faso. De plus, nos deux centres, à Bobo Dioulasso et Ouagadougou, sont très importants. C’est l’un des pays d’Afrique de l’ouest les plus touchés par la maladie (7 à 8% de taux de prévalence, ndlr) mais c’est aussi un pays dans lequel nous avons les moyens d’avoir des anti-viraux facilement. Nous les achetons sur place, ce qui nous permet de ne pas pratiquer une médecine plaquée, artificielle. Ce n’est pas possible partout. Quand je vais à Brazzaville, au Congo, je me promène avec ma valise de médicaments !
Afrik : Etes-vous confiant pour l’avenir de ces véhicules ?
Stéphane Mantion : Je crois en ce projet et j’espère qu’il va marcher. Nous nous devons d’aller auprès des patients pour leur donner un peu de confort. Offrir un confort de survie pendant les dernières années de ceux que l’on ne peut pas sauver. Qu’ils ne soient pas obligés de faire 10 km à pied dans la nuit pour arriver au centre à 6 heures du matin afin de se faire soigner. Et enfin faire que ceux qui seront sauvés grâce aux tri-thérapies n’engorgent pas les centres. C’est cette médecine de proximité que nous souhaitons mettre en place.
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