L’assassinat en décembre de l’envoyé spécial du président pour la paix en Casamance, la région sud instable du Sénégal, n’arrêtera pas le processus de paix, ont affirmé les autorités sénégalaises ; mais pour certains observateurs, le processus de paix s’éternise, et 25 après le déclenchement de la rébellion séparatiste, la région se trouve encore dans une situation de ni paix ni guerre.
« Dans un sens, on peut comprendre que le gouvernement attende simplement que le mouvement [séparatiste] s’essouffle », a expliqué Vincent Foucher, chercheur au Centre d’étude d’Afrique noire, à Bordeaux, en France. Mais cette stratégie comporte également des risques, a-t-il fait remarquer.
Bien que la Casamance ne soit plus en proie à un conflit armé généralisé, les communautés de la région vivent sous la hantise des mines terrestres, des crimes, des attaques armées sporadiques, ainsi que des assassinats politiques, ce qui semble être le cas du meurtre, le 20 décembre, de Samsidine Dino Némo Aïdara, l’envoyé spécial du président.
La Casamance est une région du Sénégal coincée entre deux pays, la Guinée Bissau et la Gambie. Ces pays, qui restent instables après des années de coups d’Etat successifs et de guerres civiles, ont été utilisés par le passé comme base arrière par les rebelles du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC) et ces derniers pourraient bien s’en servir à nouveau, selon certains observateurs.
« [Si le contexte régional venait à changer cela pourrait réhabiliter le MFDC », a expliqué M. Foucher.
D’après les observateurs, le MFDC a éclaté en plusieurs factions et est affaibli, mais la faction dure de Salif Sadio continue de s’opposer à toute négociation avec le gouvernement.
« Il paraît que le président [Abdoulaye] Wade souhaite voir le problème du MFDC disparaisse de lui-même, mais ce ne sera pas possible », a affirmé à IRIN Martin Evans, un professeur de géographie à l’université de Leicester qui suit de très près l’évolution de la situation en Casamance.
« Il y a d’importants éléments du MFDC qui n’ont pas abandonné la lutte et qui ne sont pas près de l’abandonner dans le contexte du processus de paix actuel ».
La lutte pour l’indépendance
En décembre 1982, des responsables politiques et des chefs religieux de la Casamance ont lancé un appel en faveur de l’indépendance de la région. Depuis lors, l’aile militaire du mouvement s’est engagée dans une lutte armée qui a fait plusieurs dizaines de milliers de déplacés.
Pourtant, même au plus fort de la crise dans les années 1990, le MFDC ne représentait pas un mouvement puissant et unifié. « Le MFDC n’a jamais su exprimer en des termes politiques clairs et réalistes les objectifs du mouvement », a noté M. Evans.
En outre, a-t-il poursuivi, il y a un manque de coordination entre les ailes politique et militaire du mouvement. « C’est un problème historique et je pense pas que cela va changer ».
En effet, selon certaines sources à Ziguinchor, chef-lieu de la Casamance, bon nombre d’importants responsables de la rébellion ne participeront probablement pas à la réunion du MFDC prévue du 11 au 13 janvier 2008.
Plusieurs membres du MFDC ont dénoncé l’assassinat de M. Aïdara, l’émissaire du président, et des représentants du gouvernement ainsi que Dino Kébanding Aïdara, frère de la victime, ont dit ne pas croire à la thèse selon laquelle le MFDC serait derrière ce meurtre.
« [Les assassins sont tout simplement] ceux qui ne veulent pas la paix en Casamance », a affirmé M. Kébanding Aïdara.
Réagissant à cet assassinat, le président Wade a déclaré : « Cela ne nous arrêtera pas […], nous irons imperturbablement vers la paix ».
Alors que le gouvernement et la plupart des chefs rebelles disent souhaiter une paix durable en Casamance, nul ne sait pour l’instant comment elle pourrait se matérialiser, font remarquer certains observateurs.
« Après avoir longtemps affirmé qu’ils ne satisferaient de rien d’autre que de l’indépendance, il est difficile pour les séparatistes de changer de position », selon M. Foucher. « Dès qu’un leader du MDFC se dit prêt à négocier une solution qui s’écarte de cet objectif, il perd beaucoup de son influence ».
Les rebelles du MFDC sont « coincés », a dit M. Foucher. « Mais ils ne se contenteront pas d’une simple fin du conflit. Ils attendent que le gouvernement fasse un geste en leur faveur – quelque chose de significatif ».
« Mais nul ne sait ce que le gouvernement peut proposer pour satisfaire un client difficile comme Salif Sadio [le leader d’une faction du MFDC] ».