Une vaste campagne a été lancée la semaine dernière pour sensibiliser aux violences sexuelles, qui participent à la propagation du virus du sida chez les Sierra-Léonaises. L’objectif est de toucher les hommes, qui commettent ces crimes, et les femmes, que l’illétrisme et le manque d’information rendent encore plus vulnérables au VIH/sida.
Des milliers de femmes ont défilé la semaine dernière dans les rues de la capitale sierra-léonaise pour dénoncer la violence sexuelle, considérée comme leur principal risque d’infection au VIH dans ce pays marqué par la guerre civile.
Plus d’une trentaine de groupes de défense des droits des femmes, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales, de la condition féminine et des enfants, ont participé à cette manifestation qui a bloqué la circulation dans le centre-ville de Freetown, afin d’attirer l’attention des populations sur ce fléau.
Les femmes, ont défilé sous des bannières indiquant « Non à la violence sexuelle contre les femmes, qui entraîne la propagation du VIH », aux côtés de jeunes filles, dont certaines âgées d’une dizaine d’années à peine, arborant des tee-shirts où était inscrit le thème de la campagne de sensibilisation, ‘intersection entre la violence contre les femmes et le VIH/SIDA’.
« On a découvert que la plupart des femmes qui sont infectées au VIH le sont après avoir subi différentes formes de violence sexuelle, comme le viol », a dit Shirley Gbujama, ministre des Affaires sociales, de la condition féminine et des enfants. « Nous, en Sierra Leone, prenons l’initiative pour éviter à nos femmes et à nos filles de risquer d’être infectées au VIH. »
Pendant la décennie de guerre civile qu’a connu ce petit pays de quelque cinq millions d’habitants jusqu’en 2002, les femmes et les fillettes ont souvent été victimes de viols ou ont été utilisées comme esclaves sexuelles. La fin des conflits entre troupes gouvernementales et groupes armés n’a pas mis un terme à ces actes, selon les statistiques de l’Unité de soutien familiale (FSU, en anglais) de la police sierra-léonaise.
La FSU, dont le rôle est d’enquêter sur les cas d’abus contre les droits des femmes et des enfants, a affirmé qu’une augmentation du nombre de viol avait même été constatée l’année dernière, particulièrement en ce qui concerne les enfants : en 2006, 65 pour cent des cas de viols rapportés à la police concernaient des jeunes filles âgées de moins de 16 ans.
Un rapport du Département d’Etat américain sur les droits de l’homme en Sierra Leone en 2006, rendu public il y a quelques jours, a révélé que « les cas de viols [sont] sous-évalués et les poursuites rares, particulièrement dans les zones rurales ; cette réticence à réclamer justice pour les femmes, ajoutée à un manque de revenus et d’indépendance économique, aident à perpétuer un cycle de violence et une culture de l’impunité pour la violence contre les femmes. »
Marie Benjamin, coordinatrice de programmes pour la branche sierra-léonaise de l’organisation panafricaine Society for women and AIDS in Africa (SWAA), a estimé que les relations sexuelles forcées, telles qu’elles se pratiquaient encore dans de nombreuses régions du pays, était une cause majeure de propagation de l’épidémie chez les femmes.
« Un homme infecté au VIH qui force une femme à avoir des relations sexuelles est fortement susceptible de la contaminer », a-t-elle dit. « La stratégie que nous avons mise en oeuvre pour répondre au problème des femmes qui contractent le virus à travers les relations sexuelles forcées est d’abord de lutter contre la violence sexuelle. »
L’illettrisme des femmes, un facteur de risque
La campagne de masse lancée la semaine dernière cible à la fois les hommes et les femmes, à travers la diffusion de messages sur les ondes des radios locales, ainsi que l’organisation de séminaires et de rencontres interactives avec des femmes, notamment dans les régions rurales.
Le Secrétariat national de lutte contre le sida (NAS), qui a conduit une étude de séroprévalence du VIH sur la population générale en 2005, a estimé le taux d’infection au VIH en Sierra Leone à 1,5 pour cent.
Cette étude a révélé que les catégories les plus touchées étaient celle des femmes âgées entre 20 et 24 ans, avec deux pour cent, et des hommes entre 35 et 39 ans, avec 3,5 pour cent.
Pour Marie Benjamin, le taux élevé d’illettrisme parmi les femmes sierra-léonaises, ajouté au phénomène de la violence sexuelle, augmente encore davantage leur risque d’infection au VIH.
Le recensement de population effectué en Sierra Leone en 2004 a évalué le taux d’illettrisme parmi les adultes à 58 pour cent, les femmes étant les moins éduquées avec un taux de 74 pour cent.
« Nos femmes sont particulièrement défavorisées en ce qui concerne la prévention du VIH/SIDA, que cela soit dû à un manque de connaissances sur la maladie ou à l’illettrisme », a-t-elle dit. Nous avons lancé une série de conférences et de forums sur la prévention, qui cible tout particulièrement les femmes dans les [régions rurales] ».
En dépit de la lente amélioration des connaissances des populations sierra-léonaises en matière de VIH/SIDA, les personnes séropositives continuent à souffrir de la discrimination liée au virus.
Des femmes séropositives ont donc décidé de créer un réseau, avec comme nom de code « La voix des femmes », qui se veut la première plateforme de plaidoyer pour les femmes vivant avec le virus dans le pays.
L’une des initiatrices de ce réseau, qui a souhaité garder l’anonymat, a dit à IRIN/PlusNews que l’organisation chercherait à répondre aux besoins des femmes séropositives et de leur fournir un refuge contre la stigmatisation à laquelle elles sont exposées, au sein de leur famille, de leur voisinage ou de leur entourage professionnel.
Cette jeune femme d’une trentaine d’années a expliqué que 12 personnes étaient à l’origine de ce projet. « Mais quand on le lancera à la fin du mois, davantage de personnes se feront connaître », a-t-elle assuré.