Le secrétaire d’Etat américain, déstabilisé par les ravages du sida en Afrique. Au cours de sa tournée africaine, il a été très gêné par la faiblesse de l’aide américaine.
« Je suis secrétaire d’Etat des USA, pas ministre de la Santé, pourquoi devrais-je accorder une telle attention à ce sujet ? », s’est écrié Colin Powell après que des lycéennes kenyanes lui eurent présenté un sketch satirique sur les effets du sida, qui touche 25 millions d’Africains. Il s’est vite repris : « La raison est très simple. Il s’agit bien plus qu’une question sanitaire. C’est une question sociale, une question économique. La question de la pauvreté ». Ouf.
Au cours de sa tournée africaine, qui s’est achevée lundi, le sémillant Afro-Américain, vainqueur de Sadam Hussein, s’est trouvé plus à son aise face à ses interlocuteurs institutionnels que devant les malades du sida et les Organisations non gouvernementales (ONG).
Distribuant bons points et mises en garde, comme autant de décorations sur des poitrines braves, le militaire optait pour un ton musclé qui avait l’avantage de la franchise. Le vieil allié Yoweri Museveni a été félicité pour son retrait annoncé de République Démocratique du Congo. Le chef de l’Etat Daniel Arap Moi a reçu un sermon de bonne conduite économique. « Je lui ai dit que nous avions besoin de voir plus d’efforts visibles » en matière de lutte contre la corruption.
Chiche et maladroit
Quant à l’annonce d’un « réexamen » de la politique américaine vis-à-vis du Soudan, avec la nomination d’un émissaire spécial pour relancer le processus de paix, elle s’est d’abord matérialisée par une aide alimentaire de 40 000 tonnes pour le Nord ravagé par la guerre, ainsi que par un soutien de trois millions de dollars à l’Alliance nationale démocratique (une coalition de partis d’oppositions). Une gifle pour le président en poste à Khartoum, Omar El-Béchir, qui a qualifié de « très décevante » cette décision, jugeant qu’elle se traduirait par plus de « sang et de meurtres ».
Mais brocardé par les étudiants sud-africains, déstabilisé par l’ampleur du désastre que représente le sida, pressé par les malades, les ONG et les gouvernements, l’oncle d’Amérique du continent noir s’est montré chiche et maladroit. Dans ses bagages, le secrétaire d’Etat n’apportait « que » ces 200 millions de dollars annoncés par Washington comme première contribution à un projet de fonds international contre le sida, dont le montant, évalué par l’Organisation des Nations Unies (Onu), devrait au total s’élever de 7 à 10 milliards de dollars.
Continuez à faire pression sur nous
Beaucoup espéraient une décision politique américaine concernant la politique de protection des brevets pharmaceutiques. Le sujet (officiellement du moins) n’a pas été évoqué durant cette tournée. Colin Powell a eu beau jurer qu’il plaiderait la cause de l’Afrique au Pentagone, ces assurances sont tombées à plat, au vu de l’urgence de la situation. Interrogé sur la faiblesse des moyens déployés par les USA pour combattre la maladie, il a promis que ces 200 millions de dollars ne constituaient qu’un acompte.
Avant de conseiller aux « militants » de la lutte contre le sida de « continuer à faire pression sur nous. Nous pouvons et nous devons faire plus ». Un secrétaire d’Etat appelant publiquement à plus de pression sur son pays, voilà qui ne manque pas de sel. L’homme avait-il en tête les sommes consacrées au projet américain anti-missile qu’il défend aujourd’hui lors d’une réunion de l’OTAN à Budapest ?