Pour réduire la transmission du virus VIH/Sida de la mère à l’enfant, une prophylaxie à base de névirapine, un médicament antirétroviral, a été proposée à la fin des années 90. Mercredi, Sant’Egidio, une ONG italienne rappelait les risques liées à l’utilisation de ce médicament et préconise l’arrêt de la seule névirapine, comme cela est actuellement le cas dans de nombreux programmes en Afrique.Un avis que le monde médical en charge de programmes d’accès aux soins et aux traitements dans les pays en développement ne partage pas.
La névirapine ferait plus « de tort que de bien à la mère », a déclaré Sant’Egidio. Ce médicament est sensé réduire les risques de transmission du virus VIH de la mère à l’enfant. Mais, son administration à la mère séropositive au cours de l’accouchement la rendrait moins sensible aux traitements antirétroviraux, du fait de mutations de résistance. Donc non seulement il ne soignerait pas la mère mais en plus il participerait à accélérer sa perte. L’Organisation non gouvernementale (ONG) italienne estime que l’Afrique devrait arrêter d’utiliser la névirapine en schéma court, dont pourtant le monde médical vantait les vertus en 1999. Beaucoup estiment que Sant’Egidio tire des conclusions trop hâtives.
Fondée il y a une trentaine d’années dans les quartiers pauvres de Rome par Andrea Riccardi, Sant’Egidio est une ONG ancrée dans l’Evangile et très proche du Vatican. Forte d’une trentaine de milliers de membres en Italie, elle est présente dans une trentaine de pays à travers le monde et dirige son action en faveur des pays du Sud.
Oui à la névirapine, mais dans une trithérapie
Fabrice Pilorgé, de la Commission traitements et recherche de l’ONG à Paris, explique les raisons de l’utilisation de ce médicament en Afrique comme seul traitement. Des raisons qui, dit-il, sont « économiques, c’est-à-dire que le médicament est moins cher et moins toxique ». Il propose de ne pas utiliser la névirapine isolément en prévention de la transmission mère-enfant du VIH/Sida mais de passer « à une trithérapie sur le continent africain ». Une trithérapie associe deux autres molécules à la névirapine (AZT + 3TC ). Elle a pour but de rendre le virus indétectable et d’éviter la transmission de la mère à l’enfant, au moment de l’accouchement. Elle a le mérite de réduire la charge virale chez la mère en fin de grossesse, et donc de mieux prendre en charge son enfant.
Au siège parisien d’Act up (ONG française qui milite contre le sida), on reconnaît effectivement que Sant’Egidio n’a pas tort en ce sens qu’une mère séropositive enceinte recevant la névirapine seule au cours de l’accouchement peut développer une résistance à ce médicament, ce qui la rendrait plus fragile devant le virus VIH. Hugues Fischer, le Président d’Act up Paris rejoint l’ONG italienne sur le fait que « l’utilisation en schéma court de la seule Neviparine » n’est pas une «bonne chose pour la femme enceinte séropositive». Mais quand Sant’Egidio essaie de montrer qu’il serait préférable de ne plus utiliser ce médicament, il se détache de cet avis. Pour lui, il faut ajouter à ce traitement, « d’autres molécules, pour éviter la multiplication des enfants orphelins ».
Responsabilité des pouvoirs publics nationaux
Le docteur Didier Delavelle, directeur des programmes VIH chez Boehringer-ingelheim, le découvreur de la néviparine, commercialisée sous le nom de Viramune, reconnaît bien volontiers les limites du médicament quand il est pris seul, en schéma court. Mais il en rappelle les avantages, tout en soulignant qu’il est de la responsabilité des pouvoirs publics nationaux, des organisations de santé intervenant dans les pays concernés ainsi que des organisations internationales de santé de promouvoir un «schéma prophylactique plus complexe, voire une trithérapie en fin de grossesse partout où cela est possible dans le tiers-monde ».
Il rappelle que Boehringer-ingelheim participe à l’effort des entreprises du médicament en faveur de l’accès aux soins et aux traitements du VIH/Sida dans les pays du Sud. La firme pharmaceutique Boehringer-Ingelheim a réduit le prix de son médicament Viramune (la névirapine) lorsqu’il est prescrit, au sein d’une trithérapie. Depuis juillet 2000, « le prix d’une boîte de 60 comprimés est passé de 244 euros en France à 42 euros pour les pays du Sud, soit une baisse de 85%. Le laboratoire a également initié un système de don en prévention de la transmission mère-enfant du VIH/Sida, dont bénéficient à ce jour 102 programmes de santé dans 49 pays, soit environ 250 000 couples mère-enfant. « Face aux 800 000 nouveaux-nés de mères séropositives qui naissent chaque année porteur du virus, nous sommes fiers, malgré l’immensité des besoins, de contribuer ainsi à la lutte contre cette terrible injustice. » a conlu le Dr Delavelle.