Le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou a fermé ses portes depuis un mois. Un salon que son directeur, Jean-Claude Bouda, voulait cette année tourné vers le commerce, plus professionnel que jamais. Une des conséquences directes a été l’augmentation du prix à l’entrée de 40 %. Jean-Claude Bouda fait le point avec Afrik.com sur le déroulement du plus grand rendez-vous africain de l’artisanat.
« Investir dans l’artisanat africain. » Le 9è Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (Siao) se voulait cette année résolument tourné vers le commerce et… vers les acheteurs professionnels. Le Siao n’est pas un festival, mais un rendez-vous international des artisans de la planète, avait indiqué en substance son directeur, Jean Claude Bouda, la veille de l’ouverture. Le prix à l’entrée avait augmenté de 40%, passant de 300 à 500 Fcfa, et de nombreuses voix ont reproché au Siao d’être devenu le « salon des étrangers » et non des Ouagalais. La fréquentation du plus grand salon africain de l’artisanat en a-t-elle pour autant souffert ? Quelle est le montant des affaires réalisées ? Un mois après sa fermeture, Jean-Claude Bouda fait le bilan de l’édition 2004.
Afrik.com : Dans une précédente interview accordée à Afrik, vous vous fixiez comme objectif de renforcer la vocation panafricaine du Siao. Estimez-vous y être parvenu ?
Jean-Claude Bouda : Globalement, nous avons atteint notre but sur ce point. Trente pays étaient représentés cette année, venant notamment de toute l’Afrique – du Nord, Centrale, de l’Ouest, Australe et de l’Est. Ce qui est également important, cette année, est que la participation des individus a pris le pas sur celle des institutions. Ce qui signifie que les artisans africains mesurent l’importance commerciale du Siao. Nous n’avons d’ailleurs pas pu satisfaire toutes les demandes. Nous attendions 2 015 artisans, mais nous avons fini par en accepter plus de 3 000. Ils étaient environ 2000 l’édition précédente.
Afrik.com : Votre autre grand objectif concernait le renforcement de l’efficacité commerciale du Siao…
Jean-Claude Bouda : C’est là un difficile combat, qui s’inscrit dans la durée. Il faut tenir compte des acteurs du secteur, en l’occurrence un secteur dit « informel ». Sinon, cette année, nous avons beaucoup dit qu’il fallait mieux s’organiser , régler le problème du financement des artisans, notamment par le micro-crédit. Des colloques ont été organisés dans ce sens, avec le Codepa (Comité de Coordination pour le Développement et la Promotion de l’Artisanat Africain, ndlr) et d’autres institutions internationales. Nous avons également connu une augmentation du nombre d’acheteurs. Ils étaient près de 300, contre environ 250 en 2002. J’ai ainsi vu un acheteur japonais remplir quatre containeurs.
Afrik.com : Quel est le montant des échanges effectués sur le salon ?
Jean-Claude Bouda : Nous n’avons pas fini les bilans. Nous aurons les chiffres des commandes et des ventes directes dans environ huit jours. Mais nous pouvons estimer qu’en dix jours, les échanges ont atteint le milliard de Fcfa (1,5 millions d’euros). Contre environ 850 millions de Fcfa lors de la dernière édition.
Afrik.com : De nombreux Ouagalais ont estimé, en raison du prix pratiqué à l’entrée, que le Siao n’était plus leur salon, mais celui « des étrangers »…
Jean-Claude Bouda : Il est vrai que nous avons fait passer le prix d’entrée de 300 à 500 Fcfa. Il s’agit là d’une augmentation substantielle. Mais je vous assure que cela n’a pas entamé la fréquentation du salon. Les premiers jours ont été certes timides, mais les jours suivants, les stands ne désemplissaient pas… Nous avons eu environ 300 000 visiteurs « grand public » en une semaine.
Afrik.com : Les visiteurs se sont également plaints du fait qu’ils aient à payer à nouveau 500 Fcfa pour accéder à l’exposition de design ou au pavillon de la créativité…
Jean-Claude Bouda : C’est comme ça. Nous avons ajouté une entrée payante, car on ne peut pas accepter que les badauds, les curieux… fréquentent ces espaces très professionnels. Il s’agissait en fait d’un ticket de 500 Fcfa, avec lequel on accédait au pavillon des exportateurs, de la créativité et à l’exposition de design.
Afrik.com : Etes-vous satisfait de la tenue de l’exposition, une première pour le Siao ?
Jean-Claude Bouda : Ce fut un grand succès. Nous nous sommes beaucoup battus pour l’avoir. Et nous espérons bien répéter l’expérience, avec nos partenaires de l’Afaa (Association française d’action artistique, ndlr) et de la ville de Saint-Etienne.
Afrik.com : Un exposant chinois a été expulsé car il vendait des produits manufacturés en plastique…
Jean-Claude Bouda : C’est moi-même qui ai conduit cette opération d’expulsion. Cet homme n’a rien compris au Salon. Ce qu’il vendait n’avait absolument rien à voir avec de l’artisanat. En réalité, il a voulu nous tromper. Il vendait des choses qui n’avaient rien à voir avec ce qu’il avait indiqué sur sa fiche d’inscription. Excusez-moi de l’expression, mais il vendait des chinoiseries. Il faut décourager ce genre d’initiatives, qui décrédibilisent le Siao.
Afrik.com : Vous expliquiez avant l’ouverture du salon que vous n’imposiez pas de critères de sélection pour les exposants. Ne devriez-vous pas justement rendre l’accès au salon plus difficile ?
Jean-Claude Bouda : Le seul critère valable est d’être artisan et de présenter des produits artisanaux. C’est un salon qui est ouvert. Je crois que c’est à chaque pays de sélectionner les meilleur de ses artisans. La sélection se fait pour le pavillon de la créativité. Mais ailleurs, cela est impossible.
Afrik.com : Ne pas effectuer de sélection ne contribue-t-il pas à rapprocher le Siao de la foire et à l’éloigner du salon ?
Jean-Claude Bouda : Il faut bien avoir à l’esprit que nous sommes dans un contexte africain. Nous allons de plus en plus professionnaliser le Siao, mais nous ne devons pas occulter sa vocation festive. Il faut trouver un équilibre entre les deux aspects. Le Siao est un moment de fête. Il faut faire en sorte que l’un gêne pas l’autre.
Visiter le site : Siao