Depuis une semaine, la rue réclame le départ d’Hosni Moubarak, le président égyptien, au pouvoir depuis 30 ans. Les manifestations, qui se poursuivent ce mardi à une échelle inégalée, ont fait, selon l’ONU, 300 morts depuis leur commencement.
Katia Tabet, journaliste politique à l’hebdomadaire égyptien francophone Le progrès dimanche, explique les troubles en Egypte par une tentative de coup d’état organisée par l’extérieur contre le président Hosni Moubarak. Selon elle, s’il s’en va, le pays connaîtra le chaos.
Afrik.com : Moubarak va-t-il passer la main?
Katia Tabet : Moubarak ne passera pas la main. C’est quelqu’un de solide que j’admire beaucoup. Ce qui se passe actuellement en Egypte est un coup d’Etat contre lui, orchestré au millimètre près par l’extérieur avec la complicité de certaines chaînes comme Al-Jazira. Elle a mis de l’huile sur le feu, en diffusants des images et des commentaires qui ne sont pas en phase avec la réalité. On veut réduire l’Egypte à l’Etat de l’Irak, pour qu’il ne représente plus un danger. On essaye de transformer le pays en un Etat islamiste à l’insue de Moubarak. Une partie de la police a trahi le président. Elle a reçue des ordres pour abandonner le pays. Des prisons où se trouvaient beaucoup de frères musulmans ont été ouvertes. Des gens leur ont apporté des armes. Certains ont exploité cette mobilisation du peuple pour instaurer une situation de crise. Ce ne sont pas les manifestants qui ont commencé les violences avec la police, mais c’est elle qui les a provoquées en les aspergeant de gaz lacrymogène. Il y’a eu un plan pour que la police et les manifestants s’entretuent. Mais ces ordres ne viennent pas de Moubarak. Il n’a jamais ordonné à la police d’agir ainsi avec eux. La vérité et la réalité est déformée par les médias occidentaux. Sur internet, ceux qui prônent la vérité n’arrivent pas être entendu.
Afrik.com : Des élections vraiment démocratiques en Egypte ouvriraient-elles les portes du pouvoir aux Frères musulmans ?
Katia Tabet : Les Frères musulmans, personne n’en veut. Nous refusons le chaos. Au début du mouvement, ils étaient pacifistes. Mais maintenant ils essayent de profiter de cette situation de crise créée en partie par la police, pour s’imposer. L’erreur de Moubarak est d’avoir délaissé ces dernières années la politique intérieure du pays pour s’occuper des affaires extérieures. Le Moyen-Orient est une région très complexe. Il doit éviter que l’on soit envahit par les terroristes, que l’Egypte soit isolé de la scène internationale. Nous devons beaucoup à Moubarak qui est un héros de la guerre de 73. Il a vieilli et a aussi commis l’erreur de laisser le gouvernement diriger le pays et faire ce que bon lui semble. Il pensait sans doute qu’en laissant le pouvoir à son fils, Gamal, celui-ci serait capable de lui succéder. Mais il n’a pas la même envergure que son père qui est un homme très courageux. Moubarak n’est pas Ben Ali. Il n’est pas corrompu. Il est facile de critiquer un homme qui tombe, mais hier encore, tout le monde criait vive Moubarak.
Afrik.com : Selon vous, le régime de Moubarak n’est-il pas autoritaire ?
Katia Tabet : J’ai jamais senti qu’il y’avait une dictature dans ce pays. Les journaux d’opposition sont libres de dire ce qu’ils veulent contre le régime. Moubarak n’est pas autoritaire envers le peuple mais plutôt envers les islamistes. Ce sont eux le symbole de la dictature. C’est la police qui a commis des abus sur le peuple. Si Moubarak s’en va, l’Egypte s’écroule, ce sera la pagaille. Tout le monde se battra pour prendre le pouvoir. On va tous sauter en l’air. Il doit rester au pouvoir jusqu’aux prochaines élections. Ces manifestants qui réclament le départ de Moubarak sont 100000 sur une population de 80 millions d’habitants, ils ne sont pas représentatif de tous les Egyptiens. Bien sur qu’ils ont raison de manifester, je suis d’accord avec eux. Beaucoup vivent dans la misère, il y a beaucoup de chômage, mais tous les pays connaissent ces problèmes. Ce n’est pas facile de gouverner un pays comme l’Egypte. Le peuple est très indiscipliné. Cela fait des années qu’on dit aux Egyptiens de réduire le nombre de naissance, mais ils s’entêtent.
Afrik.com : Les Américains dans un Proche-Orient très instable peuvent-ils se passer de Moubarak ?
Katia Tabet : Ils ont besoin de lui pour stabiliser le Proche-Orient. Hillary Clinton a déclaré que les Etats-Unis veulent une transition pacifique du pouvoir. Elle l’a dit d’une façon souple. Cela ne veut pas dire que les Etats-Unis sont contre Moubarak comme le disent les médias en occident. Les informations sont toujours légèrement détournées à l’étranger. Moubarak est un soutien de taille pour eux.
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