Vous connaissiez Fela Kuti et son fils Femi. Il faut désormais compter avec Seun, le nouveau prince de l’Afro beat. Le benjamin du plus célèbre chanteur du Nigeria livre cette semaine son premier album : Many Things.
Dès les premières notes, l’on reconnaît la marque de l’Afro beat, un groove énergique et lancinant, des cuivres généreux, triomphants, l’héritage du célèbre Fela Anikulapo Kuti (1938-1997). La musique et les voix se ressemblent. L’orchestre du père, Egypt 80, est celui du fils. Et Seun Kuti, qui sort à 25 ans son premier album, Many things, ne renie pas son auguste filiation. « Je suis très inspiré par mon père. Nos individualités sont différentes, mais la musique reste la même », a-t-il affirmé à Afrik.com lors de son denier passage à Paris, en avril dernier. Il sait qu’il lui faudra du temps pour se faire un prénom, mais certains passages de son disque annoncent un renouveau.
Le jeune homme joue depuis son plus jeune âge, initié au chant, au saxophone et au piano par Fela et les membres de son orchestre. Il a effectué de nombreux concerts à travers le monde ces dernières années, mais sans enregistrer d’album. Une lacune à laquelle son public grandissant lui a demandé de remédier. Après bien des péripéties rencontrées au cours de sa recherche d’un producteur, c’est avec Tôt ou Tard, un label français, qu’il a signé son premier opus.
L’Afro beat therapy
Les thèmes abordés dans cet album sont très politiques. La corruption, la guerre, la violence, des maux qui minent l’Afrique et que dénonçait Fela en son temps. C’est que, selon Seun, entre les années 80 et aujourd’hui, rien n’a changé. Au contraire, les choses ont empiré partout, estime-t-il, à commencer par le Nigeria, son pays, où « 1% des habitants possède 90% des ressources » et le pouvoir local est une véritable « mafia ». Une situation catastrophique qui, à l’opposé de nombreux autres artistes, l’empêche d’être fier de son continent : « Je ne suis pas fier d’être africain, je ne suis pas fier d’être originaire du continent mendiant ! ».
Seun Kuti juge que les déchirements et les échecs que connaît l’Afrique tirent leur source de la colonisation et des traumatismes induits par cette tragédie. « Les Africains ont été humiliés et rejetés pendant longtemps. Depuis la période coloniale, ils sont considérés comme des esclaves, des individus de seconde zone, des déchets. (…) Aujourd’hui, cette mésestime de soi fait partie de la psychologie des Africains, chacun l’a en soi… », diagnostique-t-il. Pour le musicien, l’Afro beat et son message restent l’un des meilleurs moyens de combattre ce mal, de faire les Africains prendre conscience des injustices et des travers de leurs dirigeants, de leur redonner confiance en eux-mêmes. Une véritable thérapie.