Sénégal : une démocratie fragilisée par les violences électorales


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Violences au Sénégal après le report des élections
Violences au Sénégal après le report des élections

Au Sénégal, la campagne pour les législatives anticipées est assombrie par des violences répétées.

Depuis le début de la campagne électorale pour les législatives anticipées au Sénégal, le pays est plongé dans une vague d’actes de violence inquiétants. Ce climat tendu, alimenté par des incidents à répétition, menaçant de ternir l’image démocratique du Sénégal, était autrefois considéré comme un exemple de stabilité en Afrique de l’Ouest. À l’approche des élections prévues le 17 novembre, de nombreuses voix s’élèvent pour appeler au calme et à une prise de responsabilité des autorités afin de préserver la cohésion nationale.

Alioune Tine : Un appel à la justice et à la sécurité

Alioune Tine, fondateur du think tank AfrikaJom et fervent défenseur des droits de l’homme, se montre préoccupé par la recrudescence de la violence. L’ancien expert indépendant des Nations Unies exhorte le gouvernement à garantir la sécurité des citoyens en enquêtant sur tous les actes de violence, sans distinction de parti politique ou de statut social. Selon lui, les autorités doivent faire preuve d’impartialité et de rigueur pour rassurer la population et éviter que la situation ne dégénère davantage.

Pour Tine, une justice impartiale est essentielle pour rétablir la confiance du peuple dans ses institutions. Le cas d’Abass Fall, membre du parti au pouvoir, n’ayant pas encore été convoqué par la gendarmerie malgré ses appels à la violence, est un exemple de cette partialité perçue, tandis que Bougane Gueye Dany, un opposant, a été rapidement arrêté et jugé. Cette disparité de traitement nourrit la frustration et exacerbe les tensions.

La violence, un obstacle au débat démocratique

Le Sénégal, qui a l’habitude des débats électoraux animés, voit aujourd’hui sa scène politique dominée par des affrontements physiques et des discours incendiaires. Moussa Diaw, chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, déplore que cette violence prime sur les propositions des candidats. Il estime qu’après des décennies de lutte pour la démocratie, cette culture politique régressive nuit à l’évolution démocratique du pays.

Jean-Charles Biagui, spécialiste en sciences politiques à l’Université Cheikh Anta Diop, va plus loin en qualifiant cette situation de répétition des pratiques politiques habituelles. Il regrette que la politique sénégalaise soit encore dominée par les insultes et la manipulation, alors que les véritables enjeux sociaux et économiques passent au second plan.

L’État face à ses responsabilités

Face à cette montée de la violence, le président Bassirou Diomaye Faye a réaffirmé sa volonté de maintenir la paix et d’imposer des sanctions aux responsables, peu importer leur camp politique. De retour d’un voyage officiel, il a réitéré l’engagement de l’État à assurer une campagne pacifique et respectueuse des lois. Cependant, ses déclarations peinent à convaincre certains observateurs qui estiment que le gouvernement n’a pas encore pris les mesures nécessaires pour enrayer la spirale de violence.

Plusieurs organisations de la société civile, dont l’association religieuse Présence Chrétienne, ont également appelé au calme et au respect du Code électoral. Elles mettent en garde contre des discours de haine pouvant diviser davantage la population et minent l’esprit républicain.

Le face-à-face entre leaders

Un éventuel débat public entre les deux principaux candidats, l’ancien Premier ministre Amadou Ba et l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko, pourrait donner un nouveau tournant à cette campagne. Ce face-à-face est attendu par de nombreux citoyens qui espèrent qu’il permettra de ramener le débat politique vers les programmes et de désamorcer la violence ambiante. Cette confrontation, bien que repoussée pour l’instant, pourrait être l’occasion de relancer un dialogue plus serein.

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