Les disciples du marabout Cheikh Béthio Thioune, mécontent du transfèrement de leur guide d’une prison à une autre, ont défiguré le visage du centre ville de la capitale sénégalaise en saccageant des véhicules et des biens publics. Le guide religieux est arrêté et détenu depuis fin avril dernier dans l’affaire du meurtre de deux de ses disciples.
(De notre correspondant)
Connu sous le sobriquet de « Thiantacoune », les talibés (disciples, ndlr) de cheikh Béthio Thioune, manifestent depuis la semaine dernière contre le transfèrement de leur guide religieux de la maison d’arrêt et de correction de la ville de Thiès, à 70km de Dakar, à celle de Rebeuss de Dakar.
Vendredi dernier, une centaine de « Thiantacoune » étaient massés devant la prison de Rebeuss pour dénoncer ce transfèrement sans que le procureur, le juge et les avocats du marabout soient informés. Son fils ainé, Serigne Salioune Thioune, avait appelé les talibés à manifester contre « cette injustice et ce règlement de compte » avant d’accuser le gouvernement de vouloir s’en prendre à l’intégrité physique de son père. Les Thiantacounes ont décidé de passer à la vitesse supérieure puisqu’ils ont caillassé une centaine de véhicules, réduit en miettes des feux tricolores et brûlé des pneus sur la voie publique. Ils ont vandalisé des véhicules de particuliers, des bus Dakar de la société nationale de transports Dem Dikk, ainsi que des bus des groupement de transports privés. Ils se sont aussi adonnés à des actes de vandalisme dans le centre-ville de Dakar.
L’intervention musclée des forces de l’ordre
C’est à la suite de cette série d’exactions que la police est sortie pour occuper les points névralgiques de la capitale sénégalaise. Des affrontements ont eu lieu entre « Thiantacounes » et forces de l’ordre, jusqu’aux alentours de la place de l’Indépendance. Pour venir à bout des « Thiantacounes » qui manifestaient au centre-ville, la Brigade d’intervention polyvalente (BIP) a été réquisitionnée. Ces éléments, membres de l’élite de la police, cagoulés et à bord de 4X4 blindés noirs, ont dû intervenir pour disperser les manifestants.
Armés de bombes lacrymogènes et de pistolets à balles en caoutchouc, la BIP a obligé les jeunes qui caillassaient une centaine de véhicules sur la Place de l’Indépendance et qui s’attaquaient à des boutiques de l’avenue Lamine Guèye, à battre en retraite. Un soupçon de calme a alors pu être ramené. Quelques manifestants ont été arrêtés et transférés dans plusieurs commissariats de Dakar.
Le gouvernement accuse l’opposition
Au sortir d’une réunion, le gouvernement a accusé un parti politique qui n’est autre que le Pds, ancien parti au pouvoir qui avait déjà menacé de manifester contre le pouvoir actuel en faisant appel, au M23, aux syndicats, à la société civile pour la libération de Béthio Thioune. « Des incitations à la violence ont même été publiquement émises au cours d’une conférence de presse organisée par un parti politique. La situation s’est aggravée ce lundi 22 octobre 2012, avec la commission d’actes de violence et de destruction délibérée de biens publics et privés », informe un communiqué du gouvernement. Devant la gravité des actes de violence et de vandalisme qui ont été perpétrés, Serigne Mbaye Thiam souligne que « le Gouvernement est déterminé à assumer sa mission de protection des personnes et des biens, avec toute la rigueur que requiert la situation. A cet égard, des dispositions sont prises et des instructions fermes données aux forces de l’ordre, pour faire cesser tout trouble à l’ordre public et toute atteinte aux biens publics ou privés et poursuivre, selon les voies de droit, les personnes ou groupements qui en seraient les instigateurs ou auteurs présumés ».
Le Gouvernement, selon son porte-parole, tient à rappeler que Monsieur Béthio Thioune et d’autres personnes sont poursuivis dans le parfait respect de nos procédures, en matière pénale et que, conformément au principe de séparation des pouvoirs et dans le respect de la présomption d’innocence et des droits de la défense, tout citoyen doit s’astreindre à ne pas s’immiscer dans la procédure judiciaire en cours ou tenter de l’influencer
La famille du marabout rejette ces accusations
Des actes graves que la famille de Cheikh Béthio Thioune rejete. « La famille du Cheikh n’a rien à voir dans les faits déplorables qui se sont produits, ce matin, en ville. On n’a jamais demandé à un disciple de faire des casses ou du vandalisme, cela ne fait pas partie de nos habitudes, encore moins, de celles de notre guide », a déclaré le député Serigne Khadim Thioune, fils de Cheikh Béthio. « Très souvent, des individus malintentionnés infiltrent des manifestations, pour agresser et s’attaquer aux biens d’autrui. Je demande au président Macky Sall, au gouvernement et au ministre de la Justice de tirer cette affaire au clair, pour situer les responsabilités. J’interpelle aussi mes collègues députés pour qu’ils fassent leur devoir », a-t-il dit.
Le guide religieux Cheikh compte dans ses rangs plus d’un million de disciples et avait toujours soutenu le candidat Abdoulaye Wade en 2007 et en 2012. Il est arrêté et détenu depuis fin avril dernier dans l’affaire du meurtre de deux de ses disciples dans sa région natale de Thies. Il est pourvu pour complicité de meurtre, non dénonciation de crime et inhumation sans autorisation.