Le procès de Malick Noël Seck fait couler beaucoup d’encre au Sénégal. Poursuivi pour « outrage à magistrat », « menaces de mort » et « offense au chef de l’Etat », le secrétaire général de Convergence socialiste, une structure proche du PS sénégalais, risque gros.
Lundi 10 octobre, Malick Noël Seck et ses camarades s’étaient rendu au domicile du président du Conseil Constitutionnel, Cheikh Tidiane Diakhaté, puis au siège de l’institution pour y déposer une lettre. Les jeunes opposants souhaitaient interpeller les cinq sages sur leur responsabilité face à une nouvelle candidature d’Abdoulaye Wade jugée « immorale ». « Demain, lorsque la parole sera à la rue, nous reviendrons plus nombreux afin que vous nous rendiez des comptes », prévenaient les membres de Convergence socialiste dans le courrier. Une phrase qui vaut aujourd’hui à leur leader d’être incarcéré à la prison de Reubeuss. Convoqué par la division des investigations criminelles, le jeune responsable politique a été placé sous mandat de dépôt en attendant l’issue de son procès.
Hier mardi au tribunal des flagrants délits de Dakar, le procureur de la République a requis cinq ans de prison ferme à l’encontre de l’opposant. Selon le procureur, la lettre « laisse nettement apparaître des menaces non voilées contre la personne des membres du Conseil constitutionnel, si la candidature du président de la République Abdoulaye Wade aux prochaines présidentielles de février 2012 était validée ». Il ajoute : « le contexte politique particulier que traverse actuellement notre pays justifie amplement que de telles menaces soient prises au sérieux ». Regroupés au sein du M23, les partis d’opposition et des organisations de la société civile affirment que la Constitution ne permet pas à Abdoulaye Wade de briguer un troisième mandat et rejettent sa candidature. Depuis quelques semaines, la pression s’est également accrue sur le Conseil Constitutionnel, censé trancher la question de la recevabilité de la candidature du sortant le 27 janvier prochain.
« Un procès purement politique »
Lors du procès, la défense a plaidé la relaxe. À la barre, Malick Noël Seck soutient n’avoir rien à se reprocher. Maître El Hadj Diouf, l’un des avocats du prévenu, dénonce un « procès purement politique ». L’inculpation de Malick Noël Seck vise selon lui à « intimider la jeunesse sénégalaise qui se bat pour le respect de la Constitution ». « Wade sait très bien qu’il ne sera pas candidat en 2012 et est conscient que son pouvoir vacille, explique l’avocat. Il met tout en œuvre pour contrer quiconque veut lui dire la vérité. »
Réunies samedi, les « Forces alliées pour la victoire en 2012 », une coalition mise en place en septembre par la majorité présidentielle, les partisans du « Vieux » trouvent cette lettre « inacceptable ». « Force doit rester à la loi, affirment-ils. Nous demandons à l’Etat du Sénégal d’assumer pleinement ses responsabilités en assurant la sécurité des membres du Conseil constitutionnel ainsi que la protection de leur personne, de leurs biens et de leur famille, de l’inviolabilité de leur domicile et de leur lieu de travail. »
Interrogé sur Radio France Internationale, le président de l’Union des magistrats sénégalais, Abdou Aziz Seck, a également donné son point de vue sur cette affaire. « S’il y a eu des menaces dans cette lettre, il est normal que le procureur prenne ses responsabilités, estime le juge d’instruction. Il est inadmissible que des citoyens de l’opposition ou du pouvoir, pour des raisons politiques, se permettent de menacer des magistrats dans l’exercice de leur fonction. »
Pour ses avocats et ses soutiens, Malick Noël Seck est simplement un jeune politicien qui mène un combat d’idées. « On a tout simplement remis le courrier aux gardiens qui étaient devant le Conseil constitutionnel, c’était un acte pacifique pour rappeler au Conseil ses missions », jure Yéya Diallo, chargée de communication de Convergence socialiste. D’après le porte-parole du parti socialiste, Abdoulaye Wilane, le jeune homme n’a commis qu’un « délit d’opinion ». « Nous exigeons, dit-il, sa liberté. Les gens du pouvoir ont cousu de fil blanc le procès de ce jeune pour en faire un exemple de dissuasion. » « Malick Noël Seck sera libéré parce qu’il n’a rien à se reprocher », assure quant à lui Barthélémy Dias, le bouillant patron des Jeunesses socialistes. « C’est de l’injustice et l’injustice se répond par l’injustice, poursuit-il. Ce sont tous les jeunes de l’opposition qui ont repris les propos de Malick Noël Seck. Ils n’ont qu’à nous convoquer tous à la Police. » Mis en délibéré, le jugement devrait être prononcé jeudi.
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