Au Sénégal, tous les enfants, que ce soit ceux qui fréquentent l’école dite française ou ceux qui vont à l’école coranique, sont dans la rue. Un phénomène qui attire l’attention de plus d’un. Que se passe-t-il ?
Les enfants du Sénégal sont quasiment tous dans la rue. Si pour certaines catégories d’enfants, il n’y a rien de plus « normal », pour d’autres par contre, il s’agit d’un fait nouveau. En effet, dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, les enfants dits talibés encore appelés enfants de la rue, sont des habitués de ce phénomène et font partie du décor du Sénégal. Si ce n’est pas la marque de… fabrique du pays. Une sorte d’emblème subsidiaire du pays qui a mis en place une législation interdisant la mendicité des enfants, sans l’appliquer. Munis de pots de tomate de 2kg usagers, ces jeunes, souvent âgés entre 4 et 13 ans, arpentent les rues de toutes les régions du Sénégal, en quête de pitance.
A côté de ces jeunes errants, de nouveaux enfants ont rejoint ce désolant décor. Il s’agit aussi d’élèves. Cette fois pas des potaches des daaras (écoles coraniques), mais ceux de l’école dite française. Souvent munis de leurs cartables, ils arpentent les rues de toutes les villes. On les voit traîner dans les marchés, les pâtisseries et autres boutiques de quartiers au moment où ils devraient être en classe. Que peuvent-il bien faire dans la rue ? « Notre monsieur (comprenez par maître) n’est pas venu aujourd’hui, comme tous ces derniers jours d’ailleurs. Aucun monsieur n’est dans sa classe dans notre école. Ils sont en grève », confie un jeune croisé au marché central de Thiès. « 8 ans, je suis au CE1 », lance-t-il en courant rejoindre ses camarades qui commençaient à le devancer.
Nous lui avons demandé son âge et sa classe, en effet. Debout devant son étal, quelqu’un qui s’activait pourtant, suivait avec grand intérêt notre échange avec le petit. « Vous les voyez comme ça, ils vont tous au babyfoot. C’est leur passion. Avant, ils passaient de temps en temps et n’étaient pas en nombre. Mais depuis un moment, avec cette histoire de grève des enseignants, ils sont de plus en plus nombreux à emprunter ce chemin, entre 08h15 et 09h00, pour aller s’adonner à des jeux. Quand je vois ce qui se passe, j’ai le cœur meurtri. Ce sont des enfants, des innocents, à qui on trace, sans s’en rendre compte, une mauvaise voie », fulmine ce commerçant, qui, en face de nous, mettait son poivre grain en sachets pour ensuite les revendre au détail.
Un peu plus loin, les autres habitués des rues, les enfants talibés comme on les appelle communément au Sénégal, jouaient tranquillement au niveau du terrain qui fait face aux Manufactures sénégalaises des arts décoratifs, au quartier Dixième. Ils se prenaient mutuellement en chasse sur 10 – 15 mètres, avant de s’écrouler et se laisser attraper par le poursuivant. Vu la joie et la belle ambiance qui régnaient sur ce terrain, il est évident que ces jeunes gens avaient assuré une bonne partie de la recette quotidienne réclamée par leur instructeur, un maître coranique, qui peut, en fonction de la zone d’activité et de l’âge de l’enfant, leur réclamer individuellement un versement compris entre 300 et 1 000 FCFA.
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Pour les autres enfants qui fréquentent l’école française, désormais inscrits à l’école de la rue, certains d’entre eux rentreront à 12 ou 13 heures chez eux, après avoir passé la matinée à errer. D’autres ne rentreront pas avant 17 heures, pour aller se retrouver à la maison avec les parents, qui eux, auront bouclé une journée de travail. Oubliant que leurs enfants passent désormais leurs journées à errer dans les rues.