Plusieurs barons du Parti démocratique sénégalais (PDS) dont Pape Diop, ancien maire de la capitale et président du Sénat, tournent le dos à Abdoulaye Wade à l’approche des élections législatives.
« La guerre des PDS » s’affiche aux quatre coins de Dakar à la une du quotidien Enquête. La fracture au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS) s’accentue de jour en jour depuis la débâcle de son fondateur et inamovible secrétaire général, Abdoulaye Wade, à la présidentielle du 25 mars. La décision du président déchu de s’accrocher à 86 ans à « la barre » du parti et la nomination par ce dernier d’Oumar Sarr comme coordonnateur général du parti est très mal vécue par une frange importante de militants et de responsables libéraux. Mercredi 18 avril, des caciques du parti ont donc officialisé devant la presse leur intention de présenter une liste concurrente à la liste officielle confectionnée par Wade himself en vue des législatives du 1er juillet prochain. Surnommés les « frondeurs », ils sont emmenés par Pape Diop, président du Sénat et deuxième personnage de l’État, Mamadou Seck, président de l’Assemblée nationale, et Abdoulaye Baldé, ancien bras droit de Karim Wade, secrétaire général de la Présidence de 2001 à 2009 et actuel maire de Ziguinchor.
« Avec la mise à l’écart de responsables reconnus du PDS du processus de confection des listes pour les prochaines élections législatives, et surtout devant la volonté éventée de promouvoir des leaders par procuration, tout semble fait pour maintenir le PDS dans des options de prise de décision qui le conduiront inexorablement vers des défaites et des déchirures », explique Moustapha Guirassy, porte-parole de l’ancien gouvernement et désormais porte-voix de la fronde. Après avoir nié la volonté d’Abdoulaye Wade de se faire succéder par son fils à la tête de l’État, les frondeurs dénoncent un « projet de dévolution monarchique du pouvoir » au sein du PDS et entendent représenter les « historiques » du parti face aux « amis de Karim ». Ces dignitaires de l’ancien régime critiquent également « la logique de cooptation sur des bases et à des fins inavouées qui dessert aussi bien le Pds que le parcours de son leader ». « À travers divers canaux, par loyauté envers le secrétaire général national et par souci de ne pas fragiliser davantage le parti, des appels à la rupture avec les anachronismes ont été lancés à qui de droit, en vain », note Pape Diop. Ils ont donc mis sur pied l’alliance « Bokk Guiss Guiss » pour donner « à chaque militant et à chaque sympathisant les moyens de se rendre encore plus utile à son pays et de participer sur des approches renouvelées à l’émergence d’un opposition forte et crédible ». Selon l’ancien maire de Dakar, présenté pendant longtemps comme l’argentier du parti, les frondeurs souhaitent éviter une nouvelle saignée avec le départ de leurs militants vers l’Alliance pour la République (APR) de Macky Sall. Et, pourquoi pas reconquérir le pouvoir dans cinq ans car, fait-il remarquer, « jusqu’à présent le PDS est le premier parti du Sénégal ».
Boutés hors du pouvoir par les urnes, les libéraux jouent leur avenir sur l’échiquier politique, analyse Mouhamadou Mbodj, coordonnateur du Forum civil et observateur avisé du marigot politique sénégalais. « Le premier réflexe dans l’après-défaite, c’est le réflexe de survie », explique-t-il. « Le PDS est en pleine phase de recomposition », note Mouhamadou Mbodj, soulignant le manque de démocratie interne, l’absence de renouvellement et d’élection dans le parti, et la disparition du poste de numéro 2 depuis les précédents Idrissa Seck et Macky Sall. D’après le politologue, Pape Diop et ses camarades saisissent « l’opportunité créée par les circonstances » alors que leur mentor n’était semble-t-il « pas prêt à la défaite ». La bataille entre les différentes factions du PDS lors des prochaines élections législatives s’annonce rude. Car, comme l’indique Mouhamadou Mbodj, « le Parlement donne aussi une certaine immunité ». Un privilège dont beaucoup aimeraient sans doute bénéficier.