Sénégal : un pas de plus vers la restriction des libertés


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Manifestations Sénégal
Manifestations Sénégal

Le Sénégal est dans la tourmente. Ce pays, autrefois un parangon de démocratie, se trouve aujourd’hui dans la merde. La vague de violences qui secoue le pays depuis 2021 et qui a pris des proportions extrêmes, à partir de jeudi, à la suite de la condamnation du principal opposant de Macky Sall, Ousmane Sonko, écorne sérieusement l’image du pays. Et dans ces conditions, le régime de Macky Sall évolue à grands pas dans la restriction des libertés.

Jeudi dernier, à la suite de la condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme, de violentes manifestations ont secoué plusieurs villes du Sénégal jusqu’au samedi. C’est seulement ce dimanche qu’on a observé un calme précaire. Le bilan total des pertes en vies humaines se chiffre à 16 morts, selon le ministère de l’Intérieur. 3 de plus selon le parti d’Ousmane Sonko, le Pastef. Les blessés, eux, se comptent par dizaines : près de 400, selon la Croix rouge sénégalaise. Parmi eux, 36 éléments des forces de l’ordre et une femme enceinte. Les dégâts matériels sont énormes.

Le gouvernement a-t-il vraiment mesuré toutes les conséquences de la coupure des réseaux sociaux ?

Dans ces conditions, le gouvernement sénégalais a décidé de couper les réseaux sociaux (WhatsApp, Twitter, Facebook), depuis jeudi. L’argument avancé par l’exécutif, c’est que ces réseaux sociaux serviraient de canaux pour la diffusion de « messages haineux et subversifs ». Si on ne peut dénier à l’État sénégalais le droit de garantir la sécurité des citoyens par tous les moyens, il faut également remarquer que priver les Sénégalais des réseaux sociaux, c’est comprimer leur espace de liberté, toute chose se situant aux antipodes des pratiques démocratiques qui devraient être l’apanage d’un État qui se veut de droit.

L’État a en sa possession de nombreux moyens pour garantir la sécurité sans empiéter aussi fortement sur l’espace de liberté des citoyens. Surtout que les réseaux sociaux constituent aujourd’hui des facteurs économiques importants. Le manque à gagner pour plusieurs jeunes entrepreneurs, surtout des promoteurs de start-ups qui utilisent les réseaux sociaux comme leur premier instrument de communication a-t-il été quantifié ? Priver des citoyens, des entrepreneurs de leur outil de communication, c’est les priver de leur gagne-pain et contribuer à épaissir la couche de la pauvreté dans le pays. Véritablement, l’interdiction de l’accès aux réseaux sociaux comme moyen de lutte contre la divulgation de « messages haineux et subversifs » est la marque des dictatures. Et dans ce sens, le Sénégal a franchi un nouveau pas, ce dimanche.

La coupure des données mobiles

Non content de priver les Sénégalais de l’accès aux réseaux sociaux, le gouvernement du Président Macky Sall a poussé un peu plus loin le bouchon, ce dimanche. Pour compter de ce jour, en effet, les données mobiles sont également coupées dans certaines tranches horaires. L’annonce a été faite à travers un communiqué du ministère de la Communication : « Le ministère de la Communication, des Télécommunications et de l’Économie numérique informe qu’en raison de la diffusion de messages haineux et subversifs dans un contexte de trouble à l’ordre public dans certaines localités du territoire national, l’Internet des données mobiles est suspendu temporairement sur certaines plages horaires. Les opérateurs de téléphonie sont tenus de se conformer aux réquisitions notifiées ».

Ainsi, outre les réseaux sociaux, l’accès à Internet directement à partir de son téléphone portable fait désormais l’objet de restriction. Pour accéder librement à Internet, dorénavant, il faut forcément se connecter via un réseau Wifi. Cette nouvelle décision éloigne un peu plus le Sénégal du cercle des démocraties. Un cercle dont le pays a commencé par s’éloigner délibérément depuis que le Président Macky Sall s’est mis à entretenir un faux suspense sur sa candidature ou non pour un troisième mandat. Lui, l’homme qui a combattu la tentative de troisième mandat d’Abdoulaye Wade. Le Sénégal a commencé par s’éloigner du cercle, depuis que le Président Macky Sall s’est mis à se servir de la justice pour éliminer ses challengers. Après Karim Wade et Khalifa Sall, Ousmane Sonko sera peut-être le troisième sérieux candidat qu’une condamnation empêchera de se lancer dans la course vers la Présidence.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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