Depuis le début du procès de Karim Wade, la compétence de la Cour de répression de l’enrichissement illicite à juger ou non le fils de l’ancien Président sénégalais est au cœur des débats. Cette question n’a toujours pas été tranchée et provoque de vifs débats entres les avocats des deux parties.
Au palais de justice, à Dakar,
L’ambiance est toujours aussi tendue au quatrième jour du procès de Karim Wade, renvoyé au 18 août. A chaque fin d’audience, des affrontements opposent les militants du parti présidentiel, APR, et des militants du Parti démocratique sénégalais. Mais la bataille n’est pas que du côté des militants qui n’hésitent pas à s’insulter.
La bataille est aussi juridique entre les avocats des différentes parties. Ces derniers s’opposent toujours s’agissant de la compétence de la Cour de répression de l’enrichissement illicite à juger le fils de l’ancien Président sénégalais, Abdoulaye Wade. Les avocats de la défense réitèrent qu’elle n’est pas compétente pour juger Karim Wade, et que leur client doit comparaître devant la Haute Cour de justice, alors que ceux de la partie civile clament que seule la CREI doit le juger. Depuis le début du procès, le 31 juillet dernier, cette question fait débat entre les différentes parties, retardant le procès de Karim Wade qui n’a pour le moment toujours pas commencé.
A quelle période Karim Wade se serait-il enrichi ?
Les deux parties s’opposent aussi sur la période durant laquelle Karim Wade se serait enrichi. S’agit-il de la période où il était en fonction au sein du gouvernement, donc de 2009 jusqu’à début 2012, où avant qu’il ne soit ministre ? Le débat sur cette question est houleux car, selon la défense, si les faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ont eu lieu pendant ses fonctions, la CREI, selon la législation, est alors incompétence pour le juger, car elle juge ceux qui sont accusés de s’être enrichis après leur prise de fonctions. Un débat que la Cour tranchera lorsqu’elle rendra sa décision concernant la CREI, à la prochaine audience.
« Apportez la preuve des 680 millions qu’il détient »
La défense conteste également la mise en demeure de Karim Wade, arguant qu’elle n’est pas justifiée. Mais pour le procureur spécial, tout comme l’accusation, si l’on est soupçonné d’enrichissement illicite et qu’on ne puisse pas prouver d’où est issu son patrimoine, ni expliquer son train de vie, une mise en demeure est tout à fait justifiée. Or, précise le parquet, Karim Wade n’a pas donné une réponse satisfaisante à cette question, d’où sa mise en demeure. Une procédure remise en cause depuis le début de cette affaire par son avocat William Bourdon : « Apportez la preuve des 680 millions de Fcfa qu’il détient, ou encore des 89 milliards et ensuite nous pourrons débattre », lance-t-il.
Pour tenter de démontrer qu’ils ont raison, chacune des deux parties énumère différents textes de loi à donner le tournis, face à des juges qui ne savent plus à qui se fier. Selon la défense, c’est la criminalité gouvernante qui doit être réprimée par la CREI. La défense a même pointé du doigt des manœuvres, affirmant que certains n’auraient pas intérêt à ce qu’il soit jugé par la haute Cour de justice à cause de conséquences politiques risquées. La défense a également affirmé que « la CREI a été abrogée de manière tacite par l’ordonnance de 1960. La Cour n’existe plus, elle ne fait plus partie de l’ordonnance juridique de notre pays. La loi de 1984 a fait table rase de la CREI ».
« Si la CREI n’existe plus pourquoi lui demander de remettre Karim Wade en liberté ? »
Mais tous ces arguments ont rapidement été balayés par le procureur spécial qui indique que la loi 1984 qui reprend l’ordonnance de 1960 n’a jamais abrogé la CREI, rappelant qu’elle a été créée par une loi spéciale. Selon lui, seule une loi spéciale peut supprimer une loi spéciale. « Par conséquent, monsieur le président, toutes les théories sur la CREI qui vous ont été servies ne tiennent pas la route. La loi sur la CREI est toujours comprise dans l’ordonnance juridique», dit-il.
L’accusation elle, évoque les incohérences de la défense. « Si elle estime que la CREI n’existe pas, alors pourquoi s’est-elle adressée à elle pour lui demander d’accorder à Karim Wade une liberté provisoire ? Si elle a pu lui faire cette demande, cela veut dire qu’elle reconnait ses compétences à le juger. Car, lorsqu’on ne reconnait pas une juridiction, on ne s’exprime pas devant elle et on ne lui fait parvenir aucune demande ». D’autre part, persiste la partie civile, selon la loi, l’incompétence de la Cour devait être soulignée immédiatement, avant même que ne commence le procès, mais la défense ne l’a pas fait. Un débat qui sera clos le 18 août, à la reprise du procès, puisque la Cour affirmera si elle est incompétente ou non pour juger Karim Wade.