Après celles de Pape Diop, Samuel Sarr, Awa Ndiaye ou Cheikh Tidiane Sy, l’audition de l’ancien ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, aura été particulièrement spectaculaire. Une nouvelle étape est désormais franchie dans la traque aux voleurs de la République.
L’ancien premier flic du Sénégal arrêté comme un vulgaire malfrat. Ousmane Ngom, le tout puissant ministre de l’Intérieur d’Abdoulaye Wade, a été interpellé mercredi matin à Kolda, en Casamance, où il battait campagne depuis deux jours pour les législatives du 1er juillet. Vers 8h30, une vingtaine d’éléments de la Brigade d’intervention polyvalente (BIP), l’élite de la police nationale, cueillent Ousmane Ngom dans sa chambre d’hôtel. D’après plusieurs témoignages relayés par la presse locale, Ousmane Ngom se trouve alors sous la douche obligeant les policiers à défoncer la porte. Sous l’œil ébahi de membres de l’ancien parti au pouvoir et de quelques curieux, il est conduit sous bonne escorte à l’aérodrome de Saré Bidji, situé au nord de la commune, où l’attend un avion.
Arrivé aux environs de midi à Dakar, Ousmane Ngom est directement emmené au bureau du procureur de la République pour y être entendu, selon la presse locale, dans le cadre des audits de la gestion de l’ancien pouvoir et de l’enquête sur la mort de l’étudiant Mamadou Diop, écrasé par une voiture de police le 27 janvier dernier lors d’une manifestation contre la candidature d’Abdoulaye Wade. Ousmane Ngom aurait ensuite été transféré à la section de recherche de la gendarmerie de Colobane dans une voiture banalisée. Serviteur zélé de l’ancien chef de l’État et considéré comme l’un des faucons du régime libéral, il a été particulièrement critiqué pour la répression policière des manifestations de l’opposition avant et pendant la campagne présidentielle.
« Le règne de la terreur »
« C’est avec une manière peu cavalière qu’on est venu arrêter le ministre d’Etat, maître Ousmane Ngom à l’hôtel Hobé. Cela prouve une fois de plus que ce régime est un régime autoritaire, car l’élégance voudrait que l’on attende la fin de la campagne pour l’entendre », juge le représentant du Parti démocratique sénégalais (PDS) à Kolda, Ndiougou Déme. « C’est une façon de casser le moral des militants, de casser l’élan politique du PDS, ajoute-t-il. Ce qui s’est passé est une manière d’humilier Ousmane Ngom. On aurait très bien pu le convoquer normalement. » Des sources judiciaires citées par RFI affirment au contraire qu’Ousmane Ngom avait refusé de déférer à toute convocation, raison pour laquelle le parquet a décerné un mandat d’amener contre lui. Baron du PDS, dont il fut longtemps le numéro 2, Ousmane Ngom avait déjà été convoqué au début du mois dans le cadre des audits lancés par le nouveau pouvoir, mais avait décidé de quitter le Palais de Justice de Dakar après, avait-il affirmé, une trop longue attente. Face aux journalistes, il avait nargué les autorités en expliquant qu’il ne répondrait plus à une convocation de la police avant la tenue des législatives et invité ses camarades à faire de même.
Pour Omar Sarr, tête de liste nationale du PDS en meeting à Sédhiou, cette arrestation est « l’expression du règne de la terreur ». « Nous marcherons pour protester contre l’arrestation d’Ousmane Ngom qui n’est rien d’autre qu’une façon manifeste de tordre le cou à la démocratie sénégalaise », prévient l’opposant. Au même moment, quelques militants du parti manifestaient leur colère devant les grilles de la Présidence. Depuis plusieurs jours, le PDS dénonce le « harcèlement » dont sont victimes ses responsables. « Cette intimidation n’évitera pas à Macky Sall et à sa coalition une défaite cuisante aux législatives », assure Omar sarr. « Ousmane Ngom est pris en otage par un régime qui veut nous divertir », lance de son côté Bara gaye, le patron des jeunes libéraux, au micro de la RFM. « Si Macky Sall veut faire des audits, il n’a qu’à commencer par lui-même. Il doit s’expliquer sur son patrimoine. »