La fête du Travail (1er mai) a été le prétexte pour le Président de la République du Sénégal, Macky Sall, de revenir sur l’épineuse question de la baisse des denrées de première nécessité. Pour le Président Sall, la baisse des prix ne concerne que les denrées consommés par le Sénégalais moyens, pas les riches comme…« lui et les autres élus à qui le peuple a donné les moyens de se procurer des denrées de base de qualité », selon la plupart des personnes interrogées par Afrik.com.
De notre correspondant, à Dakar
« Je suis étonné lorsque j’entends dire que le Gouvernement n’a pas baissé les prix des denrées. À mon arrivé au pouvoir, en avril 2012, le kilogramme de riz brisé coûtait 345 FCFA (0,52 euro). Aujourd’hui, il coûte 300 FCFA (0,45 euro). Soit une baisse de 45 FCFA (0,07 euro). Cette baisse est aussi notée sur le sucre. Le paquet coûtait 700 FCFA (1,06 euro) alors que le prix est actuellement fixé à 600 FCFA (0,91 euro). Seulement, nous ne subventionnons pas les produits de luxe. Ceux qui consomment le riz parfumé ont les moyens de le payer. La subvention de l’État est pour les populations les plus démunies. La baisse des denrées de première nécessité doit être effective. Pour éviter des spéculations, le Gouvernement a décidé d’homologuer les prix. Les récalcitrants auront affaire avec la justice », avait soutenu mercredi Macky Sall. Ces propos de Macky Sall semblent avoir remué le couteau dans la plaie des Sénégalais.
Riz ordinaire aux élus, le parfumé au peuple
« Est-ce que lui et sa famille consomment ce riz ordinaire destiné aux chevaux ? Je ne le pense pas », lance Rokhaya Sène marchand ambulant. Elle se dit convaincue qu’« un Sénégalais normal, qui a le choix, ne peut en aucun cas vouloir de ce riz ordinaire. De qui se moque Macky Sall ? », se demande-t-elle avant de confier que Macky Sall doit être amnésique pour avoir oublié l’issue d’Abdoulaye Wade, ancien Président du Sénégal. « Il oublie le sort qui a été réservé à Abdoulaye qui a trahi son peuple. De toutes les façons, on attend les résultats à la fin de son mandat. Mais tel qu’il conçoit les choses, le riz ordinaire au peuple et le riz parfumé à eux qui sont riches, je ne pense que Macky Sall fasse long feu en tant que Président. Et dans son discours, il parle de riz brisé et de riz parfumé. Est-ce qu’il ne confond pas riz brisé parfumé et riz entier qu’on appelait Caroline et qui était un produit de luxe. Le riz ordinaire et celui appelé parfumé, dont on parle nous Sénégalais, sont tous les deux brisés et coûtaient chacun moins de 150 FCFA (0,23 euro) le kilo à l’arrivée de Wade au pouvoir en 2000. Apparemment il n’a rien compris», soutient-elle.
Seule la taxe sur les véhicules a été enlevée
Pour Mamadou Moustapha Ndiaye, opérateur économique, il ne fait aucun doute que Macky Sall est sur un nuage. « A moins qu’il nous prenne, nous Sénégalais, pour des moins que rien. Depuis qu’il est au pouvoir, qu’a-t-il fait pour les pauvres. Il est en train de jouer à un jeu dangereux ce Macky Sall. J’ai l’impression que c’est Abdoulaye Wade qui est encore au pouvoir et qui s’adresse aux Sénégalais», tonne-t-il. Il va plus loin en indexant Macky Sall. « En fait, Macky Sall n’a aucun respect pour nous autres. Je le dis parce qu’il prétend se préoccuper du Sénégalais moyens ou pauvre. Mais à ce jour, la seule taxe que Macky Sall a enlevée concerne les vignettes des véhicules. Et j’imagine que ce sont les pauvres qui ont des véhicules. Du n’importe quoi ! Aucun respect pour nous autres Sénégalais. Personnellement, j’ai les moyens et j’ai une voiture. La taxe qu’il a enlevée sur les voitures m’arrange certes. Mais cela n’a aucune incidence sur les Sénégalais démunis comme le soutient Macky Sall. Et encore, avec la suppression de la vignette, le Sénégalais moyen qui a sa petite Renault bénéficie juste d’un allègement de taxe de 18.000 FCFA (27,5 euros). Mais le riche qui se balade en 4X4 ou en 8X8 se voit allégé au moins de 240.000 FCFA (366 euros). Donc Macky Sall est élu pour défendre l’intérêt des riches et non des pauvres », conclut-il.
Les salaires des députés augmentés
Lui emboîtant le pas, Aïssatou Diouf, vendeuse de poisson à Pikine est d’avis que la moyenne classe sociale n’intéresse pas Macky Sall. « Le prix du carburant n’a pas baissé pour permettre aux Sénégalais moyens dépendant directement des transporteurs de souffler un peu grâce à une baisse des tarifs en vigueur. Tout au contraire, chaque jour que Dieu fait, les transporteurs menacent d’aller en grève ou d’augmenter les tarifs à cause du prix du carburant élevé. Nos députés qui ont les moyens d’acheter une voiture, non seulement on les dote de véhicule, en plus, on leur octroie une prime soi-disant de logement de 150.000 FCFA (230 euros), sans compter des centaines de litres de carburant par mois à chacun. Macky Sall se moque du peuple lorsqu’il soutient que c’est nous autres les démunis qui sommes son principal souci. Je suis tristement déçue », confie-t-elle.
Le pauvre n’a pas droit au lait
«Nous avons tous vu que le prix du lait a augmenté. Donc si on suit la logique de Macky Sall, le Sénégalais moyen ne doit pas consommer du lait. Et le prix du pain qui ne cesse de grimper alors ? Oui, lorsqu’ils diminuent le poids du pain qui est environ de 200 grammes et qu’ils conservent le même prix, cela veut dire qu’ils ont augmenté le coût. En tant que Président, il se permet de faire de la diversion. Il parle de baisse du prix du riz non parfumé, de l’huile en fût entre autres. Ce n’est pas ce qu’il avait promis, encore moins ce que nous voulons. Il sait pertinemment qu’il doit baisser le prix de toutes les denrées qui ont connu une hausse vertigineuse sous Wade. Et c’est la promesse qu’il avait faite au peuple. Qu’il la respecte ! », s’exclame Momar Mbaye, menuisier métallique, avant de poursuivre en rappelant d’autres promesses faites par Macky Sall. « N’est-ce pas ce Macky Sall qui, sous l’ère Wade, s’indignait de voir le carburant quitter le Sénégal pour être vendu moins cher au Mali (moins d’un euro le litre de gasoil au Mali, contre 1,20 euro au Sénégal d’où quitte ce carburant, ndlr) ? Quel est aujourd’hui son alibi ? Il n’en a pas. C’est dommage, très dommage », se désole-t-il.