Sénégal : Macky Sall se place du bon côté de l’histoire


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Macky Sall avait pourtant donné des garanties à la presse
Le Président du Sénégal, Macky Sall

C’est fait. Macky Sall n’est pas candidat à la prochaine Présidentielle. Le Président sénégalais a préféré tenir parole. Une décision qui vient délivrer tout un peuple de la hantise du troisième mandat.

Macky Sall a pris tout le monde de court. Surtout ses thuriféraires qui ne juraient que par lui pour la Présidentielle de février 2024. L’homme a clairement annoncé sa volonté de ne pas briguer un troisième mandat. Le mandat de trop. En prenant une telle décision, le chef de l’État sénégalais s’est fait une place honorable dans l’histoire, non seulement de son pays, mais également de l’Afrique. Cette Afrique où les dirigeants ont peur de se faire appeler ancien Président. Alpha Condé l’a appris à ses dépens.

Une décision difficile

Replaçons-nous dans le contexte sénégalais pour mieux comprendre toute la portée de l’acte posé, ce lundi, par Macky Sall. En 2012, il bat son ancien mentor, Abdoulaye Wade, candidat pour un troisième mandat. Élu pour un septennat, Macky Sall introduit et soutient, en 2016, une réforme constitutionnelle réduisant le mandat présidentiel de 7 à 5 ans et maintenant la limitation des mandats à deux. Avec la promesse que s’il est réélu en 2019, ce sera son second et dernier mandat. À cette époque, Macky Sall semblait même agacé par la question du troisième mandat qui lui était déjà posée par ceux qui voyaient poindre à l’horizon le débat sur la remise à zéro de son compteur.

Par exemple, en 2017, à l’occasion d’une visite de son homologue burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, il déclarait face à la presse : « Je suis à mon premier mandat qui finira en mars 2019. Nous avons, il y a un an, engagé une réforme majeure de la Constitution par voie référendaire pour justement arrêter le débat ». Et de poursuivre : « On devait passer du septennat au quinquennat bloqué, mais le nombre de mandats, c’est réglé depuis très longtemps. C’était deux mandats. Le nombre de mandats n’a pas été modifié. Pourquoi engager une discussion sur un débat de 2024 ? Un débat qui n’a pas lieu d’être puisque je suis dans la logique de ne pas dépasser deux mandats, si le peuple sénégalais me fait confiance en 2019 ».

Soutien de plusieurs personnalités de la majorité

Mais seulement voilà ! Après cette réélection, le chef de l’État sénégalais semble avoir changé de position. Du non ferme qu’il opposait à la possibilité d’un autre mandat après celui qui a commencé en 2019, il passe au « ni oui ni non ». Ces derniers mois, la position de Macky Sall a clairement évolué. Il pense dorénavant qu’il a le droit de se présenter en 2024, apportant de l’eau au moulin de l’opposition qui voyait la chose venir de très loin. Et dans cette posture, il a eu le soutien de plusieurs personnalités de la majorité qui le présentaient comme l’unique personne capable de continuer à présider aux destinées du Sénégal.

Dans ces conditions, un chef peut succomber à la tentation s’il n’y prend garde. C’est ce qui est arrivé à Macky. Pendant de longs mois, le Président sénégalais a laissé croire qu’il pouvait tenter l’aventure. Entre la raison qui dictait de partir à la fin de son mandat actuel et les griots qui l’incitaient à forcer le passage vers le troisième mandat, Macky Sall a dû se retrouver au milieu d’un véritable dilemme.

Au final, la raison a triomphé

À la fin, Macky Sall a pris de la hauteur en renonçant au troisième mandat. C’est vrai que ce débat n’aurait même pas dû se tenir. C’est vrai que Macky Sall n’aurait pas dû se laisser se laisser tenter par cette ambition nuisible voulue par ses proches qui ne voyaient que leurs intérêts immédiats. C’est vrai qu’il pouvait se passer du flou qu’il a entretenu, des mois durant, jouant avec les nerfs de ses compatriotes.

Mais, ce qui est important aujourd’hui, c’est que le Président sénégalais s’est finalement résolu à trancher le débat. Macky Sall a fini par prendre le chemin de la sagesse et opter pour une décision salutaire pour son pays. En temps normal, il n’y a pas d’événement. Le chef de l’État n’a fait que respecter la Constitution. Mais, dans le contexte actuel, l’acte prend un tout autre sens et témoigne de la vivacité de la démocratie sénégalaise et de la vaillance du peuple sénégalais qui, jusqu’au bout, aura tenu bon pour défendre les valeurs démocratiques qui lui sont très chères.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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