Malgré une solide expérience de la vie politique, le Président sénégalais Abdoulaye Wade vient de commettre sept erreurs qui peuvent lui être fatales. Il sait désormais qu’il joue une partie très serrée dont l’issue demeure incertaine.
Première erreur. Comme Gbagbo en Côte d’Ivoire, Wade a surestimé son habileté politique et sous-estimé la détermination du peuple sénégalais qui aspire au changement.
Deuxième erreur. Le fait de vouloir imposer son fils comme son successeur au mépris de toutes les règles démocratiques du pays, et en dépit des nombreuses protestations et indignations de la population ; c’est à croire qu’avec l’âge et l’usure de l’exercice du pouvoir, ce défenseur jadis, de la démocratie a, lui aussi, sombré dans l’irrationalité du pouvoir personnel.
Troisième erreur. Comme Gbagbo, il s’est laissé piéger par des sondages qui ne correspondaient à aucune réalité sur le terrain. Comme Gbagbo en Côte d’Ivoire, ses conseillers lui ont fait croire, sur la base de plusieurs sondages, qu’il gagnerait l’élection présidentielle dès le premier tour. Selon eux, il avait encore la confiance du peuple, et l’opposition étant divisée et incapable de se constituer en véritable menace pour lui.
Quatrième erreur. Sur la base de ces sondages qui lui donnaient une confortable victoire dès le premier tour, contrairement à 2007, Wade et son équipe ont fait une campagne électorale médiocre, mal préparée et surtout en décalage total avec ce que lui reproche son électorat et l’ensemble du peuple sénégalais. Ce qui devait être donc une simple formalité s’est avéré être une véritable catastrophe pour l’orgueil de cet homme à qui personne, dans son entourage, n’a osé dire la vérité. Cette douloureuse réalité l’oblige de fait à trouver des solutions pour inverser le rapport de force électoral au second tour. Il sait que ses chances d’y parvenir sont très limitées, voire même nulles, face à l’ensemble de ses opposants qui se sont tous ralliés à Macky Sall.
Cinquième erreur. Il a beaucoup espéré le vote massif de la puissante confrérie des Mourides qui n’a pas osé prendre le risque d’afficher sa préférence pour un homme fini et contesté. Se positionner pour un homme désormais du passé, pouvait être une menace sérieuse pour elle, vis-à-vis de l’avenir et permettre de fait à la confrérie concurrente, les Tidianistes d’avoir les faveurs du nouveau pouvoir, ce qui aurait pu engendrer, de fait, des surenchères d’influence sur fond de leadership religieux.
Sixième erreur. Wade a trop compté sur les divisions et ambitions personnelles de ses opposants. De ce fait, il n’a pas vu venir Macky Sall qui, de manière très habile, a fait une très bonne campagne électorale sur les faiblesses et manquements des douze années de pouvoir de Wade. Sall a su depuis son départ du parti de Wade, se construire une personnalité crédible d’homme d’Etat en parcourant tout le pays depuis 2009. Cette stratégie de Sall l’a donc conduit à se désolidariser des sept autres candidats avec qui il avait signé un pacte de solidarité électorale qu’il n’a pas respecté. Il avait compris qu’il fallait faire campagne pendant que les autres opposants manifestaient à Dakar contre la candidature de Wade.
Septième erreur. En tant que président sortant, il n’a pas su rassurer les populations sénégalaises durement touchées par le chômage, notamment les jeunes et les femmes. Les nombreuses coupures d’électricité et d’eau, qui minent le moral des Sénégalais, n’ont pas semblé être une priorité pour Wade lors de cette campagne électorale. Le prix du riz, qui est l’aliment de base au Sénégal, a doublé comme d’ailleurs tous les autres produits de consommation de première nécessité. Très loin du peuple qui lui a témoigné à deux reprises sa confiance, Abdoulaye Wade est resté insensible à sa détresse. Ses conseillers lui ont fait croire qu’il était toujours aimé du peuple. Il vient de se rendre compte lui-même que la réalité est toute autre : brutale et impitoyable.
Aujourd’hui, la question que se posent les Sénégalais est la suivante : pourquoi continuer à voter pour un homme dont la seule préoccupation est l’avenir politique de son fils ? Pendant ce temps-là, le petit peuple « ambitionne » de survivre en essayant de sortir de la pauvreté et de l’indifférence de ses dirigeants politiques.
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