Sénégal : les routes du chaos


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Les rues de Thiès
Les rues de Thiès

Pays d’Afrique de l’Ouest ayant obtenu son indépendance depuis 1960, le Sénégal peine toujours à assurer un service d’entretien des routes laissées par les colons. Le constat aujourd’hui est effarant : des routes en pleine ville dégradées comme on ne pourrait l’expliquer. Nous sommes bien en 2021, dans un Sénégal pourtant doté d’un Plan émergent.

Lundi 30 août 2021. AFRIK.COM est à Thiès, la Capitale du Rail. Justement, à quelque 20 mètres du passage à niveau menant à la gare principale de la ville de Thiès, située à moins de 150 mètres de ces lieux, se trouve un carrefour. Celui qui jouxte le siège du parti REWMI, dirigé par Idrissa Seck, qui n’est autre que le nouveau patron du Conseil Economique Social et Environnemental. Ce carrefour mène aussi à la Gouvernance de Thiès, à la Préfecture, à la Mairie, mais aussi à la Direction des Chemins de fer du Sénégal. Bref, à partir de ce carrefour, on peut rallier tous les points focaux de Thiès.

Sauf que passer par ce carrefour est pire que vouloir effectuer le parcours du combattant, surtout en ces périodes d’hivernage. La cause : des trous gigantesques dont certains peuvent atteindre 2,5 mètres de diamètre et parfois plus de 20 centimètres de profondeurs. Avec le peu de pluie qui s’est déversé dans la nuit de dimanche à lundi, les eaux de ruissellement sont venues stagner dans ces trous rendant la mobilité encore plus compliquée sur cette artère centrale de la ville, qui avons-nous oublié, mène aussi au plus grand marché de Thiès, mais aussi au premier magasin Auchan et à la police centrale.

Si certains automobilistes et autres motocyclistes ont pu emprunter cette voie, en ce lundi ensoleillé, c’est parce que tout simplement, il ne pleuvait pas en cet après-midi. En effet, aucun automobiliste n’ose emprunter cette voie quand il peut ou quelque une heure après la pluie. Le niveau des eaux pouvant facilement franchir la barre des un mètre, causant la panne des voitures chez les automobilistes qui ont osé s’aventurer sur cette route pendant la pluie. Et c’est souvent le cas des étrangers qui ne connaissent pas bien la ville de Thiès, ne pouvant point se douter que des eaux aussi hautes pouvaient exister sur les chaussée, en pleine ville.

C’est pourtant le cas. Pour cette ville dont le Français Jean Collin a été le Maire et a été très fier des voies réalisées dans cette jadis belle ville par les colons qui y avaient laissé leurs traces. « Thiès avait de belles routes laissées par le colonisateur. Malheureusement, nous n’en avons rien fait de bon. Nos dirigeants étant incapables, ne serait-ce, de mettre en place un bon système d’entretien de ces routes, qui deviennent de plus en plus non praticables. Vous vous imaginez, cela fait près de 20 ans que cet endroit est inondé à chaque hivernage, sans que nos autorités ne soient capables de trouver une solution », se plaint Moussa, un sexagénaire.

Moto sur le trottoir 1 Moto sur le trottoir 2

Même son de cloche chez Fanta Cissé, debout à côté de la boutique dite « Chez Nicolas », du nom d’un expatrié occidental, qui s’est installé dans cette ville du Sénégal depuis les années 70. « C’est vraiment regrettable et désolant de voir les populations être victimes de cette négligence sans précédent. Regardez les boutiques aux alentours, elles sont obligées, durant la saison des pluies, de relever le niveau de l’entrée de leur magasin d’au moins 1,5 mètre, au risque de voir les eaux de pluies les envahir. Par le passé, beaucoup d’entre eux ont en effet perdu énormément de marchandises, endommagées par les eaux », dénonce la bonne dame.

« Je suis obligé de contourner et passer par le trottoir, ne connaissant pas la profondeur de ces trous au beau milieu de ce carrefour », nous souffle ce conducteur de moto dite Jakarta. « Tout est possible lorsqu’on prend ce genre de trou. On peut tomber et se blesser ou même se salir, on peut aussi casser sa moto ou le moteur, du fait d’eaux profondes. Je préfère ne pas courir ce risque et emprunter le passage des piétons. Je suis conscient que ce n’est pas prudent de partager le passage avec les piétons, mais je n’ai pas le choix, comme je viens de vous le dire. On peut même se noyer dans ces trous sur la route », poursuit le conducteur de moto sur un ton moqueur.

« Hé, tu ne peux pas regarder ce que tu fais ? Tu as vu comme tu as sali mes habits », fait remarquer une piétonne, la quarantaine, à un chauffeur de taxi qui venait de l’éclabousser avec les eaux sales, de couleur ocre, un mélange d’eau de pluie stagnante avec la latérite ayant servi de première couche à cette chaussée. « Désolé madame, je ne savais pas que ce trou était aussi profond. Toutes mes excuses madame », lance le chauffeur de taxi, qui ne récolte que d’un regard de mépris et d’un tchipe tiré en longueur, exécuté par cette femme visiblement en colère.

A quelques mètres de là, non loin de la gouvernance, c’est aussi le désastre. Cette route est impraticable, plusieurs jours après une pluie du fait d’eau stagnantes parfois profondes de 50 centimètres. Pourtant, sur le côté de ce lieu d’inondation qui fait face à la Préfecture, se trouve une canalisation d’évacuation qui passe par la gare, puis le marché central, Petit Thialy puis Thialy où les eaux de ruissellement terminent leur course. A niveau le seul problème reste d’ordre technique. Un entretien seul aurait suffi à rendre cette voie praticable pendant l’hivernage.

Les Gouverneurs comme les Préfets, qui se sont succédé à la tête de ces institutions, semblent avoir d’autres priorités que de balayer, au moins devant la porte de leur maison, chaque matin, comme le veut la tradition sénégalaise. Hélas. Et ce sont des désagréments vécus un peu partout dans la ville de Thiès et dans d’autres villes d’un Sénégal que le chef de l’Etat, Macky Sall, veut pourtant émergent.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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