Entre les ombres du passé et les incertitudes du présent, le poète Hamidou Dia trace comme une ligne de crête : Les Remparts de la mémoire, un beau volume de vers libres publié chez Présence Africaine.
La mémoire, qui n’est pas seulement le souvenir, anecdote, instant volé à l’oubli, mais plus profondément la résonance entêtée des lieux et des personnes qui ont entouré son enfance, et figurent en lui les racines d’une identité exilée.
La poésie rend les illuminations des moments ressuscités :
Au creux de l’angoisse
soudain éclat d’un matin tropical
si loin de mes terres natales
comme du pagne
les cuisses surprises
le souvenir dilaté de ton visage
esquissant de ma pensée les rivages
de ma nostalgie les mirages...
Et elle est le soutien du quotidien, quand il n’est pas aussi beau que pouvait l’être le temps révolu de l’Afrique : le poète est » celui qui dit des choses plaisantes à l’oreille et au coeur « . Chose plaisante, l’image retrouvée des aïeux :
Grand-mère dérobée
de ses forêts d’ébène
Je voulais te tisser
une jolie petite chanson
belle
comme le premier sourire de l’enfant…
Et la certitude qu’avec cette origine recousue au présent, malgré la distance et le temps,
Alors
l’oreille
accoudée au coeur
entendra
la sourde rumeur
des paroles archaïques
Car la poésie d’Hamidou DIA est une oeuvre de patience et d’attention. Une écoute précise de ce qui a été et de ce qui dure, la recherche dans les mots de la jointure exacte entre ce que la mémoire reconstruit et ce que l’esprit comprend. Qui sommes-nous, entre hier et demain, comment construisons-nous notre identité propre ? Sans doute sans exclure et sans haïr :
Je détruirai les remparts patiemment tissés
dans le cœur des hommes
Car telle est bien la conclusion de ce long poème, qui est d’abord un parcours mental. Les « fiançailles à venir » ne sont pas dans le repliement sur soi, mais dans l’expansion joyeuse.
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La clarté vivace de la langue sert le projet plein d’énergie que s’est assigné l’écrivain. Partir du passé le plus lointain pour se lancer vers l’avenir, sans oubli, mais sans frein : s’il fallait construire Les Remparts de la mémoire, c’était pour les franchir plus allègrement, sans remords. Belle leçon de vie !
C’est d’ailleurs cette leçon de vie qu’il exprime autrement dans cette interview…
Les Rempart de la mémoire sont publiés aux Editions Présence Africaine