Abdoulaye Wade parviendra-t-il à se faire réélire à la tête de l’Etat sénégalais ? A la veille de l’élection présidentielle, Afrik vous présente les 4 candidats, sur les 15 en lice, qui ont le plus de chances de se retrouver au second tour. Idrissa Seck, Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse ont juré que le « Vieux » n’effectuera pas un second mandat.
Abdoulaye Wade : le changement dans la continuité
Après 7 ans passés à la tête du Sénégal, le président Abdoulaye Wade, avocat et agrégé de droit et d’économie, se présente de nouveau comme le candidat du changement. Alors que ses détracteurs pointent du doigt son âge avancé, 80 ans, et les lacunes de son bilan, le président sortant a repris le mot d’ordre qui l’avait amené au pouvoir en 2000 : « sopi » (changement, en wolof). Dans son programme, il met en avant son ambition de grand architecte du destin national et, sur ses affiches de campagne qui parsèment le pays, il lance cette invitation aux électeurs : « ensemble, continuons à bâtir ». Une référence claire aux grands travaux qu’il a engagés, pour beaucoup à la fin de son mandat, et qui marquent actuellement la physionomie de Dakar, la capitale.
Abdoulaye Wade, candidat libéral à la tête de la Coalition Sopi 2007, se fend d’un bon bilan, en particulier en matière économique. « Pour solliciter vos suffrages, je me fonde sur deux convictions: d’abord un bilan largement positif, ensuite l’acceptation du devoir de parachever l’œuvre titanesque d’édification d’un Sénégal uni, prospère et solidaire », explique-t-il à ses concitoyens sur son site officiel. Mais ses opposants critiquent, entre autres, l’augmentation du coût de la vie, la corruption illustrée par plusieurs scandales financiers, et sa gestion de la question migratoire qui, pour eux, reflète une dégradation de la situation économique et sociale du pays. Ils tablent donc sur un vote sanction des électeurs.
Néanmoins, Abdoulaye Wade demeure un redoutable compétiteur qui n’a pas hésité à traiter ses rivaux de « poltrons » et à les faire enfermer par la police suite à une manifestation organisée à Dakar, le mois dernier. Depuis trente ans, il joue les premiers rôles dans la vie politique sénégalaise. Il a participé à cinq scrutins présidentiels, le premier remontant à 1978, lorsque, secrétaire général du Parti démocrate sénégalais (PDS), il était opposé à Léopold Sédar Senghor. Même si sa candidature n’a pas entraîné, cette année, la même mobilisation qu’en 2000, il est en tête des derniers sondages qui l’annoncent au second tour. Et lui comme ses partisans prétendent même que la victoire sera acquise dès le premier tour. Mais l’opposition ne l’entend pas de cette oreille.
Ousmane Tanor Dieng : l’héritier de Senghor et Diouf
Ousmane Tanor Dieng, 60 ans, premier secrétaire du Parti socialiste (PS) et diplomate de carrière, est l’un des plus sérieux prétendants à l’investiture suprême. Le PS est resté au pouvoir pendant 40 ans, de l’indépendance jusqu’en 2000. Et si son candidat, plutôt effacé, n’a pas l’éloquence d’Abdoulaye Wade, il peut profiter de son vaste réseau et de son excellente implantation dans le pays.
Ousmane Tanor Dieng, qui a été directeur de campagne du président Abdou Diouf en 1993 et 2000, rêve d’une revanche sur Wade. Il joue la carte de l’expérience et affirme vouloir reprendre les chantiers abandonnés lors de l’alternance de 2000. Se voulant rassurant, ses affiches arborent le slogan : « Cet homme est sûr ». Il promet aux électeurs « un nouvel élan », et d’apporter des solutions aux problèmes du chômage des jeunes et de l’émigration, en particulier, en développant une « diplomatie inventive ».
Se positionnant à l’opposé du président sortant, clairement libéral, Tanor Dieng se déclare partisan d’une plus grande intervention de l’Etat dans la vie économique et sociale du pays.
Idrissa Seck : en finir avec Wade
Le destin d’Idrissa Seck était cousu de fil blanc. Jusqu’à ce que le fils spirituel d’Abdoulaye Wade, devenu son « éminence grise », ne décide de prendre son envol. Ministre d’Etat, directeur de cabinet du président sénégalais, puis 1er ministre, de novembre 2002 à avril 2004, le brillant étudiant en Hautes études commerciales de Paris et de l’université de Princeton, aux Etats-Unis, est longtemps apparu comme le dauphin d’Abdoulaye Wade à la tête du Parti démocrate sénégalais et du pays. Mais alors que le poids du petit préféré grossit sur l’échiquier politique sénégalais, il est arrêté et incarcéré le 23 juillet 2005 pour « atteinte à la sécurité de l’Etat » et pour sa mise en cause dans l’affaire des « chantiers de Thiès », ville dont il était le maire. Il ne sera libéré que 7 mois plus tard, le l7 février 2006, lavé de tout soupçon. Sauf celui d’avoir accepté un accord politique avec les autorités, ce qu’il a toujours nié.
Il annonce sa candidature aux présidentielles le 4 avril, fête nationale de l’indépendance, en se positionnant clairement dans l’opposition. Le 22 janvier dernier, après qu’ils se soient rencontrés, Abdoulaye Wade annonce pourtant qu’« Idy » est de retour dans la mouvance présidentielle. Le principal intéressé laisse planer le doute plusieurs semaines, avant d’annoncer s’être réconcilié avec le « Vieux » mais maintenir sa candidature. Depuis, à l’approche du premier tour, les relations se sont tendues entre les deux hommes. En début de semaine, le président Wade a déclaré à des journalistew qu’Idrissa Seck avait été « aveuglé par l’argent et le pouvoir [qu’il lui avait] confié ». Jeudi, un jour après qu’une rixe a opposé ses partisans à ceux d’un marabout favorable au chef de l’Etat, à Dakar, Idrissa Seck déclare que le « gouvernement a sans doute à l’esprit [son] élimination physique pure et simple ».
Idéologiquement, avec Rewmi, le nouveau parti qu’il a fondé en octobre dernier, Idrissa Seck, 47 ans, ne change pas. « Je suis libéral. Je suis convaincu que chaque individu est un réservoir de valeurs. Bien évidemment, je suis en faveur de l’initiative privée (…) Je ne crois pas à un Etat qui fournit de l’électricité. C’est le secteur privé qui doit la gérer », déclare-t-il le 14 février dernier devant la Confédération nationale des employeurs du Sénégal, à Dakar. Il a fait de l’emploi des jeunes son « soucis prioritaire ». Cette proximité idéologique avec le parti d’Abdoulaye Wade ne le poussera pourtant pas à appeler à voter pour lui. Idrissa seck, qui restait prudent sur son attitude en cas de second tour sans lui, a confirmé jeudi à Reuters qu’il soutiendrait « le candidat de l’opposition le mieux placé ».
Moustapha Niasse : en finir avec le régime libéral
Moustapha Niasse aussi a exercé les fonctions ministérielles par le passé. Mais c’était au sein du parti socialiste. Il a été ministre de l’Urbanisme puis ministre des Affaires étrangères, en 1979, Premier ministre en 1983 et de nouveau ministre des Affaires étrangère, ainsi que des Sénégalais de l’extérieur, en 1998. Mais lors des élections présidentielles de février 2 000, c’est sous les couleurs de l’AFP, l’Alliance des Forces du progrès, qu’il se présente. Un parti qu’il a créé le 16 juin 1 999 après avoir dénoncé « les dérives et échecs du régime du parti socialiste ». Arrivé troisième avec 16% des voix, il se voit proposer le poste de Premier ministre par le président Abdoulaye Wade, mais l’alliance dure moins d’un an. En 2004, Niasse a de nouveau été invité par le chef de l’Etat à entrer dans un gouvernement élargi, ce qu’il a refusé.
Il a été investi candidat aux présidentielles par une coalition de dix partis de gauche – la Coalition alternative 2007 – avec un objectif : « bouter le régime libéral hors du pouvoir ». Reprochant le « démantèlement de tous les agrégats économiques » au président sortant, il a tenu un discours résolument social en direction des Sénégalais durant la campagne. « Si je suis élu Président de la République, je vais mettre en place un programme de réhabilitation de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage », a-t-il notamment déclaré lors d’un meeting à Louga, au nord-ouest du Sénégal. « Ainsi, les parents verront leur pouvoir d’achat amélioré et pourront envoyer leurs enfants en France, en Italie, en Allemagne pourtant ailleurs pour poursuivre leurs études », a-t-il promis, en même temps que la construction d’une université dans la ville.
Comme Ousmane Tanor Dieng, le candidat du Parti socialiste, Moustapha Niasse est tombé à bras raccourcis sur Abdoulaye Wade et les accords de rapatriement qu’il a notamment conclu avec l’Etat espagnol. Il les qualifie d’« injure à la jeunesse » et promet de les renégocier afin que « 20 000 à 30 000 jeunes » puissent migrer « chaque année » vers l’Europe. Le 30 janvier dernier, il regrettait sur Afrik que« le Sénégal [ne soit] plus une vitrine de démocratie et de gouvernance ». C’est pourquoi le 20 février, il a mis en garde le président Wade contre « un hold-up électoral ».