Alors que le M23 réfléchit toujours à la suite à donner au mouvement de contestation contre un troisième mandat du président Abdoulaye Wade, les étudiants, eux, ont décidé de reprendre les choses en main. Très en colère depuis la mort d’un des leurs mercredi, lors de heurts avec les forces de l’ordre, ils sont des milliers à s’être rassemblés ce jeudi devant l’université Cheikh Anta Diop, à Dakar, pour faire entendre leurs voix.
« Nous sommes prêts à mourir pour que Wade parte ! », lance Diabé Soumaré, 28 ans, étudiant en informatique, se confiant à Afrik.com. Le jeune homme fait parti des milliers d’étudiants qui manifestent depuis mercredi devant la faculté Cheikh Anta Diop, à Dakar, pour protester contre la candidature d’Abdoulaye Wade à la présidentielle du 26 février 2012.
C’est la première fois depuis le début de la contestation contre le chef de l’Etat sénégalais que les étudiants se sont ainsi regroupés pour manifester. Le décès mardi 31 janvier de Mamadou Diop, étudiant en lettres modernes, renversé par un camion alors que les forces de l’ordre dispersaient le rassemblement à l’appel du mouvement du M23, a particulièrement mis en colère les protestataires. Des affrontements ont opposé mercredi les forces de l’ordre et des étudiants qui protestaient contre la mort du jeune homme. Les heurts ont éclaté lorsqu’un groupe a voulu sortir du campus dans la matinée pour assister dans un hôpital voisin à la levée du corps de Mamadou Diop. « La mort de notre camarade nous a profondément affecté ! C’est ce drame qui nous a poussé à nous mobiliser !», explique Diabé.
« On en a marre de payer les pots cassés ! »
Le comportement des leaders de l’opposition, qui n’ont pas hésité à fuir les forces de l’ordre dès que la manifestation a dégénéré sur la place de l’Obélisque, (lire l’article : 10.000 Sénégalais dans la rue pour dire non à Abdoulaye Wade) a également irrité les étudiants. Nombre d’entre eux avaient réclamé aux dirigeants du M23 de poursuivre la marche jusqu’au palais présidentiel. Mais ces derniers qui craignaient sans doute une riposte des forces de sécurité ont décliné l’offre. Résultat, de nombreux étudiants comme Diabé estiment que l’opposition a envoyé la jeunesse en première ligne dans la contestation pour assurer ses arrières. « Dès que les forces de l’ordre pointent le bout de leur nez, les membres de l’opposition sont les premiers à fuir, déplore-t-il. Depuis le début du mouvement combien de jeunes sont morts ? Nous sommes les seuls à mourir ! Ils se sont servis de nous ! Désormais nous ne faisons plus équipe avec eux, nous avons décidé de reprendre le mouvement en main à notre manière car on en marre de payer les pots cassés ! » Et Cette fois-ci, « ce n’est pas une mobilisation à la légère », assure le jeune homme.
«Nous resterons mobilisés jusqu’à ce que Wade retire sa candidature !»
Les étudiants sont déterminés à marcher jusqu’au Palais présidentiel. Mais pour le moment, ils attendent d’être plus nombreux pour faire le poids, affirme Diabé. Selon lui, des policiers en civils se sont infiltrés à l’intérieur même de l’université pour surveiller le mouvement étudiant. « Le gouvernement ne veut pas que la presse étrangère sachent que nous sommes mobilisés mais nous irons jusqu’au bout. Et nous resterons mobilisés devant l’université jusqu’à ce que Wade retire sa candidature ! », assure le jeune homme.
Une mobilisation qu’Abdoulaye Wade estime sans importance de son côté. Lors d’une cérémonie publique mercredi soir, à Dakar, le chef d’Etat a indiqué en référence à la contestation à son encontre, qu’« une brise est un vent léger qui secoue les feuilles des arbres, mais elle ne devient jamais un ouragan ». « Vous qui m’avez accompagné pendant les dures heures de l’opposition, vous savez très bien que toutes les agitations actuelles n’ont pas l’air d’avoir un effet sur les Sénégalais. J’ai bon espoir que je serai encore là l’année prochaine pour vous prouver davantage ce que j’ambitionne pour vous », a-t-il promis, laissant clairement entendre une fois de plus qu’il ne reviendrait pas sur sa candidature.
Mais les étudiants ne l’entendent pas de cette oreille. Désormais, bien engagés dans la bataille contre Abdoulaye Wade, ils n’ont pas dit leur dernier mot et entendent briser la résistance du président.