Accusées d’avoir, en 2005, participé, organisé ou filmé un concours de danse jugé obscène, huit personnes comparaissent actuellement à Dakar. L’affaire a éclaté avec la diffusion des images de cette soirée privée sur Internet et leur vente sous le manteau. Le procureur a requis, lundi, des peines allant de 3 mois à un an de prison ferme.
Par Aurore Assombri
Le tribunal des flagrants délits de Dakar a fait bien des malheureux lundi. La présidente a décidé de tenir à huis clos le procès des huit accusés dans l’affaire des « danses obscènes ». Une affaire qui avait déplacé de nombreux curieux jeudi dernier, lors de la première comparution des trois femmes et cinq hommes inculpés pour outrage public à la pudeur et outrage aux bonnes mœurs lors d’un concours de danse.
Prison ferme requise
Lundi, même les journalistes ont été priés de sortir de la salle après que la présidente a décidé d’accéder à une requête de la défense : le visionnage des images de la soirée, que certains qualifient d’obscènes voire pornographiques. Après quoi, le procureur a requis des peines de prison ferme à l’encontre de tous les accusés. Selon les sources, il a demandé trois mois contre DJ You, l’animateur de l’événement, cinq ou six mois de prison contre les trois danseuses et les trois organisateurs et un an contre le caméraman.
Retour sur une affaire qui, dans ce pays majoritairement musulman, fait couler beaucoup d’encre et alimente de nombreuses conversations. En 2005, le propriétaire du night-club « Alexandra », Fi Hô Jean Patrick Nguyen, accueille avec l’aide de son employé Paul Patrick Tessi la compétition de l’Espagnol Juan Carlos Denis Sanchez. La manifestation, ambiancée par Dj You, est filmée par Amara Mbaye. Trois danseuses rivalisent d’érotisme : Fatima Dorénal, Ndeye Gaye et Ndeye Gueye, Awa Gueye de son vrai nom, qui est régulièrement sollicitée par des artistes pour tourner dans des clips ou des prestations scéniques.
Actrices malgré elles ?
La soirée privée serait peut-être restée dans l’ombre si les images ne circulaient pas depuis cet été sur le Web et ne se vendaient pas sur des CD nommés « Guddi town, yëngël down », qui signifie approximativement en wolof « Jeu de fesses lors d’une nuit chaude ». Fatima Dorénal a en effet porté plainte « fin juillet-début août » car « on (…) avait assuré [aux danseuses] qu’il n’y avait pas de photo, pas de caméra » et que le film a été diffusé « contre leur avis », a expliqué à l’AFP Me Ndiaga Fall, qui défend cette plaignante. Il souligne cependant que les danses incriminées se pratiquent « partout au Sénégal lors d’occasions ludiques ».
Le groupe a été interpellé et placé sous mandat de dépôt le 18 septembre et inculpé pour outrage public à la pudeur et attentat aux moeurs, en tant qu’auteur ou complice. L’Association des maîtres coraniques, qui regroupe une dizaine d’organisations islamiques, et SOS consommateurs se sont portés partie civile et réclameraient un franc symbolique aux accusés pour réparer le préjudice moral. Interrogé par le quotidien sénégalais Le Soleil, l’avocat de Ndeye Gueye a pour sa part demandé la relaxe de sa cliente, estimant qu’elle « n’a rien diffusé et] n’était pas au courant qu’il y avait tournage ». Une [pétition de soutien en ligne a d’ailleurs été créée pour que cessent les poursuites contre elle.