Le Sénégal a pris, très tôt, conscience des enjeux liés aux nouvelles technologies de communication. Aujourd’hui, la toile tend à envelopper tout le pays et les opérateurs économiques y trouvent d’intéressantes opportunités d’affaires. Interview d’Amadou Top, ingénieur en informatique et fondateur d’Osiris, une société sénégalaise de prestation de services Internet.
Afrik : Les nouvelles technologies d’information et de communication sont relativement développées au Sénégal. Comment expliquez-vous cette position phare de votre pays dans la sous région ouest africaine ?
Amadou Top : A la fin des années 1990, on a mis en place un réseau numérique complété par des réseaux en fibres optiques. Cela a donné le réseau national IB. Entre autres facteurs, le principal est celui des infrastructures de base en télécommunications. Ensuite, au plan de la formation, un engagement a été pris assez tôt à l’université de Dakar et de Saint-Louis pour avoir des départements qui ont fait beaucoup de travail dans le domaine de l’informatique. Ainsi, on a produit des ingénieurs de bon niveau localement et assez facilement. Troisième facteur : les entrepreneurs privés. Ils ont investi rapidement ce créneau avec la création de sociétés dans le domaine d’Internet. L’intérêt que l’Etat a commencé à accorder au secteur des nouvelles technologies a fait le reste.
Ainsi l’administration centrale a commencé à s’équiper en ordinateurs. Surtout, on a mené des réflexions sur la possibilité ou non du Sénégal d’exploiter les nouvelles technologies de l’information pour le développement. C’est ainsi qu’est né le concept de télé-centre. On en dénombre 8000 aujourd’hui qui permettent aux citoyens de communiquer. L’Etat veut utiliser ces télé-centres comme point d’accès communautaire à Internet. Cette réflexion se poursuit aussi, et nous pensons vers un accès plus large, ouverture plus intéressante aux populations. Voilà grosso modo, je crois, l’élan que nous avons pris pour nous approprier les nouvelles technologies de l’information et de la communication au Sénégal.
Afrik : Peut-on avoir une idée des populations sénégalaises ayant accès à Internet ?
Amadou Top : Sur 9 millions de Sénégalais, il y a deux ou trois cent mille personnes qui ont accès à Internet, par différents biais, parce qu’ils procèdent par voie communautaire comme je le disais à travers les télé-centres. La plupart des écoles sont connectées, les universités aussi ; les administrations commencent à se connecter. C’est assez faible pour l’instant. Mais c’est quelque chose d’intéressant parce que ceux qui se connectent à Internet, ce n’est pas pour s’amuser mais pour chercher des informations précises. Pour accéder aux bibliothèques, à des revues ou à une documentation assez ciblée. Donc, je crois qu’Internet n’a pas encore l’ampleur populaire que nous voudrions lui voir prendre, mais dans un pays comme le Sénégal c’est un phénomène important. Nous sommes devancés seulement par l’Afrique du Sud et son million d’internautes. Cela se comprend puisqu’elle a une population d’environ 40 millions d’habitants.
Afrik : Que fait concrètement l’Etat sénégalais pour encourager les initiatives visant à développer les nouvelles technologies de l’information ?
Amadou Top : L’Etat encourage les différents opérateurs à ne pas se cantonner dans les grandes villes. Chaque fois que les opérateurs veulent intervenir dans les agglomérations moins urbaines, l’Etat les encourage par différents moyens. Par contre, ce qui importe c’est moins que ce soit l’Etat lui-même qui le fasse que les opérateurs qui interviennent.. Sous ce rapport là, il y a des Ong qui ont commencé à intervenir comme la Frao (Fondation rurale pour l’Afrique de l’Ouest), Enda Tiers-Monde (Environnement et développement) et des Isp (Internet service providers). Par exemple, Metissacana (le grand Web-café basé à Dakar -Ndlr.) a un programme d’intervention dans les zones régionales, même s’ils peinent à atteindre les villages. Mais je pense que dans les années à venir, les programmes qui sont en cours permettront de couvrir quelques villages. Parce que le problème de couverture des campagnes repose la question de l’alphabétisation et de la capacité à utiliser le clavier, la souris etc…. Ce qui veut dire que si nous voulons qu’Internet pénètre les villages, il va falloir que nous imaginions d’autres modes d’accès qui ne soient pas nécessairement le clavier. C’est tout à fait possible aujourd’hui parce que dans les zones à forte population d’analphabètes, on peut envisager des solutions utilisant des écrans tactiles.