Mis en cause dans l’affaire du saccage de deux journaux privés sénégalais, le ministre le ministre des Transports aériens et de l’Artisanat, Farba Senghor, s’est défendu de ces accusations. Une enquête a été ouverte, mardi, par la police sénégalaise, qui tachera de faire le jour sur les raisons et les responsables de cet acte de vandalisme. Les journalistes de l’ As et de 24H Chrono ont reçu le soutien de leurs confrères.
De hauts représentants de l’Etat responsables ? C’est ce que devront confirmer ou infirmer les enquêteurs sénégalais chargés de faire toute la lumière sur le saccage à Dakar des locaux des journaux privés l’As et 24H Chrono, survenu dans la nuit de dimanche à lundi derniers. Le directeur de publication de 24H Chrono, El Malick Seck, a pour sa part désigné le ministre sénégalais des transports Farba Senghor – également secrétaire national à l’organisation et à la propagande au Parti Démocratique Sénégalais (parti au pouvoir) – comme le commanditaire des agressions. La presse sénégalaise privée, ainsi que les associations de défense des journalistes se sont montrées choquées par les événements. L’émotion reste vive dans le pays où le directeur de publication du journal indépendant Le Populaire a déclaré avoir échappé de peu, la nuit dernière, à une tentative d’agression contre son domicile et le siège de l’organe de presse qu’il dirige. Eventé, le projet d’attaque aurait avorté.
Farba Senghor s’indigne
Actuellement en déplacement en Turquie à l’occasion du sommet Turquie-Afrique, le ministre sénégalais Farba Senghor s’est vivement défendu, mercredi, des accusations le désignant comme l’instigateur de l’attaque des locaux de l’As et 24H Chrono. Niant toute implication dans les événements de dimanche soir, il n’est pas pour autant revenu sur les menaces qu’il avait proférées, jeudi dernier, contre trois organes de presse. Il s’était montré offusqué des attaques écrites dont il faisait l’objet et, dans un communiqué, s’était « réservé le droit de riposter à la hauteur de ces agressions ». Plus loin il avait précisé sa pensée, arguant qu’« il n’y a aucune différence entre la violence verbale, la violence écrite, et la violence physique ».
Dans le quotidien public Le Soleil, il a souhaité, mercredi, faire une mise au point dans laquelle il rappelle qu’il ne possède pas personnellement de 4×4, la voiture utilisée par les « nervis » responsables des attaques. Il explique également qu’il n’a pas menacé les journaux en question, mais seulement « fait état de son droit à la légitime défense face à l’acharnement d’une certaine presse en mettant en garde contre le silence de l’opinion ». L’article du journal sénégalais s’achève sur ces mots lourds de sens : « La violence n’est l’apanage de personne, et quand on sème le vent, on doit s’attendre à récolter la tempête. »
L’opinion se mobilise
Cet acte de vandalisme survient dans un climat de vive tension entre la presse privée et l’Etat : les rapports des journalistes avec les autorités sénégalaises se sont profondément dégradés, depuis notamment le passage à tabac de journalistes sportifs par la police le 21 juin dernier.
Les événements récents ont trouvé un écho immédiat dans la presse privée sénégalaise, qui, tout comme les syndicats de journalistes et les associations de défense des libertés, s’est indignée de la probable corrélation entre les responsables et l’Etat.
Le Comité de Protection et de Défense des Journalistes est le premier à s’être exprimé, lundi, soulignant que le véhicule utilisé par les auteurs de l’agression était immatriculé AD (pour administration publique), et a annoncé l’organisation d’une marche samedi, en signe de soutien aux deux journalistes lynchés au cours du saccage de leurs locaux et de leur matériel informatique. Le journal Walfadjri a rappelé que la Fédération Internationale des Journalistes « appelle à la fin de la persécution des médias ». Titrant sur le même sujet, le journal Thieey a jugé qu’ « un pas inacceptable a été franchi (…) dans un Etat de droit où la liberté d’expression est érigée en pierre angulaire du système démocratique ». Un autre journal a précisé que des empreintes digitales avaient été retrouvées sur le matériel vandalisé, qui permettront d’identifier les agresseurs.
Reporters Sans Frontière a, pour sa part, appelé le président sénégalais Abdoulaye Wade à réagir. L’association lui a demandé de « tout mettre en œuvre pour que la situation s’améliore et que les responsables d’actes illégaux soient sanctionnés ».
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