Le naufrage d’une pirogue au large de Mbour, au Sénégal, a fait jaillir l’ampleur du phénomène de la migration irrégulière en Afrique de l’Ouest. Malgré ce drame, de nombreux Sénégalais continuent de risquer leur vie pour tenter de rejoindre les côtes européennes. De quoi s’interroger sur la politique migratoire de l’Etat sénégalais.
Si les arrestations de candidats à l’émigration sont nécessaires pour lutter contre les réseaux de passeurs, visiblement, elles ne suffisent pas à résoudre le problème à la racine. La répression ne fait, vraisemblablement, que déplacer le problème sans l’éradiquer. C’est le constat fait et l’État du Sénégal est appelé à se prononcer sur sa politique de migration. D’autant que des certaines de personnes continuent de vouloir prendre la mer pour gagner illégalement l’Europe.
Migration clandestine : quand l’État laisse faire
Quelques jours après le chavirement d’une pirogue qui a fait au moins 39 morts et des dizaines de disparus, une trentaine de personnes ont été interpellées le 14 septembre dans un quartier de Mbour (80 km de Dakar). Il s’agit de 20 Gambiens et 7 Sénégalais qui projetaient de rallier les côtes européennes, via des embarcations de fortune. Au péril de leur vie. Le passage de Pedro Sanchez dans la région n’aura pas eu d’impact.
L’Espagne et quelques pays africains ont décidé de prendre le taureau par les cornes. Traque des passeurs, aide au développement des populations… Une cascade de mesures. Mais selon Moustapha Fall, président de l’Association nationale des partenaires migrants, ces opérations de police ne sont pas la solution face à ce phénomène d’une telle ampleur. « Ce n’est pas une solution pérenne, seulement, c’est le rôle de l’État. Mais il faut quand même avouer que, à un moment donné, ils ont laissé faire », dénonce l’homme sur RFI.
« Un dysfonctionnement au niveau des forces de sécurité »
Selon, lui, « il y a un dysfonctionnement au niveau des forces de sécurité ». Et d’asséner : « avec la capacité et les moyens que nos forces de l’ordre détiennent, ils avaient la possibilité en amont de pouvoir surveiller nos côtes de façon à ce que les jeunes ne puissent pas prendre les pirogues. La préparation du voyage peut durer au moins un mois. Je me demande où sont les renseignements généraux ».
Justifiant cette crise migratoire qui frappe le Sénégal et les pays riverains de plein fouet, M. Fall estime que « c’est le désespoir total au niveau des jeunes ». Et pour cause ? « Parce que des tragédies pareilles, ce n’est pas la première fois. Depuis 3-4 ans, nous avons perdu énormément de jeunes qui ont été engloutis par la mer », poursuit-il visiblement dépité. Il va plus loin, interpellant les autorités.
« Dire clairement quelle est sa politique de migration »
« Il faudrait que l’État du Sénégal, le gouvernement, le régime en place, puisse dire clairement quelle est sa politique de migration, quelle est la politique qu’il va mettre en place de manière à satisfaire les frustrations des jeunes et prendre des actes concrets. Prononcer des discours, ça ne va pas régler le problème. Ça ne va pas retenir les jeunes parce que les jeunes sont dans le désespoir ».
Un drame qui en appelle un autre. En effet, à l’autre but du continent, dans sa partie nord, le Maroc fait face à un phénomène pire. Hier dimanche, des échauffourées ont éclaté entre des centaines de migrants et les agents des forces de sécurité marocaine. Les candidats à l’émigration clandestine voulaient regagner l’Espagne via l’enclave de Ceuta. Ils se heurteront à une farouche résistance de la police marocaine, appuyée sur l’autre rive par leurs homologues espagnoles.