Des filles de 15 à 17 ans se prostituent pour satisfaire leurs besoins. Ces dernières rivalisent avec les travailleuses du sexe ghanéennes, nigérianes et bissau-guinéennes, qui ont envahi le Sénégal pour attirer les touristes européens. Enquête dans les hauts lieux de la prostitution à Dakar, la capitale sénégalaise devenue la plaque tournante de la prostitution en Afrique.
(De notre correspondant)
Le Sénégal est-il devenu la nouvelle plaque tournante de la prostitution en Afrique ? Ou un lieu de rencontre où l’alcool coule à flot, où la drogue circule en toute impunité, où le sexe se marchande à tous les prix. Les maquis et les bars sont devenus la nouvelle industrie. Combien de bouteilles de bières, sinon des casiers de bières sont vendus quotidiennement ? Des milliers ? Des millions ? Personne le sait, ce que nul n’ignore c’est que l’alcool y coule comme l’eau de la piscine, c’est-à-dire librement et sans limite.
L’ambiance torride dans les bars et restaurants
Les scènes qui se déroulent dans ces espaces dépassent tout entendement. Au « Y Bar » de Dakar que nous avons visité le week-end dernier, le spectacle est ahurissant. Sexe, strip-tease, alcool, cigarette sont servis à gogo. Sur la piste de danse, les jeunes filles miment des actes sexuels. Habillées d’un string et d’un spencer, nombril au vent. Les filles du bar peuvent être sollicitées par des clients plus âgés ou pervers à souhait. Pour une partie de fellation ou d’amour ou encore de partouze. Ici, le salon d’honneur ou privé qui peut recevoir une dizaine de personnes est le lieu idéal pour passer à l’acte. Dans ce confort très peu naïf, ils sont nombreux, les clients qui s’envoient au septième ciel. Personne ne s’occupe de son voisin. Un coup d’œil sur les tarifs pratiqués dans ce bar select permet de comprendre la folie des clients. Les bouteilles de Whisky et clan Campbell avoisinent les 60 mille FCFA (soit 100 euros).
Des lieux fréquentés par la haute société
« Quand on voit le nombre de bouteilles sur les différentes tables, on parierait que le Sénégal n’est pas en crise », nous confie un client. Mais la serveuse qui a suivi cette conversation nous indique ce sont notamment, ceux qui ont le pouvoir d’achat qui y viennent, les directeurs généraux (DG), les footballeurs internationaux et les fils de certains des anciens et nouveaux ministres sénégalais. « Jetez un coup d’œil dehors sur les véhicules stationnés et vous aurez une idée de notre clientèle. Souvent ceux qui ont bénéficié des largesses des régimes qui viennent ici, nous gâtent avec des pourboires. La serveuse parmi nous qui a la chance d’être choisie pour leur tenir compagnie est un ange ce jour là. Ils dépensent sans compter », révèle cette serveuse qui ne cache pas qu’en complicité avec les gérants, elles gonflent parfois les factures.
Les anciens dignitaires impliqués dans l’industrie de la nuit ?
Selon nos sources, qui préfèrent garder l’anonymat, la plupart de ces bars et hôtels appartiennent aux hommes de confiance de l’ex président de la République Abdoulaye Wade qui placent des dirigeants comme couverture. D’après certains fêtards, les bars et hôtels s’apparentent aujourd’hui à un lieu de blanchiment d’argent. Pendant que la pauvreté gangrène la grande masse de la population sénégalaise, les anciens dignitaires de l’ex régime libéral rouleraient en voitures de luxe et construiraient des commerces de prostitution. Ce qui ne manque pas de promouvoir la dépravation des mœurs.
Des mineurs de 15 à 17 ans se prostituent
Leurs grosses victimes : les enfants des autres, ces mineurs de 15 à 18 ans, qu’ils entrainent dans le monde du vice. Il suffit de faire un tour au « Claudel », des gamines qui racolent avec des messieurs. Ou dans certains endroits de la ville de Ziguinchor (sud) pour constater que des gamines s’affichent avec des messieurs. Et pourtant, bon nombre de ces filles de joie ne détiennent pas des papiers administratifs ni de carnets de santé, leur permettant d’exercer la prostitution, un métier très risqué.
« Lorsque vous voyez une jeune fille dans une belle voiture, il s’agit de la maitresse d’un ministre » ironisent désormais les habitants de Dakar. Dans un passé récent, les autorités sénégalaises mettent beaucoup d’argents pour des prix d’excellence, un prétexte pour eux de valoriser des concours de beauté : Miss Sénégal, Miss Diaspora, Miss Dakar, Miss Cedeao, Miss campus, etc. « C’est leur stratégie (de camouflage, ndlr) pour choisir leurs maitresses », dénonce un leader de l’opposition la plus radicale pour qui, cela est le symbole de la déchéance morale au sommet de l’Etat.
La pauvreté : la cause de la prostitution juvénile
Une adhésion à la prostitution que ces jeunes filles lient à la pauvreté grandissante et au chômage chronique dans la région sud du Sénégal.
« Je me prostitue parce que mes parents sont pauvres et je suis l’aînée de la famille. Je ne pouvais pas les regarder se décarcasser pour nous donner à manger. C’est vrai que je pouvais aller faire un autre travail, mais la prostitution est le métier le plus rémunéré au Sénégal. Moi, je gagne 300 000 à 350 000 FCFA par mois (soit 500 euros), c’est l’équivalent du salaire de certains cadres sénégalais. Je parviens ainsi à nourrir notre famille », explique Béatrice Manga, âgée de 17 ans , qui pratique le plus vieux métier du monde depuis bientôt un an, dans un bar de Ziguinchor.
Un argument largement partagé par sa collègue Sophia Sene. Qui nous fait savoir qu’elle a perdu ses parents dès le bas âge « Moi, je suis avec mes frères que je soutiens financièrement. Mais je voulais même laisser ce métier et faire du commerce. D’ailleurs, mon oncle, m’a même demandée d’abandonner ce métier et de trouver quelque chose de plus digne » a-t-elle concédé.
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