Le procès de Karim Wade a repris lundi après avoir été suspendu jeudi dernier. Pour le moment, les procédures juridiques opposent toujours les différentes parties. La défense continue de dénoncer la violation de ses droits, tandis que la partie civile l’accuse de vouloir ralentir le procès pour ne pas aborder le fond.
Au palais de justice, à Dakar,
Ce lundi, le procès de Karim Wade est toujours aussi suivi au palais de Justice, où la salle d’audience ne désemplit pas. Après que la défense ait présenté jeudi ses exceptions de nullité, dénonçant la violation de ses droits et des procédures juridiques, suivi des réquisitions du parquet, c’est au tour de la partie civile de riposter.
D’entrée, les avocats de la partie civile dénoncent les longues plaidoiries de leur confrères de la défense, les accusant de ralentir le procès, soulignant des répétitions qui n’en finissent pas. « Depuis le début, ils utilisent les même arguments, les mêmes plaidoiries », selon cet avocat de la partie civile, soulignant qu’ils font de « l’acrobatie juridique ». Or, selon lui, « le temps c’est de l’argent, le temps c’est du développement, et tous ceux qui sont dans l’assistance devraient travailler au développement de notre pays au lieu de suivre ce procès. On ne devrait pas perdre autant de temps sur quelque chose qui peut être traité en quelques semaines ». Maître El Hadj Diouf, autre avocat de la partie civile, connu au Sénégal pour ne pas mâcher ses mots, accuse la défense de « mener un procès de mauvaise foi, un procès de la manipulation, et un procès de la ruse », clamant qu’elle cherche « coûte que coûte à tromper l’opinion ».
« On va manger l’Etat tout doucement »
De même, Maître Yerim Thiam a accusé la défense d’avoir « constamment abordé le fond » alors même que les questions de forme n’ont toujours pas été réglées. Et l’avocat, célèbre pour ses chutes cinglantes, de conclure : « Karim Wade a toujours clamé son innocence, affirmant même un jour : Ne vous inquiétez pas on va manger l’Etat tout doucement. Seulement lui a déjà mangé mais pas doucement ». De même, la partie civile estime que la défense qui a lourdement mis en cause le procureur spécial la semaine dernière, qu’il s’agit d’un mauvais procès contre ce dernier. Au contraire, « le parquet spécial a effectué une application rigoureuse de la loi. C’est injuste de dire que le parquet spécial a violé une loi qu’elle a respecté ».
La partie civile termine sa plaidoirie un peu avant 12 heures 30 (heure locale). Le juge redonne alors la parole à la défense mais cette dernière réclame que l’audience soit reportée mardi matin pour mieux préparer sa réplique. Refus du juge Grégoire. Et maître El Hadj Diouf l’appui, arguant que lorsqu’on « maitrise son propos on a pas besoin d’autant de temps pour se préparer », invitant ses confrères à répliquer immédiatement. Même son de cloche pour le parquet, qui estime que la défense n’a pas besoin de plus de temps pour riposter. Contrainte malgré elle, la défense reprend la parole. Elle réitère ses plaidoiries de la semaine dernière, critiquant la façon dont l’enquête a été menée contre leur client, dénonçant des méthodes contraire à la loi. « Karim Wade a parfois été interrogé durant 24 heures », la défense, accusant le procureur d’avoir obligé Karim Wade à témoigner contre lui-même alors que « c’est le parquet qui devait chercher lors de l’enquête des éléments à son encontre ».
« Votre juridiction n’a pas d’âme »
La défense profite de l’occasion aussi pour faire le procès de la Cour, critiquant son administration qui ne lui a toujours pas fourni des documents qu’elles réclamaient : « Monsieur le président qu’est-ce que c’est cette façon de travailler. Nous ne pouvons pas être dans une juridiction qui n’a pas d’âme, qui n’a pas d’histoire. Nous avons besoin que votre greffier nous rendent des documents concernant les décisions qui ont été rendues. C’est notre droit, et la Constitution du Sénégal dit que nous avons droit à l’information ». Et la défense de poursuivre : « Nous ne sommes pas dans un jeu de yoyos ni de cache-cache. Pourquoi n’avons nous toujours pas ces documents. A moins que la Cour nous cache quelque chose. Que cachez-vous ? Y a-t-il quelque chose qui se cache ? Monsieur le président s’il y a anguille sous roche, alors je vous demande de soulever la roche. »
Réponse de Grégoire Diop, président de la Cour : « Comme vous le savez, tous les anciens membres de la CREI sont décédés. De plus, nous avons connus deux déménagements de suite. Plusieurs archives ont donc disparus après cela. Nous cherchons à les rassembler. Nous vous remettrons les documents dont nous disposons dès que possible ». Une réponse qui n’a pas satisfaite la défense qui va poursuivre sa plaidoirie mardi matin, toujours sur la violation des procédures juridiques contre son client.