Sénégal : l’affaire du sable contaminé s’enlise


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Les habitants de Mont-Roland, localité située à 85 km au nord de Dakar, s’insurgent contre la présence depuis fin juin début juillet de 2 000 m3 de sable contaminé au plomb à quelques kilomètres de leurs villages. Le gouvernement avait promis, il y a deux mois d’enlever le sable, une promesse réitérée fin août. Mi-septembre, le matériau est toujours là. Les autorités envisagent de l’envoyer en Chine, selon les déclarations faites lundi par le directeur de l’Environnement et des Etablissements classés du Sénégal, Cheikh Ndiaye Sylla. Mais débloqueront-elles effectivement les 200 M de francs (CFA) nécessaires à l’opération?

Mont Rolland est une paisible bourgade de la région de Thiès, avec ses dix huit villages et ses 15 000 habitants. Un charme indéniable se dégage de ses vallons verdoyants. Mais, ce paysage de carte postale est en passe d’être terni par une menace insidieuse. Les autorités ont en effet stocké 2 000 m3 de sable contaminé au plomb à quatre kilomètres de cette localité, dans un centre d’enfouissement de déchets. Ce sable contaminé est issu d’activités de recyclage de batteries de véhicules pour en récupérer le plomb revendu à des clients Indiens.

Dix-huit enfants décédés

En 2008, ce sable contaminé au plomb avait déjà défrayé la chronique en causant la mort de dix-huit enfants atteints de saturnisme, dans le quartier Ngagne Diaw de Thiaroye-sur-mer dans la banlieue de Dakar. Le saturnisme, maladie liée à l’intoxication par le plomb, est plus grave chez les jeunes enfants, car de 40 à 50% du plomb ingéré par un enfant passe directement dans son sang, contre 5 à 10% pour un adulte. Lorsque le plomb entre dans l’organisme, il se dépose sur les os à la place du calcium, et également dans certains organes et dans les tissus. Une fois présent en grande quantité, les symptômes se déclenchent : maux de tête, troubles rénaux, troubles neurologiques et convulsions pouvant entraîner des troubles cardiaques et un décès. Des traitements sont possibles, mais les coûts sont hors de portée de la bourse du Sénégalais moyen. Alertées, les autorités ont alors décidé de transférer, début juillet 2010, ce sable contaminé au plomb de Thiaroye-sur-mer vers un centre d’enfouissement créé à Mont Rolland.

Les habitants de Mont Rolland se révoltent

Echaudés par les décès survenus à Thiaroye-sur-mer, les habitants de Mont-Rolland ont alors immédiatement exprimé leur vif mécontentement. Interrogé sur le sujet, le ministre de l’écologie Djibo Kâ avait déclaré : « le site est sécurisé. Le sable en question a fait l’objet d’une étude d’impact environnemental. Donc, toutes les conditions de sécurité sont réunies ici ». Par ailleurs, toujours selon Djibo Kâ, le sable stocké à Mont Roland avait été traité et ne comportait plus que 1% de plomb contre 10% dans le sable d’origine issu de Thiaroye-sur-mer. Mais face à la levée de bouclier, le ministre de l’écologie a finalement fait machine arrière et donné des instructions pour que ce sable contaminé soit sécurisé avec des bâches, puis enlevé.

Devant la lenteur des opérations d’enlèvement, les villageois avaient prévu de manifester lundi 6 septembre 2010 à Thiès, avant d’y renoncer au dernier moment suite à la visite du directeur de l’environnement Cheikh Ndiaye Sylla. « Le ministère est à la recherche de 200 millions de francs CFA (305.000 euros) pour transporter le sable en Chine où il sera traité » a d’ailleurs déclaré Mr Sylla pendant sa visite.

Ce sable contaminé étant à ciel ouvert, avec l’hivernage, la pollution de toutes les nappes phréatiques environnantes est quasiment inévitable. En effet, à partir du plateau de Thiès les eaux de ruissellement contaminées au plomb vont se déverser dans le Lac Tanma tout proche, et dans la nappe phréatique qui ravitaille 13 forages alimentant en eau potable la ville de Dakar et ses environs. Et cela, sans compter la contamination potentielle du bétail et les risques importants de pollution par voie atmosphérique.

En attendant de trouver ces hypothétiques «200 millions de francs CFA », il faut espérer que ce sable contaminé ne sera pas transféré en catimini de Mont Rolland vers une autre localité. Car, après Mont-Rolland, à qui le tour ? En l’absence d’une vraie politique gouvernementale de traitement des déchets industriels et domestiques, cette « affaire Mont-Rolland » risque fort de n’être que la première d’une longue série de scandales écologiques.

Par Hamidou Diop

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