Sénégal : Internet tue le livre à petit feu


Lecture 4 min.
Saliou Diop, bouquiniste
Saliou Diop, bouquiniste

Comme dans la plupart des pays à travers le monde, les gens lisent de moins en moins les livres depuis l’avènement d’Internet. Tout le monde est scotché, à longueur de journée, sur son téléphone portable. Si les élèves et les étudiants sont toujours obligés d’acheter des ouvrages qui sont dans leur programme annuel, certaines personnes préfèrent plutôt lire les œuvres au programme sur Internet, ce qui leur revient d’ailleurs moins cher. Le constat est là : de moins en moins d’adeptes de la lecture sur support en papier au point que le livre papier se meurt petit à petit, au profit de la lecture sur Internet.

D’habitude très bouillonnant et grouillant de monde, le marché Sandaga de Dakar, au Sénégal, affichait le calme plat ce lundi 6 décembre. Tranquillement assis devant sa boutique dans l’attente d’un éventuel client, Saliou Diop, bouquiniste depuis plus de 20 ans, se dit convaincu que les gens lisent de moins en moins au Sénégal. Une situation qui affecte beaucoup ses ventes. Il estime que seuls quelques rares parents se présentent à eux parfois, pour venir chercher des livres pour leurs enfants en quête de savoir. Mais, il a également noté, pour le magnifier, qu’il reste toujours quelques passionnés de lecture qui viennent très souvent leur commander des livres.

« Il faut dire qu’avant l’avènement de l’Internet, les livres se vendaient comme de petits pains. Tout le monde était obligé de lire, pour acquérir le savoir. Il fallait donc forcément passer par les livres. Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. Ce qui fait que notre chiffre d’affaires a véritablement dégringolé, depuis quelques années. Les livres ne se vendent que périodiquement et généralement pendant la période d’ouverture des classes. Durant cette période, beaucoup de parents se précipitent vers nous pour acheter des livres qui sont dans les programmes de leurs enfants. Quand on pose la question de savoir pourquoi les gens lisent de moins en moins, certains te disent que parce qu’ils trouvent tout ce dont ils ont besoin sur le Net. Mais, je pense que le livre est différent de ce qu’on peut trouver sur Internet », estime Saliou Diop.

Librairie-papeterieÉtudiant en L3 en Science et technologie à Dakar, Saïdou Diallo, qui travaille auprès d’un libraire durant ses heures creuses, estime que l’Internet occupe aujourd’hui trop de place dans les activités  des jeunes comme lui. Il avoue également que la lecture des livres est devenue difficile, même pour les étudiants. Les quelque rares livres qu’ils lisent, dit-il, sont très souvent dans leur programme. La plupart du temps, ils sont sur les réseaux sociaux. « Sincèrement, avec la technologie, la vente des livres a véritablement baissé. Je peux même estimer une baisse allant de 40 à 50%. Cela prouve que les gens ne lisent plus au Sénégal, ou du moins ne lisent plus les livres, puisqu’ils sont tout le temps sur internet. Mais, des étudiants comme moi, sont obligés d’acheter des livres, parce que tout simplement, ils sont dans le programme », reconnaît-il.

Professeur en Lettres modernes, Ibrahima Khalil Dieng estime que le ministère de l’Education nationale du Sénégal devrait réfléchir sur une stratégie pour amener les élèves à aimer de nouveau la lecture du livre, malgré le présence d’Internet. Il pointe d’ailleurs que le niveau des élèves baisse d’année en année, pour la simple raison qu’ils ne lisent pas assez. « Je suis professeur de Lettre modernes, mais il faut avouer que les choses vont de mal en pis, car les élèves et étudiants ne font plus d’effort pour lire, ne serait-ce que trois pages dans un livre, chaque jour », regrette-t-il. Il n’y a pas que le livre qui fait l’objet de menace. Le journal en papier serait sur la même voie.

Youssou Dièye, qui œuvre dans le domaine de la Science de l’information, prédit en effet le pire. Il se dit convaincu que même les journaux en papier vont bientôt disparaître, laissant la place aux sites internet. « Les choses vont très vite et l’information est une denrée périssable. Au moment où les sites internet traitent une information en temps réel, les journaux en papier ne reviennent là dessus qu’au lendemain. Ce qui fait que leur existence est menacée, car l’info va très vite de nos jours. Ils pourront quand même résister quelques années, après beaucoup vont mourir de leur belle mort, à cause des sites internet », prévient-il.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News