Alimatou Seck et Alioune Fall ont de quoi être fiers et, avec eux, tout le Sénégal. Les deux écoliers ont été classés deuxième et troisième lors du concours international de dictée organisé par la fondation canadienne Paul Gérin-Lajoie. C’est la cinquième année consécutive que le pays se place bien lors de cette épreuve.
« On nous appelé le samedi soir même à 19 heures, heure du Sénégal, et j’ai pleuré de joie », explique Ndeye Coumba Diakhaté, la mère du petit Alioune Fall. Des larmes de joie, elle avait largement de quoi en avoir. Son fils, actuellement en classe de CM2, est arrivé troisième à la Grande finale internationale de la dictée de la fondation canadienne Paul Gérin-Lajoie (PGL), destiné à promouvoir la langue française. Sa compatriote Alimatou Seck a glané, quant à elle, la deuxième place de ce concours annuel, arrivant ainsi derrière Antony Grice de Toronto (Canada anglophone).
Une sélection très affinée
Pour avoir l’occasion de faire leurs preuves au Canada, Alioune et Alimatou ont dû passer par un véritable parcours du combattant. La sélection était très rigoureuse et se faisait à plusieurs niveaux. « Les écoles primaires du pays envoyaient leurs meilleurs élèves pour qu’ils participent à un concours départemental. De là, les meilleurs participent à la dictée régionale. Les trois meilleurs de chaque région étaient retenus pour se présenter à la dictée nationale, qui a eu lieu à Saint-Louis (Nord-Ouest, ndlr), où la fondation est basée au Sénégal. Et les deux meilleurs au niveau de l’Etat partaient au Canada pour la finale internationale », explique Malick Bâ, coordinateur de la dictée pour le Sénégal.
Les deux écoliers sénégalais ont concouru dans la catégorie « classes d’immersion en français », qui concerne les enfants dont la langue maternelle n’est pas le français. « Le texte de la dictée, le même pour tous les élèves, a été rédigé par un jury de professeurs canadiens », précise Malick Bâ.
« J’ai beaucoup lu et j’ai fait des dictées »
Lorsqu’on demande à Alioune s’il s’attendait à être si bien classé, il répond avec assurance : « Je savais que ça allait aller parce que je me suis très bien préparé : j’ai beaucoup lu et j’ai fait des dictées. Je n’ai pas eu de stress pendant la dictée, mais après oui. Je me demandais si je n’avais pas fait telle ou telle faute », explique l’élève de l’école Mbaye-Mbaye de Mboro (Centre-Ouest). Très timide, Alimatou explique : « J’ai consulté le dictionnaire pour me préparer. Et au Canada, avant la dictée, Alioune m’a fait une dictée et je lui en ai fait une. Je me doutais que je serais bien placée ».
Ils ont eu raison de croire en leurs capacités. Alioune a fait
deux fautes et demi. Sa mère savait qu’il était un très bon élève : « Il a toujours un bon classement et est souvent premier de la classe », précise-t-elle. De là à ce qu’il s’illustre avec brio par-delà les mers… « Même s’il est un excellent élève, on ne s’attendait pas à ça », confie-t-elle avec émotion. Alimatou, élève à Jean-Louis Dieng de la Médina de Dakar, l’a devancé en faisant deux erreurs. « Je pense que Dieu a voulu que je prenne la deuxième place », déclare-t-elle simplement. Le duo s’est ainsi imposé devant 95 enfants, notamment originaires des Etats-Unis ou encore du Canada anglophone.
Alioune grandement fêté à son retour
Alioune et Alimatou ont brillé. Ils ont été récompensés. Et bien même. « Les récipiendaires de la première position ont obtenu chacun une bourse d’études de 2 000 dollars. Les gagnants de la deuxième et troisième positions ont bénéficié respectivement de bourses de 1 000 dollars et 500 dollars. Tous les gagnants recevaient également un trophée d’excellence », peut-on lire sur le site de la fondation PLG. « Je garderai l’argent pour payer mes études », souligne Alioune, qui est convaincu que le prix qu’il vient de recevoir ne sera pas le dernier.
A son retour du Canada, des surprises attendaient Alioune. « Un ancien inspecteur des écoles m’a remis un prix », explique le jeune garçon. Ses parents n’ont pas manqué l’occasion de montrer toute leur satisfaction. « Il est arrivé le vendredi dernier, à 3 heures du matin. Nous lui avons laissé le temps de se reposer et, dimanche, nous lui avons fait une belle fête. Il s’y attendait un peu parce que c’est une tradition chez nous de fêter les bons résultats, mais il a été étonné par la grandeur de la fête », raconte avec un sourire dans la voix, et le cœur plein de fierté pour son fils, Ndèye Coumba.
Les Sénégalais en bonne place depuis 2000
Depuis quelques années, le Sénégal, l’un des seuls pays africains à pouvoir participer au concours, puisque la fondation y est implantée, se place bien. Malick Bâ dresse un bilan : « En 2000, Cheikh Yakhoub Sène a remporté le premier prix. En 2001, Marième Mbaye est arrivée deuxième. En 2002, Nicolas Ayib Akapo était premier et Ngor Paul-Pierre Ndour troisième. En 2003, deux filles, Isseu Fall Sylla et Ndèye Fatou Gueye, ont pris les deuxième et troisième places. Et en 2004, Mamadou Diégane Ngom était premier ». Pour expliquer ces réussites, le coordinateur de la dictée pour le Sénégal souligne que le pays est rigoureux en ce qui concerne la sélection et ajoute que certains pays n’ont pas pu se préparer en raison de problèmes internes. A l’image d’Haïti, où Jean-Bertrand Aristide a quitté la présidence en avril 2004 pour « éviter un bain de sang ».
Alioune et Alimatou ne vont pas se reposer sur leurs lauriers : après avoir prouvé que les pièges de la langue française ne leur faisaient pas peur, ils doivent maintenant préparer le certificat d’études préparatoire, qui conditionnera leur passage en sixième.