Les élèves du lycée Pambal de Thiès, situé à une centaine de kilomètres de Dakar, sont en grève depuis déjà deux semaines. Ce mercredi matin, lors d’une réunion de compte rendu, les potaches ont reconduit leur mouvement d’humeur. Pourquoi les élèves sont-ils en grève ? Pour combien te temps encore ? Qu’en pense le corps enseignant ? Reportage exclusif d’Afrik.com.
A Thiès,
Pambal, un village situé dans la région de Thiès (70 km de Dakar), département de Tivaouane (28 km de Thiès), à plus de 10 km de piste. Afrik. com s’y est rendu, ce mercredi matin, pour faire l’état des lieux. La raison ? Les élèves sont en grève depuis le 2 décembre 2014. Ils réclament un professeur de Science de la Vie et de la Terre, ainsi que de meilleures conditions de travail.
Arrivé à Tivaouane, ce mercredi matin à 08h45, il fallait demander le chemin qui menait au village de Pambal. Une bonne volonté embarque avec nous pour nous mettre sur la piste, longue d’une dizaine de kilomètres. Une route en latérite. A peine trois kilomètres effectués, nous rencontrons des élèves dudit lycée, qui ont décidé de ne pas assister à la réunion, préférant aller aider dans les travaux domestiques. Ils acceptent de rebrousser chemin pour nous conduire à leur établissement. En chemin, ils expliquent leur calvaire.
« Deux semaines que nous n’avons pas fait cours. Chaque matin, on se tape plus de 7 kilomètres de latérite, à l’aller comme au retour. Soit environ 15 kilomètres par jour. Et chaque fois, c’est pour ensuite rebrousser chemin, après avoir inhalé beaucoup de poussière. Vous avez vous-même constaté comment est le chemin qui mène à notre lycée », lance l’un d’entre eux. En effet, c’est avec des pieds rouges de latérite qu’il sont montés, soulagés, dans la voiture. Etant assuré de ne pas effectuer le chemin du retour à pied.
Près d’un quart d’heure de piste, à une vitesse n’excédant pas les 50km/h, compte tenu de l’état du chemin, les potaches pointent du doigt : « Voici notre lycée ». Une présentation qui était inutile, d’autant que les salles de classe étaient visibles à des centaines de mètres, avec les élèves en mouvement. Tout tombe bien, car les professeurs sont là, les élèves aussi.
Mieux, les apprenants tiennent une réunion d’évaluation, deux semaines après le début de leur mouvement. Réunis dans une salle de classe comble, ils prennent la parole à tour de rôle, dans une discipline sans pareil. En effet, aucune voix ne se lève, un ton modéré est utilisé par les élèves dont la sérénité cache mal leur amertume. L’arrivée d’Afrik.com interrompt une minute les débats, le temps de s’assurer du motif de notre présence. Une fois rassurés, ils peuvent poursuivre leur exposé.
Un tour effectué à la salle des professeurs nous permet de rencontrer le Principal du lycée, M. Sylla, qui nous met en rapport avec M. Tène, professeur de Mathématiques et de Sciences physiques. Il nous fait l’économie de ce qu’il sait du mouvement des élèves. « Il se trouve que depuis le début de l’année, le lycée n’a pas de professeur de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT). Celui qui était en poste a été affecté, mais n’a pas jusqu’ici été remplacé ».
A la question de savoir si la tutelle a été informée de la situation, M. Tène de répondre par l’affirmative. « Les autorités ont été saisies depuis le début de l’année, nous avons effectué les démarches nécessaires. En vain. Nous avons tout fait pour empêcher les élèves d’aller en grève. Nos efforts n’ont rien donné », confie-t-il, non sans faire part d’une doléance chère au corps professoral : « Notre établissement est doté de matériel de laboratoire, non encore déballé, donc pas utilisé, faute de salle spécialisée ».
De l’autre côté, les élèves disent ne plus pouvoir supporter, outre le manque de professeur de SVT pour le second cycle, le fait que l’école soit « le pré de tous les animaux du coin. Moutons, bœufs, ânes, et autres animaux défilent à l’intérieur du lycée comme ils le veulent. Pourquoi ? Parce que l’établissement n’a pas de clôture. Ce qui en outre empêche toute initiative de reboiser », dénoncent les élèves en rogne.
« Pire, les serpents entrent et sortent de l’école comme ils veulent, menaçant notre existence. Nous vivons avec le danger. N’importe quel animal peut traverser les buissons et gagner la cour de l’établissement, si cour il y a », précise Mor Awa Diakhaté, membre du Mouvement des Elèves Travailleurs et Ambitieux de Pambal (META), créé le 4 février 2014, et présidé par Woré Dione.
Dans la salle archi-comble où se tient la réunion, il est question, deux semaines après le début de la grève, de faire le point et de décider si oui ou non il faut reprendre les cours. Le vote est sans appel : le OUI pour poursuivre le mouvement de grève l’emporte largement sur le NON. Un nouveau mot d’ordre est lancé : 48 heures renouvelables, à compter de ce jeudi 18 décembre 2014.
Les élèves, qui ont attendu en vain le maire de Pambal, Serigne Cheikh Dione, qui avait promis de prendre part à leur conclave de ce mercredi, se sont donné rendez-vous samedi pour faire le point. C’est sur cette note que l’assemblée a été levée, ce mercredi 17 décembre 2014, à 10h25 GMT. Les potaches pouvaient ainsi rentrer chez eux, et garder leur mal en patience. Les bases d’une année scolaire mouvementée sont déjà jetées. En espérant que les autorités donneront une suite favorable à leur requête.