Sénégal : ces filles qui se prostituent pendant les vacances d’été


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Depuis le mois de juillet dernier, l’école sénégalaise a fermé ses portes. Les collégiennes et lycéennes des autres régions rallient Dakar à la recherche d’un emploi temporaire. Le but ? Revenir au bercail avec une importante somme d’argent avant la rentrée. Mais souvent cette aventure tourne au cauchemar. Pour gagner plus d’argent, elles couchent avec leurs patrons et tombent enceintes. Enquête.

(De notre correspondant)

C’est un secret de polichinelle. En Casamance, une province du sud du Sénégal, surtout dans la région de Ziguinchor, chaque été on note une grande ruée de collégiennes et lycéennes vers les grands centres du pays à la recherche d’un emploi de domestique. Avec l’argent amassé, après un dur labeur, ces vacancières achètent des habits, des fournitures scolaires et divers articles. Mais souvent cette aventure tourne au cauchemar. Pour gagner plus d’argent, elles couchent avec leurs patrons et tombent enceintes.

Salaires de misère

Elles sont nombreuses dans les quartiers nantis de Dakar, qui travaillent pour y gagner des sommes dérisoires à la fin du mois. Fanta Diatta, âgée de 17 ans et Amina Diatta âgée de 19 ans, rencontrées à Fan résidence (un quartier du centre de Dakar) affirment qu’elles gagnent « un salaire de 30 euros par mois. Alors que c’est nous qui nous nous occupons de toutes les tâches de cette grosse maison, entre 8h et 18h ».

Sountou Sané, qui passe la nuit chez son patron sauf les weekends, se plaint également : « je gagne 45 euros par mois et mes parents fondent beaucoup d’espoir sur moi. Je dois forcement faire quelque chose pour mes petits frères restés à Ziguinchor. Donc vous êtes d’accord avec moi pour dire que ces 135 euros, que je vais gagner après trois mois de dur labeur, ne vont pas couvrir toutes mes dépenses », a-t-elle déploré.

Prostitutions déguisées

Pour joindre les deux bouts, certaines jeunes filles sont obligées d’avoir des rapports sexuels avec leurs patrons. Dans le quartier Almadies de Dakar, Sokhna Diaby, âgée de 20 ans et élève en classe de première, sort depuis deux semaines avec son patron qui est policier : « mon employeur doit avoir entre 30 et 35 ans. Je dois gagner 35 euros par mois et ce n’est pas suffisant pour mes besoins. C’est pour cela donc que je lui ai fait du charme pour le plaire. Un jour il m’a proposé de sortir avec lui. Actuellement, il m’accorde beaucoup de privilèges et il m’a proposé de financer ma rentrée scolaire prochaine. En dehors de mon salaire, mon policier va m’acheter des habits et des fournitures scolaires ».

Une autre jeune fille de 18 ans raconte, sans dévoiler son nom, ses trois semaines passées à Dakar. « Je suis à Dakar pour travailler depuis trois semaines, dans le seul but d’aider ma mère. Comme c’était la première fois que je me suis rendue dans la capitale, j’étais fascinée par la ville. Chaque soir, c’est le fils de mon employeur qui me déposait. Du coup, il y a eu de la sympathie entre nous. Pour moi, c’était de la gentillesse que ce dernier nourrissait en vers ma personne, en m’offrant de petits cadeaux et de gâteaux, les samedis soir. Enfin de compte, j’ai cédé à ses avances », nous confie cette lycéenne.

Grossesses précoces

L’écrasante majorité de ces jeunes filles reviennent au bercail avec une grossesse, d’après la Scofi, une structure qui s’occupe des jeunes filles au ministère de l’éducation nationale. Selon des sources académiques concordantes de Ziguinchor, ces coucheries pendant les vacances d’été accroissent le taux d’échec scolaire sur tout le territoire régional. « C’est un constat formel. Des lycéennes et collégiennes qui vont passer leurs vacances à Dakar, nous reviennent souvent avec des grossesses. Et, dans cette situation, une fois de retour, bon nombre d’entre elles suspendent leurs études, en attendant d’accoucher pour pouvoir reprendre le chemin de l’école. D’autres par contre abandonnent tout bonnement leurs études », nous informe cet enseignant muté à l’inspection académique de Ziguinchor. Et au pédagogue d’interpeler les parents d’élèves. « Il faut que les parents d’élèves trouvent une solution pouvant mettre un terme à ce phénomène qui prend de l’ampleur dans la région », exhorte-t-il.

Une jeune mère tire la sonnette d’alarme

M.D, une jeune mère, s’est confessée. « Je ne conseillerai jamais à mes sœurs de faire cette aventure. C’est un chemin parsemé de pièges. Soit on est malmenée comme une esclave dans la famille d’accueil, soit on est exploitée sexuellement par le fils ou bien le patron », explique-t-elle, celle qui n’arrive toujours pas à digérer d’être tombée enceinte pendant les vacances de l’été 2010.

Les parents accablés

Cette mère de famille nous fait part de ses regrets de savoir que sa fille en classe de seconde est tombée enceinte l’année dernière à l’issue de ses vacances estivales passées à Dakar. Mariama Sané explique son amertume : « Je ne sais pas comment je vais expliquer cela. Ma fille m’a trahie. Je comptais beaucoup sur elle, car elle est ma seule fille parmi les cinq, qui a accepté d’étudier. Et par conséquent, je misais beaucoup sur elle. J’avais un mauvais pressentiment, je ne voulais pas la libérer pour aller passer ses vacances à Dakar et être employée comme une bonne. Mais, devant son insistance, j’ai fini par accepter. Et, voila, qu’elle me revient avec une grossesse ». A la question de savoir si sa fille continue d’étudier, cette mère de famille, abattue et dépassée, répond : « elle est restée un an sans étudier. Je n’ai pas le temps de garder son nourrisson. Car, j’exerce mon petit commerce pour la nourrir avec ses sœurs ». Et de préciser que c’est un coup dur pour elle.

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