Suite à la fusillade de la semaine dernière devant la mairie de Sicap-Mermoz, le maire de la commune a été déféré au parquet mercredi et inculpé d’homicide volontaire, coups et blessures volontaires et port d’arme sans autorisation. Plusieurs jeunes ont manifesté dans les rues de Dakar pour réclamer sa libération.
L’enquête serait bouclée. L’affaire, elle, est loin de connaître son épilogue. Placé en garde-à-vue depuis samedi suite à l’attaque jeudi 22 décembre à Dakar de la mairie de Sicap-Mermoz qui s’est soldée par la mort par balle d’un des assaillants, le jeune édile socialiste de la commune d’arrondissement, Barthélemy Dias, a été présenté au procureur de la République mercredi et mis en examen pour « homicide volontaire, coups et blessures volontaires et port d’arme sans autorisation ».
Arrivé dans la matinée à bord d’un véhicule 4×4 noir au Palais de Justice de Dakar, où un impressionnant dispositif sécuritaire avait été déployé, le bouillant leader des jeunes socialistes a salué ses partisans. Placé sous mandat de dépôt, il est désormais maintenu en détention provisoire à la prison de Reubeuss et risque très gros. Son camarade Malick Noël Seck avait été condamné récemment à deux ans de prison ferme pour menaces de mort après avoir envoyé une lettre au Conseil constitutionnel. De multiples jeunes sont descendus dans les rues de Dakar pour réclamer la libération du maire de Mermoz. Des protestataires ont incendié un bus de la société de transport Dakar Dem Diik, devant le siège du Parti socialiste, selon la radio RFM. Un d’entre eux a été grièvement blessé au cours de l’intervention des forces de l’ordre.
« Cette affaire est à 80% politique »
Trois personnes restent toujours placées en garde-à-vue au commissariat central de Dakar. Il s’agit d’Habib Dieng, le garde du corps de Barthélemy Dias, et de deux des commanditaires présumés de l’attaque : Cheikh Siby, un proche de Farba Senghor, le chargé de propagande du PDS, et de Seydina Oumar Mangane. Également cité dans l’affaire et activement recherché par la police, Baye Moussé dit « Bro », un des garde du corps du président de la République, s’est lui volatilisé. Serigne Mbacké Ndiaye, porte-parole de la Présidence, est monté au front pour assurer que « le président ne protègera personne ».
Les avocats de Barthélemy Dias plaident la légitime défense, dénoncent un « complot » et réclament la libération immédiate et sans condition de leur client. « Cette affaire est à 80% politique », a ainsi jugé maître Khaly Niang, l’un des défenseurs du socialiste lors d’une conférence de presse tenue à la chambre de commerce. « Ce qui est à l’ordre du jour dans cette affaire, c’est comment ce complot a été organisé aux yeux des Sénégalais. Des témoins oculaires ont vu des gens qui se sont préparés dans un siège de parti avec de l’essence pour venir attaquer une institution de l’Etat », poursuit-il. « Cinq pick-up remplis de nervis du pouvoir ont attaqué la mairie du quartier de Sicap-Mermoz », rappelle Aïssata Tall Sall, porte-parole du parti socialiste. Au même moment à l’extérieur, des affrontements ont opposé des jeunes militants de différents partis de l’opposition aux forces de l’ordre.
« Bienvenue au Far West »
Jeudi, des « nervis » comme on les appelle ici, de jeunes lutteurs désoeuvrés recrutés par des proches du pouvoir pour intimider les opposants, ont fait irruption dans les locaux de la mairie de Sicap-Mermoz-Sacré Coeur. Il s’en est suivi une fusillade au cours de laquelle l’un des assaillants, Ndiaga Diouf, a été tué. Face à la menace, le maire socialiste est descendu dans la rue, un revolver dans chaque main avant de tirer plusieurs coups de feu. « Comme ils sont venus pour se battre, on ne pouvait pas les laisser repartir sans avoir le plaisir d’avoir gagné leur argent. Ce ne sont évidemment pas des jeunes du PDS, le PDS n’a plus de jeunes, ce sont des nervis », expliquait Barthélemy Dias à la presse juste après les faits. « Je reconnais avoir ouvert le feu et pense avoir touché trois personnes. J’espère qu’elles ne sont que blessées. » Réputé pour être une « grande gueule », il avait ajouté : « Abdoulaye Wade avait dit ‘œil pour œil, dent pour dent’, je lui souhaite la bienvenue au Far West ! »
Cette attaque, la dernière d’une longue série démarrée avec l’agression à coups de marteaux de l’opposant Talla Sylla en 2003, laisse présager le pire à l’approche des élections présidentielles du 26 février 2012. Depuis une décennie, les violences politiques se sont multipliées au Sénégal dans la plus totale impunité.