Amadou Diokhané – Ils sont nombreux les Sénégalais à effectuer un retour au bercail pour participer au développement de leur pays. Un phénomène auquel AFRIK.COM s’est intéressé. Ce dernier portrait du dossier est consacré à l’incroyable Amadou Diokhane. Rentré des Etats-Unis pour contribuer au développement du Sénégal, l’entrepreneur sénégalais Amadou Diokhane, 44 ans, a pour but d’électrifier tout le pays à travers une technologie sophistiquée. Il a aussi l’ambition de propager dans toute la sous-région et de former plusieurs centaines de jeunes ingénieurs africains pour mener à bien son projet. L’ingénieur de formation oeuvre aussi dans le traitement des eaux du pays. Sans compter qu’il se donne corps et âme pour booster l’agriculture sénégalaise.
Il a côtoyé les grands de ce monde tels que Bill Clinton, mais reste d’une modestie déconcertante. « Je ne cherche pas à m’enrichir mais à laisser un héritage utile à mes concitoyens ». Telle est la devise d’Amadou Diokhane qui ne ferme quasiment jamais l’oeil de la nuit. «Pas de temps à perdre, tout est à faire au Sénégal. On a beaucoup de travail », aime-t-il dire. Le regard déterminé. Les pas vifs. Dans les Forums pour le développement du continent, il ne passe jamais inaperçu, tant son franc-parler déroute : «Les ingénieurs du Sénégal et tous les intellectuels ont une responsabilité dans le développement du pays! On ne peut pas tout attendre de l’Etat», avait-il lancé au Forum Africa Power à Dakar, sous les applaudissement du public. Il n’est en effet pas revenu au Sénégal les mains vides. L’entrepreneur sénégalais, ingénieur de formation, a une multitude de projets pour développer le Sénégal. Il les a tous soigneusement ficelés aux Etats-Unis où il s’est formé et a vécu plusieurs décennies avant de se décider à déposer ses valises dans son pays.
«J’ai servi au Liberia pendant le conflit»
Avant de tenter sa chance aux Etats-Unis, son vécu au Sénégal et dans d’autres pays du continent lui a été d’une grande utilité. Né en Côte d’Ivoire, c’est à l’âge de 17 ans qu’il intègre l’armée sénégalaise, où il sert pendant deux ans. Il décroche son bac scientifique en spécialisation physique et maths. A 21 ans à peine, il intègre les premières troupes sénégalaises déployées au Liberia où le conflit fait rage. «Mais à mon retour du Liberia, je me suis rendu compte que tout ce que je savais faire c’était utiliser les armes». Il effectue alors le concours pour intégrer l’école de l’Air de Toulouse. Mais la bourse qui devait lui être attribuée est finalement donné… au fils d’un général à la retraite!
Il n’abandonne pas. Et sa mère l’encourage à poursuivre ses efforts pour atteindre ses objectifs. Il effectue alors un concours pour être infirmier d’Etat au niveau national. Il réussit à être parmi les 60 élèves sélectionnés sur 500 chaque année. Il est affecté en Casamance en tant que chef de projet chargé de l’accouchement. « Ce poste m’a permis de comprendre beaucoup de choses dans mon pays, notamment les difficultés qu’ils rencontrait face au manque de moyens. Il m’est arrivé de faire des accouchements à mains nues sans gants, ni moyens élémentaires », se remémore-t-il.
De l’armée aux technologies
Lassé par toutes ces années de besogne intense dans l’armée, il se rend compte qu’il n’a plus rien à apprendre dans cet univers et décide de tenter sa chance aux Etats-Unis. Uns fois ses valises déposées, il travaille nuit et jour dans les restaurants, les pharmacies, pour payer en partie ses études d’ingénierie en nanotechnologie. « Je me suis dès le début intéressé aux technologies et énergies dans le but de mettre mes connaissances au service de mon pays. Je me suis même spécialisé dans l’électronique et la mécanique». Son cursus terminé, il enseigne aux vétérans américains qui revenaient de guerre ses connaissances pour qu’ils aient de nouveaux atouts. Mais l’ingénieur prend conscience que sa formation n’est pas complète pour mener à bien ses objectifs. Il décide alors d’étudier la finance pour «comprendre comment fonctionne l’argent, d’ou il vient, comment il circule, comment y accéder pour financer des projets de développement. Je me suis rendu compte que ce n’était pas le diable et que quand les investisseurs comprennent qu’il y a un potentiel, ils n’hésitent pas à foncer », assure-t-il.
Naissance du projet « Bring energy to Africa »
Une fois sa formation en finance en poche, il ficelle alors son fameux projet : Bring energy to Africa. C’est avec ce projet qu’il décide de rentrer pour de bon au Sénégal afin de contribuer au développement. L’objectif : lancer un programme de sécurité énergétique à l’aide d’une technologie fiable, peu coûteuse, pour apporter de l’électricité à tout le Sénégal jusqu’aux villages les plus reculés. Il compte avec ce projet mettre un terme aux délestages dans le pays. Selon lui, « avec la technologie du Scada, on peut savoir le nombre de mégawatt dont le pays a besoin chaque jour. Aujourd’hui la Sénélec, société fournissant l’énergie dans tout le pays, n’a pas les moyens de le savoir. D’autant que les lignes de hautes tensions sénégalaises sont obsolètes, elles ne répondent plus aux attentes de l’accroissement démographique non maîtrisé par la Sénelec, elle n’a aucun moyen de controler tout cela», déplore l’entrepreneur. Or toutes les compagnies « d’électricité doivent opérer en fonction des besoins de la population », constate Amadou Diokhane.
«Le Sénégal peut être complètement indépendant des énergies fossiles»
L’autre problème, selon lui, « c’est qu’on dépend trop de l’énergie fossile alors qu’on a du soleil. Aujourd’hui le Sénégal peut être complètement indépendant des énergies fossiles ». Pour remédier aux difficultés actuelles, l’entrepreneur propose donc de lancer un projet de réseau intelligent qui passe par plusieurs étapes grâce à la technologie du networking, qui permet de mettre en oeuvre un réseau électrique pour éclairer plusieurs zones à une large échelle. Par exemple, « avec 71 000 poteaux dans la région de Dakar on peut injecter 20 000 megawatt chaque jour. C’est du netwroking qui peut aussi permettre à plusieurs foyers d’accéder à internet, et pourra notamment bénéficier aux jeunes, gratuitement ». Selon lui, « cette technologie va répondre à un petit essor social et économique. Chaque jeune de chaque famille aura accès au web, ça peut changer beaucoup de choses. Nos connaissances en outil informatique peuvent être un véritable support économique et social ».
Le projet Bring energy to Africa prévoit aussi de permettre à chaque maison d’avoir un système solaire peut coûteux, payé sur cinq ans, qui donnera plus d’indépendance énergétique aux gens. Avec un tel projet, Amadou Diokhane a prévu de créer 2 500 emplois, dont des ingénieurs.
« 2500 jeunes formés comme il faut pour attaquer toute l’Afrique« . « Le plus petit ouvrier aura un salaire mensuel de 300 000 Fcfa« . L’entrepreneur a en effet pour ambition de déployer les idées de son projet dans toute l’Afrique. Il tient à préciser qu’il ne compte prendre que 27% des bénéfices financiers de son entreprise. Toujours dans la volonté de laisser derrière lui un héritage utile à ses concitoyens. « J’ai vu des gens rester dans leurs bureaux rester jusqu’à 22h 23 h car chez eux, il n’y a pas d’électricité. Comment pouvez venir dans votre intimité et galérer. Il faut que les choses changent», clame-il sans cesse. Il reste convaincu que l’énergie solaire peut résoudre beaucoup de choses au Sénégal. L’Avantage c’est que le paysan comme le citadin, pourra être connecté à l’internet. On pourra aussi bloquer l’exode rural.
Des bâtons dans les roues
Mettre en oeuvre un projet aussi ambitieux, bien que l’Etat sénégalais ait assuré être intéressé, ne sera pas une mince affaire. L’entrepreneur le sait. Il se heurte aux lobbyistes des compagnies d’énergie et de télécommunications qui voient d’un mauvais oeil ce projet qui réduirait leur part de marché. «Malheureusement il n’y pas de volonté politique. Il y a un groupe de pression puissant de personnes liées au pétrole qui sont bien placées, puissantes, et ne veulent pas que ça change », fustige-t-il.« Ils ne veulent pas que des gens comme moi apportent une nouvelle technologie qui peut changer les choses et améliorer les conditions de vie des populations». Si selon lui, un pays comme l’Allemagne, qui avec un ensoleillement de 4 h par jour, a vraiment une sécurité énergétique, en «utilisant» l’énergie renouvelable, a réussi, donc « on peut y arriver. Mais il n’y a pas suffisamment de motivation dans notre pays alors qu’on a du soleil toute l’année pour que toutes les maisons soient climatisées ».
L’agriculture, une autre passion
Amadou Diokhane n’est pas seulement un ingénieur dans le domaine de l’énergie. Il a plusieurs cordes à son arc et veut aussi mettre en place une unité de traitement des eaux usées au Sénégal. Des entreprises en effet déversent leurs eaux usées dans des zones comme le village d’Anne Maryse. Il veut y remédier et est partenaire avec la société espagnole de traitement des eaux Novedadesa agricolas. « Les gens construisent n’importe comment, font leurs fondations n’importe où, d’où les problèmes parfois d’assainissement et d’évacuation. Alors l’eau qui coule trouve toujours son chemin », rappelle-t-il, précisant « qu’il est pourtant facile d’installer une unité pour traiter ces eaux et les réutiliser pour arroser les espaces verts et gazons partout dans le pays.»
Celui, qui n’hésite pas à dormir dans une case dans sa demeure à Anne Maryse, est aussi très porté sur l’agriculture. Il veut aussi mettre en oeuvre des projets pour aider les villageois à avoir des revenus valables. « Au lieu de laisser les villageois dans ce désarroi car ils n’ont pas les moyens d’acheter une pompe à eau, on peut leur installer un système clé en main pour stabiliser leurs revenus.»
Tels sont les nombreux projets d’Amadou Diokhane pour développer le Sénégal. Celui qui fourmille d’idées pour le développement de son pays veut consacrer sa vie à apporter sa pierre à l’édifice pour changer la donne. Sa philosophie est simple : « Quand vous arrivez à un certain niveau, vous devez opter pour l’héritage et non la fortune. Dans l’objectif de contribuer à améliorer la vie des autres. Les jeunes africains doivent avoir ce projet en tête, pour qu’on se rappelle d’eux en bien ».