Sembène Ousmane combat l’excision


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Collé et l'exciseuse

Le réalisateur sénégalais Sembène Ousmane, l’un des doyens du cinéma africain, est sur la croisette. Son dernier film, Mooladé, est présenté au festival de Cannes (12-23 mai), dans la section Un Certain Regard, en sélection officielle, le 15 mai. Sembène Ousmane y aborde le thème de l’excision.

Par Valérie Ganne

Cannes, correspondance particulière

« Aujourd’hui encore, l’excision est pratiquée dans 38 des 54 états membres de l’Union Africaine… Quelle que soit la méthode employée, classique ou moderne, exciser est une atteinte à la dignité et à l’intégrité de la femme. Je dédie Moolaadé aux mères, femmes, qui luttent pour abolir cet héritage d’une époque révolue. » Ainsi parle le réalisateur Sembène Ousmane, qui signe même dans le dossier de presse du film « l’aîné des anciens », montrant ainsi qu’il ne prend pas seulement position en tant que cinéaste (un des plus respectés au Sénagal) ou comme romancier (reconnu internationalement) mais également comme homme dont l’expérience lui confère autorité.

Une prise de position officielle, un film montré au Festival de Cannes, voilà une publicité opportune pour un combat quotidien en Afrique, de ceux qui peuvent mettre en ébullition toute une communauté. Ainsi, le huitième long-métrage de Sembene se situe dans un petit village du Burkina Faso. Une femme, Collé, mère excisée, après avoir soustrait son unique fille de la Purification (l’excision), recueille sept ans plus tard quatre fillettes échappée de la cérémonie et lui demandant le droit d’asile. Le village se partage alors entre les tenants de deux valeurs : la Salinde (antique tradition de l’excision) et le Moolaadé (tout autant antique tradition du droit d’asile).

Héroïne du quotidien

Evitant tout manichéisme, creusant avec intelligence les rapports de pouvoir dans le village, le réalisateur sénégalais sait vite nous convaincre que tout n’est pas si simple : il s’agit là d’une remise en cause de la place de la femme dans la société africaine, et ce n’est pas un hasard si l’une des premières réponses des hommes du village est de confisquer toutes les radios aux femmes, et de les empiler devant la mosquée pour un autodafé moderne.

Mais la force de Collé, nourrie par l’adhésion lente d’autres femmes, est son entêtement : flanchera-t-elle quand sa propre fille ne la comprend pas, lorsque tout le monde défile pour la convaincre de renoncer, ou enfin quand son mari la bat jusqu’au sang en public ? Second volet d’un tryptique dont le premier, Faat-Kiné suivait une mère célibataire en ville, Moolaadé trace une nouvelle fois le portrait exemplaire d’une « héroïne du quotidien » dont le courage finit par emporter l’adhésion de tous et changer le destin du village dans son entier…

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