Face à Tshisekedi qui veut se maintenir au pouvoir, Kabila et Katumbi appellent à un large front : Joseph Kabila et Moïse Katumbi se sont rencontrés à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. C’est ce qu’indique un communiqué conjoint diffusé ce jeudi 26 décembre dans lequel l’ex-président de la République démocratique du Congo et l’ex-gouverneur du Katanga appellent à faire échec à Félix Tshisekedi qui veut rester au pouvoir au-delà du terme de 2028 prévu par la Constitution.
Selon un communiqué adressé ce jeudi 26 décembre aux grandes agences de presse internationales (Reuters, AFP, AP, Belga…), la rencontre entre Joseph Kabila et Moïse Katumbi a eu lieu à Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie et siège de l’Union africaine – un symbole qui n’aura échappé à personne – « quelques jours avant Noël », précisent différentes sources. « L’échange a eu lieu en tête à tête sans personne d’autre dans la pièce et a duré plus de 2 heures », ajoutent-elles.
Celle-ci intervient deux semaines après le rendez-vous de Genval entre Moïse Katumbi et Martin Fayulu , une autre figure de l’opposition en RDC. Les trois poids lourds de la politique congolaise sont donc aujourd’hui alignés, face au pouvoir en place, pour sauver la légalité constitutionnelle.
Dans leur communiqué commun, MM. Kabila et Katumbi dressent un tableau très sombre de la situation en République démocratique du Congo tant au niveau politique, économique et social, que sécuritaire. Or celui-ci pourrait s’assombrir davantage dans les jours à venir alors que le M23 et l’AFC, soutenus par le Rwanda, fondent sur Butembo, la deuxième plus grande ville du Nord-Kivu. Ces derniers jours, les rebelles progressent d’une dizaine de kilomètres chaque jour, menaçant de faire s’effondrer les lignes de défense des FARDC, l’armée régulière.
« Personne n’est propriétaire mais locataire du pouvoir et le bail est à durée déterminé »
L’ex-chef de l’Etat congolais, qui s’était lui-même retiré avec les honneurs en faisant droit à une vraie alternance démocratique, et l’ancien gouverneur du Katanga dont la gestion avait été unanimement saluée, s’opposent « fermement (…) à toute réforme constitutionnelle » qu’ils jugent « dans les circonstances actuelles (…) illégale et inopportune et dont le but ultime » serait « la consolidation de la dictature à travers une Présidence à vie ». « Personne n’est propriétaire mais locataire du pouvoir, le bail démocratique étant à durée déterminée dans les conditions prévues par la Constitution », taclent-ils. De fait un changement de Constitution avant les prochaines élections apparaît comme une manipulation politique à seule fin d’empêcher l’alternance démocratique qui se profile.
Dans la foulée, MM. Kabila et Katumbi lancent « un appel à toutes les forces politiques et sociales qui inscrivent leur action dans la lutte contre la dictature et pour le bien-être du peuple congolais à les rejoindre » . Ils assurent par ailleurs « poursuivre les contacts entrepris dans les jours qui viennent, et ce sans exclusive, afin de parvenir à une large mobilisation autour de ce combat contre la dictature et pour la démocratie. »
Cet appel à la mobilisation en RDC se double d’une prise à témoin de la communauté internationale – qui s’est « jusque-là accommodée des dérives du régime en place », selon MM. Kabila et Katumbi – « à sortir de son inaction ».
« Le moment pour le faire est plutôt bien choisi », explique un professeur en relations internationales de l’Université catholique de Louvain. « Le régime de Félix Tshisekedi est très affaibli à l’intérieur par la guerre à l’est. A l’extérieur, de nouveaux dirigeants arrivent au pouvoir, en particulier aux Etats-Unis et en Belgique, ce qui pourrait entraîner une inflexion par rapport à la ligne diplomatique adoptée vis-à-vis de Kinshasa », poursuit l’universitaire.
Timing favorable à l’international
« Joe Biden a été jugé complaisant face à Félix Tshisekedi et sa stratégie n’a pas forcément était payante pour les Etats-Unis, notamment sur le plan minier. Quant à la Belgique, avec la probable nomination dans quelques jours du Flamand Bart De Wever au poste de premier ministre, les choses risquent d’être bien différentes. Lui et son parti (le N-VA, NDLR) ont une conception très protestante de la gestion des fonds publics […] ». Selon lui, Bruxelles « ne fermera plus les yeux sur les détournements de l’aide belge et européenne (en RDC), pas plus que sur la corruption qui se traduit notamment ici en Belgique par des achats en cascade de biens immobiliers de la part des caciques du pouvoir ».
Pour Félix Tshisekedi, qui a réitéré mordicus il y a deux jours à Kananga sa volonté de changer la Constitution, l’année 2025 ne sera vraisemblablement pas de tout repos. Elle pourrait même être celle de tous les périls.