Tête d’affiche du 7ème Festival Panafricain de Musique (FESPAM, Brazzaville 3-7 août 2009), Sefyu reste lucide sur la carrière d’artiste rap. S’il s’est hissé au sommet du hip-hop français, l’enfant d’Aulnay-Sous-Bois conseille à tous ses « petits frères », de préparer un avenir ailleurs que dans la musique qui, selon lui, doit avant tout rester une passion.
De notre partenaire Fespam.info
Premier voyage au Congo pour Sefyu, qui vivait déjà Brazza à travers les traditions et les souvenirs de ses amis de cité, et mangeait le saka-saka à la mode d’Aulnay-Sous-Bois. Tête d’affiche du 7ème Festival panafricain de musique (FESPAM), le rappeur, élu Révélation du Public aux Victoires de la Musique 2009 en France, avec l’album Suis-je le gardien de mon petit frère, a été agréablement surpris de constater qu’il n’était pas en terre inconnue. Passée la barrière humaine d’un staff débordé par les sollicitations des médias et de ses fans, c’est un Sefyu décontracté qui a donné à voir ce qu’il cache le plus: son regard.
Quelles ont été vos premières impressions en arrivant à Brazzaville ?
Sefyu : C’est d’être tombé dans un contexte assez naturel, assez brut. C’est peut-être dû à la reconstruction en cours dans le pays, suite au conflit qu’il y a eu ces dernières années. J’ai le sentiment de tomber dans un pays où il y a énormément de choses à faire et refaire. J’ai surtout pu m’apercevoir qu’il y avait un engouement au niveau des jeunes. Ils sont très motivés, disposés et pleins d’énergie.
Vous avez pris des bains de foule dans les rues de Brazzaville, les jeunes entonnent tous vos refrains. Vous attendiez-vous à une telle notoriété?
Sefyu : Honnêtement, pas du tout. Je ne m’y attendais pas, parce que c’est la première fois que je viens dans ce pays. En plus, quand on fait de la musique, on ne se dit pas que ce qu’on fait traversera des frontières et ira dans des pays, vers des horizons aussi lointains. Moi, ma musique, mon inspiration, partent d’un contexte bien particulier influencé par l’environnement dans lequel j’ai grandi (en banlieue parisienne, ndlr). J’écris et je rentre en studio. Mais je n’imaginais pas que les morceaux prendraient une telle ampleur et donc je ne m’attendais pas vraiment à ce genre d’accueil. Franchement je suis satisfait, et vraiment très heureux de voir l’engouement qu’il y a ici, l’effervescence qu’il y a chez les jeunes.
Cette expérience humaine va-t-elle influencer vos prochains albums ?
Sefyu : Chaque voyage est une source d’inspiration. Chaque fois que j’arrive dans un pays, j’ai une émotion particulière, un sentiment, des sensations qui me viennent… Après ça ressort tout seul. Parfois, on écrit des choses qu’on auxquelles on ne pensait pas deux ou trois secondes avant et c’est au moment d’écrire qu’on a l’inspiration pour le dire. En tous cas, cela se reflètera forcément dans mes prochains albums, dans mes prochains textes. Ici il y a des ondes positives, avec beaucoup d’optimisme.
Vous faites partie de la diaspora. Pensez-vous que vous avez un rôle particulier à jouer pour contribuer au développement de l’Afrique ?
Sefyu : Je me dis qu’il y a énormément de choses à faire en Afrique. Et c’est à nous de le faire. Je suis originaire du Sénégal et de nationalité française, mais je me sens africain avant tout, comme un citoyen africain, pas avant ceux qui sont nés ici, mais je les accompagne dans leurs faits et gestes, dans leur façon de faire. Et je me dis pourquoi pas revenir au Congo faire des choses, participer à des ateliers d’écriture ? Il ne s’agit pas seulement de venir faire des concerts et prendre des photos. Pourquoi pas venir rencontrer ces jeunes, là où ils sont, pour partager notre passion ? Ce serait une belle expérience !
Avant vos activités artistiques, qui vous ont amené à beaucoup voyager, notamment en Afrique, aviez-vous un lien fort avec le continent ?
Sefyu : C’est vrai qu’avant d’en arriver à la musique, je n’y allais pas souvent. C’était vraiment occasionnel. La musique m’a rapproché un peu plus de l’Afrique. D’ailleurs pour moi c’est la destination la plus importante, comparée à tous les voyages que j’ai pu faire à travers le monde. J’ai toujours dit que j’irais en Afrique avant d’aller aux Etats-Unis, et je l’ai fait. Je n’ai d’ailleurs jamais été aux Etats-Unis, ce n’est pas un pays qui me motive vraiment. J’irai pour voir, juste par curiosité. C’est en Afrique que tout a démarré, le continent à partir duquel toutes les richesses ont été réparties dans le monde. C’est ce continent qui a fait la richesse des autres.
Quels conseils donneriez-vous à vos petits frères qui veulent se lancer dans le Rap ?
Sefyu : Je voudrais d’abord dire que le Rap n’est pas un métier. Il est aujourd’hui très difficile d’en vivre. On ne peut pas en faire une ambition. Le Rap est une passion qui se cultive dans l’envie, la dynamique, l’inspiration, C’est un métier dans lequel il n’y a pas de CDI (Contrat à durée indéterminée, ndlr), ni même de contrat à durée déterminée. Parce que le Rap, ça peut durer une journée ou le temps d’un morceau. Il faut, avant tout, être passionné pour faire quelque chose, et c’est là qu’on le fait le mieux. Un jeune de 16 ans doit avoir des perspectives à côté du Rap, qui doit rester une passion, je dirais une échappatoire. Il doit pouvoir se construire à travers un métier qui va lui donner des perspectives à long terme, comme fonder une famille, faire des enfants. C’est cela le plus important. Et si le Rap doit devenir par la suite un métier, cela le deviendra par la force de la passion.
On connaît votre style. Quelles ont été vos influences ?
Sefyu : Les groupes américains qui m’ont influencé sont du paysage underground, que la génération plus jeune ne connaît pas trop. Naughty By Nature, Lord of Underground, Mob Deep, mais surtout Das EFX, parce qu’avant, j’avais un style, un flow rapide, électrique, je rappais assez vite. Mob Deep aussi. En France, ce sont des générations comme celle de NTM, celle de Solaar, qui m’ont donné envie de rapper.
Entre NTM et Solaar il y a quand même un écart !
Sefyu : Il y a un écart, mais c’est complémentaire. NTM : c’est une dynamique, une fougue, un sentiment de révolte. Solaar : c’est le paisible, la plume, l’écrit. Moi, je suis un peu fait de tout cela. C’est à dire que j’ai une virulence dans mes textes, mais j’essaie toujours de l’accompagner d’une part de plume, d’une écriture assez particulière pour adoucir les mœurs. C’est en cela que, pour moi, Solaar et NTM affichent une belle complémentarité et ils m’ont vraiment influencé.
Vous faites désormais partie du fleuron du Rap français. Quelle serait, pour vous, la consécration artistique ?
Sefyu : Le Disque d’Or a déjà été obtenu. Les Victoires de la Musique aussi. Mais ce n’est pas une fin en soi non plus. Le plus difficile n’est pas de commencer, mais de perdurer, de continuer à faire partie du paysage musical français. Mes perspectives sont de m’élargir, de faire connaître ma musique à travers le monde, de démontrer que je fais quelque chose de travaillé, de réfléchi. Ma prochaine échéance est de sortir un album à l’échelle européenne. C’est un vrai objectif pour moi que de toucher tous les autres pays où j’ai joué: Allemagne, Italie, Espagne, Suisse, Belgique, Russie… J’ai vu des personnes réagir dans ces pays. Pourquoi ne pas pousser le bouchon plus loin et faire une sortie à l’échelle européenne, comme le font les Américains lorsqu’ils sortent leurs albums dans tous les comtés aux Etats-Unis. Pourquoi ne pas sortir des albums dans toute l’Europe pour s’y faire connaître ? Ce serait même un contrepoids par rapport à la forte concurrence qu’il y a avec les Etats-Unis. Ce serait une première pour un artiste en France.