Devant la recrudescence des agressions près des établissements scolaires, des associations de parents d’élèves décident de prendre les choses en main. Face à la lenteur de la réaction des services de l’Etat, ils mettent en place leur propre service de sécurité.
Kenza, 13 ans, a peur d’aller à l’école. Après avoir été agressée et dépouillée de son cartable et GSM, elle refuse de se rendre ou de revenir seule du collège. Pourtant, l’école est en principe un lieu où l’on devrait se sentir en sécurité. Seulement, ces dernières années, les établissements scolaires sont la proie de délinquants. Les faits divers et les histoires que se racontent les familles sont légion. Régulièrement, des articles de presse paraissent sur le sujet. Le phénomène est en tout cas sérieux et préoccupent personnel pédagogique, psychologues et parents.
Pour la majorité, ces délits s’expliquent par la détérioration de la situation économique et sociale, l’oisiveté des jeunes et la hausse du crime organisé. Autant d’éléments qui exposent les écoles à de graves problèmes. De fait, aucun établissement, qu’il soit situé en quartier populaire ou dans des zones plus huppées, n’est épargné. Si le fléau est encore plus flagrant dans les grandes villes, les petites agglomérations ne sont pas à l’abri.
Recrudescence des agressions près des établissements
C’est en tout cas l’avis de Mohammed Qnouch, président de la Fédération nationale des associations de parents et tuteurs d’élèves du Maroc (FNAPTE). «L’insécurité qui règne autour des écoles est un véritable scandale», déclare-t-il indigné. Hormis l’insécurité routière, les élèves et les enseignants sont régulièrement exposés à des manifestations de violence: vols, agressions à l’arme blanche, racket, vente de drogue et harcèlement sexuel…
Etudiante dans un établissement de la mission française, Yasmine raconte: «J’étais assise attendant mes parents. Un jeune s’est approché de moi, s’est accroupi et m’a montré un couteau. Je lui ai donné mon Ipod et il est parti. Cela s’est passé en quelques minutes. Personne n’a rien vu». La scène se répète à l’infini devant nombre d’écoles, collèges et lycées de la ville. Situation qui a poussé des associations de parents d’élèves à s’organiser. Car, malgré les nombreuses plaintes déposées auprès des autorités judiciaires, aucune mesure n’a vraiment été adoptée. La police serait en manque d’effectifs et ne peut, par conséquent, mobiliser devant chaque école des agents.
Des associations de parents d’élèves embauchent des agents de sécurité
Face à cela, l’Association pour le respect et la protection des usagers du lycée Lyautey (Arpull) a mis en place un système de sécurité qu’elle gère elle-même. Ainsi, des vigiles veillent en permanence aux alentours du lycée, dissuadant les délinquants et rassurant les élèves. La plupart des familles approuvent l’initiative et participent à hauteur de 130 DH/an par enfant. A noter que la démarche bénéficie du soutien des autorités qui voient en cela une amélioration de la liaison entre la police et l’école et une complémentarité dans la lutte contre la criminalité.
Mais, selon Denis Germain, président de l’Arpull, «il ne s’agit pas d’isoler l’école, de l’entourer d’une clôture de protection, mais de l’intégrer dans son environnement». Depuis l’instauration de ce service, les chiffres de la délinquance ont baissé aux alentours de l’établissement. A noter que l’association mène par ailleurs des actions de sensibilisation pour inciter les élèves à ne pas exhiber des objets de valeur.
Self-défense et représailles
La Fédération nationale des associations des parents d’élèves a interpellé les responsables pour assurer la sécurité des enfants dans l’entourage de l’école. Malgré la décision du ministère de l’Education nationale de l’externalisation des services de sécurité, les dispositifs tardent à se mettre en place. Pour certains établissements comme le lycée El Ouaha, les autorités ont attribué des agents en charge de surveiller l’entrée de l’école, d’intervenir en cas de soupçon pour fouiller les sacs des élèves afin qu’ils n’introduisent pas d’objets ou de substances dangereux dans l’école. Certaines associations de parents d’élèves ont mis en place, de leur propre initiative, un système de sécurité. C’est le cas du collège de jeunes filles Khenata Ben Bakar à Casablanca où les petites se faisaient régulièrement harcelées. En parallèle, la plupart des établissements privés (les missions étrangères, les écoles privées El Malaïka, El Jabr…) ont établi des programmes de prévention face à l’évolution de l’insécurité.
Les victimes hésitent très souvent à porter plainte car la procédure n’est pas simple. De plus, l’identification de l’agresseur par la victime ne s’opère pas à travers une vitre comme il est d’usage ailleurs, notamment en France, mais à visage découvert. Ce qui rebute les victimes qui craignent des représailles. Aucune statistique ne révèle donc de manière réelle l’ampleur du phénomène. Par ailleurs, le commerce de drogue expose les écoles à un grave danger. Pour les parents, la police devrait être plus présente autour des lycées pour dissuader les dealers.
Jihane Kabbaj, pour L’Economiste